Police, gendarmerie, armées : après les attentats de Paris, les Toulousains veulent-ils plus s’engager ?

Des milliers de postes à pourvoir et un afflux de candidatures : les attentats de Paris ont réveillé chez certains, un engouement pour l’armée ou la police. Le point à Toulouse.

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À Toulouse, les sollicitations ont été plus nombreuses dans les centres de recrutement des armées immédiatement après les attentats du 13 novembre. (photo d’illustration : AB)

5 000 postes supplémentaires dans la police et la gendarmerie d’ici deux ans, 1 000 emplois supplémentaires du côté des douanes et la fin des réductions d’effectifs dans l’armée jusqu’en 2019. Le président François Hollande l’a annoncé lundi 16 novembre 2015, lors du Congrès du Parlement, à Versailles, trois jours après les attentats de Paris qui ont fait au moins 130 morts : l’effort de « guerre » passera par une hausse des budgets et des effectifs du côté des fonctionnaires et des soldats. Le chef de l’État a par ailleurs évoqué la création d’une garde nationale, qui, grâce à l’engagement de  « réservistes » militaires, pourrait atteindre jusqu’à 50 000 hommes.

Pas d’effet à court terme

Autant de mesures qui devraient se traduire par des recrutements partout en France. À Toulouse, difficile cependant de mesurer les applications concrètes de telles annonces, une semaine seulement après les attentats. « Le problème, c’est que cela prendra effet, au mieux, d’ici deux ou trois ans », concède une source policière.

« Sans compter qu’obligatoirement, si l’on veut recruter plus et plus vite, les critères de sélection baissent. » Même constat du côté de la gendarmerie où l’on observe une tendance au « recrutement rapide ».

Au lieu de former les nouvelles recrues pendant dix mois à l’école, on passe à huit, explique-t-on ainsi à Toulouse.

Afin de permettre à d’éventuels nouveaux candidats de se présenter, la date limite d’inscription au concours de sous-officiers de gendarmerie a par ailleurs été repoussée au 9 décembre. Le recrutement des réservistes, lui, est permanent.

Évaluation psychiatrique

Du côté de la police, plusieurs possibilités s’offrent aux volontaires. « Nous avons le service volontaire citoyen, qui forme des bénévoles pour la police nationale, et la réserve citoyenne, précise-t-on à l’hôtel de police de la Ville rose. Dans les deux cas, les candidatures sont examinées par un jury et nous ne prenons pas, en cinq minutes, la première personne qui se présente. Ces personnes doivent être formées, évaluées sur le plan psychiatrique et tout cela prend du temps. »

Quant aux recrutements des fonctionnaires, ils se font sur concours. Il faudra donc du temps pour compléter les 5 000 postes à pourvoir dans les services de police et de gendarmerie.

Les sites de recrutement de l’armée trois fois plus consultés

Depuis les attentats du 13 novembre, les consultations sur les sites de recrutement des armées et les demandes de candidatures ont triplé, annonce-t-on du côté de l’État major des armées. En 2014, chaque jour, entre 100 et 150 jeunes manifestaient leur souhait de devenir soldat. Avec les attentats de janvier contre Charlie Hebdo, ce chiffre est passé à 400 pour finalement atteindre 1 500 depuis le 13 novembre. Sur sa page Facebook, l’armée de terre, qui recevait moins d’une dizaine de questions ou remarques quotidiennes relatives au recrutement avant les attentats, doit désormais répondre à plus de 40 sollicitations par jour.

C’est colossal, a assuré le colonel de Lapresle, chef du bureau marketing et communication du recrutement pour l’armée de terre, dans les colonnes du Monde. (…) Le 13 novembre, c’est la jeunesse dans sa globalité qui était visée. Les candidats que nous recevons depuis vendredi auraient pu être au Bataclan. C’est cette même jeunesse qui se tourne vers nous aujourd’hui, avec beaucoup de générosité.

Une « générosité » quelque peu nuancée par Daniel Oppenheim, psychiatre et psychanalyste, auteur d’une Lettre à un adolescent sur le terrorisme, interrogé par le journal La Croix, jeudi 19 novembre :

Les jeunes répondent à l’émotion par l’action, souligne-t-il (…) Mais ils sont également fascinés par l’affrontement, la violence, la mort, prévient-il. Et derrière leurs motivations raisonnables et conscientes (« Je veux défendre mon pays ») se cachent des motivations plus profondes qui peuvent être en miroir des motivations de ceux qui s’engagent dans le terrorisme.

À Toulouse, dix jours après les attentats de Paris, le calme est revenu dans les différents centres d’information et de recrutement des armées (Cirfa). Du côté de l’armée de terre, on constate en effet une augmentation du nombre de visites au centre de recrutement, dans l’enceinte du Palais Niel, mais il s’agit essentiellement de potentiels réservistes, souvent des jeunes ou des anciens militaires, prêts à consacrer du temps à l’armée en plus de leur emploi, dans la limite de 60 jours par an. « Les visites ne se traduisent pas toutes par des candidatures, ajoute-t-on au Cirfa. Et le bilan réel ne pourra être tiré que dans deux ou trois mois, quand nous aurons traité les candidatures qui arrivent en ce moment. »

« On ne devient pas militaire du jour au lendemain »

Même discours du côté de l’armée de l’air. « Dans la semaine qui a suivi les attentats, nous avons eu 20 à 30% d’appels téléphoniques supplémentaires par rapport à d’habitude, détaille le commandant Patrick Casellato, chef du bureau air du Cirfa de Toulouse.  Les sollicitations ont été plus nombreuses, notamment les lundi 16 et mardi 17 novembre, immédiatement après les attentats. Les gens veulent rendre service. Ils viennent se renseigner, mais ont plus de profils de réservistes alors que nous avons besoin de contrats d’active. » Sans compter que là encore, toutes les visites et demandes de renseignement ne se traduisent pas par des candidatures.

La démarche est longue, poursuit le commandant. Il y a un entretien de motivation, des tests d’aptitudes physiques, des tests psychotechnique, des tests d’anglais et de personnalité. On ne devient pas militaire du jour au lendemain !

Au centre de recrutement toulousain de la marine, on relativise, là aussi, les chiffres nationaux. « Les demandes restent stables, avec tout de même une petite augmentation du côté des réservistes, explique-t-on à l’accueil. Nos réunions d’information sont bien remplies en ce moment mais il y a toujours un pic après les vacances de la Toussaint. » Et encore une fois, il faut compter trois mois minimum et jusqu’à cinq ou six mois pour traiter les demandes.

Nous devons donc freiner certaines ardeurs… En vous présentant aujourd’hui au centre de recrutement, vous ne partirez pas sur le porte-avions Charles de Gaulle demain !

Conclusion : si engouement « post-attentats » il y a eu, celui-ci aura été de courte durée à Toulouse et ne pourra être réellement mesuré que dans plusieurs mois.
Chaque année, les trois armées – terre, mer et air – recrutent entre 15 et 20 000 personnes. « Attentats ou pas », conclut-on au Cirfa de Toulouse.

Source : Actu Côté Toulouse

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