Vote blanc ou nul : blanc bonnet ou bonnet blanc ?
En France, depuis longtemps, les grands médias prennent toujours beaucoup d’avance pour nous parler de « la prochaine élection ». Évidemment, l’élection présidentielle prévue en 2022 n’échappe pas à cette habitude. En cette période Covidienne, dégageant du temps pour la réflexion, il me semble judicieux de poursuivre l’analyse que j’avais commencée en juin 2017 pour ce qui est de la présentation des résultats électoraux.
N’ayant aucunement l’ambition d’être exhaustif sur la question, j’aborderais ici les grandes notions permettant de mieux comprendre les enjeux d’une élection. Commençons par définir les termes employés :
- Le corps électoral représente l’ensemble des personnes qui sont dotées de l’aptitude juridique à émettre un vote dans une élection ou un référendum.
- À ce niveau déjà, le fait de s’inscrire ou pas sur les listes électorales est un acte politique (conscient ou inconscient) puisque l’article 9 du code électoral rend cette formalité obligatoire.
- L’abstention consiste à ne pas participer à une élection ou à des opérations de référendum.
- Ici encore, cette absence de vote est un acte politique.
Passons à la source des divergences: le vote nul et le vote blanc :
- Le vote nul correspond à des bulletins déchirés ou annotés.
- Ils ne sont pas pris en compte dans les résultats de l’élection.
- Le vote blanc consiste à déposer dans l’urne une enveloppe vide ou contenant un bulletin dépourvu de tout nom de candidat ou de toute indication dans le cas d’un référendum.
- Les suffrages exprimés représentent l’ensemble des bulletins déposés dans l’urne, desquels sont soustraits les bulletins blancs et les bulletins nuls.
- Les machines à voter doivent permettre l’enregistrement du vote blanc (Article L 57-1 du code électoral)
- Les bulletins blancs sont décomptés séparément (Article L 65 du code électoral), ils n’entrent pas en compte pour la détermination des suffrages exprimés, mais il en est fait spécialement mention dans les résultats des scrutins.
Pour les partisans du vote blanc, qui considèrent que c’est un acte politique, la difficulté provient du fait que les votes blancs, s’ils sont bien comptabilisés séparément des votes nuls… ne le sont pas dans les suffrages exprimés.
Pour bien comprendre l’enjeu, prenons un exemple :
Imaginons les candidats A et B et 10 électeurs.
3 électeurs votent pour le candidat A et 4 pour le candidat B,
2 votent blanc et 1 abstentionniste qui ne vient tout simplement pas voter.
Voici le résultat du vote tel que pratiqué actuellement (sans compter les votes blancs) :
Prenons maintenant en compte les votes blancs dans les suffrages exprimés :
Dans cet exemple, le résultat du vote (candidat B élu) n’est pas remis en cause, mais il est vrai que sa légitimité n’est pas du même ordre. Le vote blanc est donc un indicateur d’adhésion ou plus exactement de non-adhésion à chacun des candidats.
Prenons l’exemple du second tour des élections présidentielles de 2017 ou je relevais déjà ce biais statistique :
En prenant en compte les non inscrits sur les listes électorales, les trois « options politiques » définies plus haut sont les mêmes, mais la répartition est quelque peu différente :
- Les « partisans » d’Emmanuel MACRON représentent 40% du corps électoral ;
- Les « aucun des deux ne me convient » représentent 40% du corps électoral ;
- Les « partisans » de Marine LE PEN représentent 20% du corps électoral.
Considérons que : ne pas s’inscrire sur les listes électorales, ne pas aller voter le jour du scrutin et voter blanc sont des actes politiques signifiant « aucun des candidats ne me convient ».
Prenons comme base de calcul le corps électoral, ce qui semble « solide »… les résultats diffèrent quelque peu de ce qui est annoncé triomphalement par les représentants de tous les partis, lors de la « grand-messe » de la soirée électorale traditionnelle.
À l’occasion des élections européennes de juin 2019, je faisais le même constat et déplorais le résultat « réel » des trois premières listes, c’est-à-dire, le Rassemblement National, la République en Marche et Europe écologie les Verts :
« Notre démocratie peut-elle se réjouir du score des trois premières listes ? 10,06% pour la première, 9,67% pour la seconde et 5,82% pour la troisième (ratio voix obtenues, personnes en âge de voter) ».
Tous les partis politiques déplorent l’abstention alors que si les électeurs pouvaient exprimer par le vote blanc, l’opinion : « je vote, mais, ni pour l’un ni pour l’autre », je suis persuadé qu’il y en aurait beaucoup moins. Il est navrant de constater qu’au fil des scrutins, le nombre des abstentionnistes progresse continuellement. Le triste record (près de 60%) est pour les élections européennes.
Un nouveau phénomène va encore compliquer la transparence des prochaines élections et notamment, présidentielles : le vote à distance via les machines à voter. Dans le numéro spécial du 29 décembre 2020 des Rendez-vous d’Hubert, j’ai listé et décrit les diverses fraudes aux votes ayant émaillé la dernière élection présidentielle américaine, notamment avec l’utilisation des machines à voter de la société SCYTL.
La consultation de la liste de ses clients est impressionnante. Pour la France figurent le ministère des Affaires étrangères, la haute autorité des primaires, le ministère de l’Intérieur, le ministère de l’Éducation nationale.
Le 2 juillet 2020, le sénateur Jean-Yves LECONTE, dans une question écrite, attire l’attention de M. le ministre de l’Europe et des Affaires étrangères :
« Sur la liquidation judiciaire de la société espagnole Scylt, prestataire de la direction des Français à l’étranger et de l’administration consulaire pour l’organisation du vote par internet des Français établis hors de France ».
Il s’inquiète notamment de « la robustesse du dispositif proposé par la société Scylt dans la perspective des élections consulaires ». La réponse du 1 octobre 2020 est rassurante :
« L’équipe dédiée du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères (MEAE) continue à travailler avec SCYTL. Le MEAE suit en parallèle attentivement la procédure en cours en Espagne et est en contact avec l’administrateur judiciaire chargé du dossier pour s’assurer que tout est mis en œuvre pour permettre la mise en œuvre effective de la solution de vote par internet pour l’élection consulaire prévue en mai 2021 ».
Cela ne semble pourtant pas rassurer la sénatrice Hélène Conway-Mouret qui dans une question écrite en date du 19 novembre 2020
« Attire l’attention de M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé du tourisme, des Français de l’étranger et de la francophonie sur l’absence d’organisation d’un test grandeur nature à l’approche des élections consulaires de 2021 ».
La réponse du 25 février 2021 est tout aussi rassurante… OUF :
« Le rachat de SCYTL par le groupe irlandais PARAGON, prononcé en octobre 2020 par le tribunal de commerce de Barcelone (Espagne), ne remet pas en cause la relation contractuelle existante. La direction de SCYTL, maintenue dans ses fonctions, a réaffirmé son intention de respecter ses engagements juridiques envers le ministère et de mener le projet à son terme. L’équipe projet de SCYTL reste par ailleurs la même. L’accomplissement des formalités administratives liées au rachat est en cours et les équipes de SCYTL et du MEAE poursuivent leur collaboration en vue des élections consulaires de mai 2021 ».
Dans le cadre du projet de loi organique relative à l’élection du Président de la République en discussion au Sénat… messie, messie !!! ??? Voilà que mes hallucinations mystiques reviennent . Je reprends : mais si, je vous ai déjà relaté ce « Toilettage pour sécuriser l’élection présidentielle de 2022 » le 2 mars dernier.
En fait, l’introduction du vote électronique se met tranquillement en place. La crise du « Corona-politicus » permet décidément de faire avancer des choses… mais pas la reconnaissance du vote blanc.
Il suffit de lire ce qu’en pense le Conseil constitutionnel pour comprendre que le vote blanc soulève de très, mais alors très « sérieuses difficultés » :
« On pourrait imaginer un décompte à part des bulletins blancs, mais, en aucun cas, leur assimilation aux suffrages exprimés. Cette assimilation produirait en effet des conséquences techniques indésirables.
Alors, vote nul et vote blanc… blancs bonnets ou bonnets blancs ?
« Chaque fois que vous vous retrouvez à penser comme la majorité des gens, faites une pause et réfléchissez »
Chers lecteurs, je vous aime et vous salue
Source : Sérénité Patrimoniale
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