«Syndicalisme» dans les armées : l’exemple allemand

Une note du général de Becdelièvre pour le groupe G2S

Le général (2S) Olivier de Becdelièvre, ancien attaché des forces terrestres en Allemagne, publie une note très instructive pour le compte du G2S, le cercle de réflexion des généraux en deuxième section de l’armée de terre. Nous en reprenons les points les plus importants, afin de nourrir la réflexion sur l’évolution de la représentation professionnelle des militaires, rendue nécessaire par le récent jugement de la Cour européenne des droits de l’homme. Un rapport pour le président de la République, rédigé par Bernard Pêcheur, doit être remis le 18 décembre.

(L’insigne du DBwV)

L’exemple du Deutscher Bundeswehrverband, en abrégé DBwV, ou « Association de la Bundeswehr allemande » peut fournir des éléments de réflexion, étant entendu que « comparaison n’est pas raison » et que ce qui vaut pour nos voisins et amis n’est pas nécessairement transposable.

Le DBwV se définit comme une association indépendante, politiquement et financièrement, dont l’objet est de représenter, vis-à-vis du parlement, du gouvernement, de la société civile et de l’opinion publique les intérêts généraux, moraux, sociaux et professionnels des membres et anciens membres des forces armées, du personnel civil de la Bundeswehr, des réservistes et contractuels, ainsi que de leurs familles et personnes à charge.

Le Deutscher Bundeswehrverband est un organe de représentation et de défense des intérêts, au sens large, de la communauté militaire et civile de la défense allemande. Strictement apolitique, en dépit du caractère « politique » de ses activités, il n’a ni vocation, ni compétence à intervenir dans le domaine du commandement. Il constitue cependant un réel contre-pouvoir, ne serait-ce que la « masse » de ses 200 000 adhérents, la « surface » qu’il a acquise dans la société comme dans les média, et sa liberté de pouvoir, en maintes occasions, exprimer publiquement des préoccupations partagées par une hiérarchie de la Bundeswehr tenue au devoir de réserve.

L’Association recrute ses membres au sein de cette population, militaires, civils, familles, en activité ou non, sur la base du volontariat.

La cotisation mensuelle est (au 1er avril 2014) de 9,50 € pour le personnel en activité, et de 8,50 € pour les autres membres, cette différence correspondant à la prise en charge d’une assurance « responsabilité civile » au profit du personnel « actif ». Un tarif réduit (4,25 €/mois) est consenti sous certaines conditions. La « protection juridique » est incluse dans la cotisation.

Le DBwV est organisé en deux sièges fédéraux, à Bonn et à Berlin, et comprend quatre sièges régionaux, correspondant aux commandements territoriaux. Environ 900 « Truppenkameradschaften » constituent le maillage de base. Pour son fonctionnement, l’Association emploie environ 180 personnes.

Les présidents élus, généralement du grade de colonel, font preuve d’une certaine longévité dans cette fonction, ce qui est un gage de stabilité et d’indépendance vis-à-vis des majorités électorales et des gouvernements successifs. Le fondateur, et premier président, Karl Theodor Molinari, a exercé pendant six ans de 1956 à 1963, Heinz Volland de 1967 à 1985, Bernhard Gertz de 1993 à 2008. Le président actuel, le lieutenant-colonel André Wüstner, a pris ses fonctions en 2013.

Le DBwV a été fondé le 14 juillet 1956 par 23 officiers, 25 sous- officiers et 7 militaires du rang issus du premier contingent de la Bundeswehr, incorporé en janvier 1956. Dès son origine, le DBwV reçoit le soutien de la hiérarchie, qui autorise ses réunions dans les enceintes militaires dès lors qu’aucune question politique, de quelque nature que ce soit, n’y est abordée. Dans les années soixante, l’Association doit s’imposer vis-à-vis du syndicat de la fonction publique ÖTV dans sa prétention à vouloir représenter les intérêts des militaires. Le nombre d’adhérents croit rapidement et régulièrement : 50 000 en décembre 1959, 110 000 en juillet 1966 (10ème anniversaire), 140 000 en janvier 1972, 175 000 en septembre 1974.

Actuellement, le DBwV compte environ 200 000 adhérents, au sein d’une communauté de la défense moins nombreuse qu’au cours des années soixante-dix. Environ 65% des militaires d’active allemands sont adhérents.

Le Bundestag et le gouvernement fédéral sollicitent la participation du DBwV en tant qu’organisation représentative des militaires lorsqu’ils légifèrent dans les domaines touchant aux intérêts des militaires et de leurs familles. L’Association s’efforce quant à elle d’influer sur les décisions du parlement et du gouvernement.

Au cours de son histoire, le DBwV est intervenu dans toutes les questions relatives au statut des militaires, et s’est trouvé à l’origine de certaines mesures, comme la création du corps des officiers techniciens.

Dans un passé plus récent, l’Association s’est prononcée à propos de l’égalité hommes- femmes dans la Bundeswehr, a milité pour l’égalité des soldes entre les anciens et nouveaux Länder, et a participé aux discussions sur le financement des opérations extérieures, en obtenant au profit des blessés et de leurs ayants-droits de meilleures prestations.

Le DBwV, qui s’était prononcé pour le maintien du service national (suspendu en 2011), porte actuellement son effort sur la restructuration de la Bundeswehr. En particulier, il milite pour que le budget de la défense soit porté à 35 milliards d’Euro (le budget 2014 s’établit à 32,8 Mrd €).

Le DBwV publie, à l’attention de ses membres, le mensuel « Die Bundeswehr », diffusé à 165 500 exemplaires, dont l’influence dépasse largement le cercle des adhérents.

Un certain nombre de fondations émanent du DBwV et se consacrent à des activités multiples :  entraide au profit des militaires en difficulté ;  formation politique (éducation, citoyenneté, défense), approfondissement de l’Innere Führung et de la formation des « citoyens sous l’uniforme ». La Förderungsgesellschaft (FöG), fournit prestations et services divers, de caractère économique et commercial, à des tarifs préférentiels  et la Fondation des Vétérans (créée le 22 novembre 2013), pour le soutien, vis-à-vis de la société, des anciens combattants en OPEX.

Le site (en allemand) du DBwV en cliquant ici.

Source : L’Opinion

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