Vaucresson : illégalement licencié après un accident, un policier indemnisé 17 ans plus tard
Un ancien gardien de la paix stagiaire, licencié à tort à la suite d’un accident de la route, a bataillé près de vingt ans pour obtenir réparation.
Victime d’un accident de la route fin 2006, le gardien de la paix avait été licencié quatre ans plus tard. En 2019, le ministère de l’Intérieur était condamné à indemniser l’intéressé. Ce qu’il ne fera qu’en août 2023. (©illustration/Alexis Sciard/MAXPPP)
La cour administrative d’appel de Versailles a formellement clos le litige qui opposait depuis dix-sept ans un ancien gardien de la paix stagiaire de la Compagnie républicaine de sécurité (CRS) de Vaucresson (Hauts-de-Seine) au ministère de l’Intérieur.
Licencié alors qu’il n’était pas titulaire
Victime d’un accident de la route, le 21 décembre 2006, le jeune policier avait d’abord été placé en congé de maladie ordinaire, avant de reprendre ses fonctions un an plus tard, le 26 novembre 2007. Il avait alors bénéficié de deux « reports de titularisation » dans la fonction publique puis, « dans cette attente », avait été placé en « position de détachement » à la direction zonale des compagnies républicaines de Paris, au sein de son « pool automobile », à compter de septembre 2009.
Mais, le 31 mai 2010, le médecin-chef de la Police nationale avait conclu à son « inaptitude définitive » à tout « service actif » dans la police… Le ministre (UMP) de l’Intérieur de l’époque Brice Hortefeux l’avait donc licencié pour « inaptitude ».
Le jeune gardien de la paix stagiaire s’était tourné vers la justice administrative, qui lui avait donné une première fois raison en octobre 2014 : ce licenciement était « illégal » du fait de son absence de titularisation dans la fonction publique.
Sa réputation « atteinte du fait de son licenciement »
Le nouveau ministre (PS) de l’Intérieur Bernard Cazeneuve l’avait donc réintégré dans ses effectifs, le 30 mars 2015, soit cinq ans après son départ contraint et forcé. Le requérant n’en était toutefois pas resté là et avait de nouveau attaqué son administration en justice pour, cette fois-ci, être indemnisé des « préjudices » en lien avec cette mise à l’écart « illégale ».
Un second jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise avait condamné en juin 2019 le ministère de l’Intérieur – alors dirigé par Christophe Castaner (LREM) – à verser 1000 euros au requérant pour son préjudice moral. L’agent avait par ailleurs été renvoyé devant sa hiérarchie pour procéder au calcul précis de ses cinq années de salaires perdues.
La cour administrative d’appel de Versailles avait finalement évalué cette somme à un peu plus de 40 000 euros, dans un arrêt rendu en novembre 2021, et avait porté l’indemnisation du « préjudice moral » du policier à 4000 euros. Le ministère de l’Intérieur de Gérald Darmanin (LREM) avait aussi été condamné à lui verser 2 000 euros pour ses frais d’avocat.
« L’éviction (…) doit être regardée comme étant à l’origine d’un préjudice moral, dès lors que l’intéressé – dont la réputation a été atteinte du fait de son licenciement – a dû recourir pendant une période significative de près de cinq années à plusieurs emplois d’agent de sécurité, plus précaires et moins valorisants (…) que le métier de gardien de la paix », justifiait-elle.
L’Intérieur se fait tirer l’oreille pour payer
Seulement voilà : sept mois après le rendu de cette décision, le requérant n’avait toujours pas vu la couleur de son argent, ce qui l’avait donc obligé une nouvelle fois à saisir la justice administrative d’une « procédure d’exécution » de l’arrêt.
Le 12 janvier 2023, le ministère de l’Intérieur avait ainsi été formellement « mis en demeure » de produire des conclusions. Cinq nouveaux mois s’étaient alors écoulés pour que le requérant touche ses 4 000 euros de préjudice moral, ses 2 000 euros de frais de justice et 206,51 euros pour les « intérêts de retard » qu’il aurait pu gagner s’il avait pu placer cet argent à la banque.
Le ministère de l’Intérieur avait par conséquent été une nouvelle fois « invité » par la justice à « compléter l’instruction », le 22 juin 2023, en versant « sous dix jours » les 40 749 euros manquants. La somme avait finalement été perçue le 29 août 2023… autrement dit près de dix-sept ans après l’accident de la route à l’origine de cette interminable procédure judiciaire.
« Par un mémoire (…) postérieur à l’introduction de la requête, le ministre de l’Intérieur (…) a justifié (…) du paiement (…) de la somme principale », constate la cour administrative d’appel de Versailles dans un arrêt en date du 21 septembre 2023, qui vient d’être rendu public.
/GF (PressPepper)
Source : Actu.fr
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