Une nouvelle application de la gendarmerie fait débat
L’application GendNotes permet aux gendarmes de prendre des notes et de les transférer directement depuis leur smartphone. Un gain de temps qui pose néanmoins la question de la sécurisation et du traitement de données sensibles, parfois nécessaires à l’avancée d’une enquête judiciaire.
Orientation sexuelle ou religieuse, opinion politique, appartenance syndicale, données de santé… Voici les informations que peuvent noter les gendarmes français dans leur smartphone depuis le 21 février, au lendemain du décret du ministère de l’intérieur autorisant « le traitement automatisé des données à caractère personnel » sur l’application mobile « GendNotes ».
D’après l’article premier dudit décret, il s’agit de « faciliter le recueil et la conservation, en vue de leur exploitation, des informations collectées par les militaires de la gendarmerie nationale », notamment « à l’occasion d’investigations », et « faciliter la transmission de comptes rendus aux autorités judiciaires ».
Données plus ou moins sensibles
« Un gendarme a toujours un petit carnet dans sa poche pour noter des renseignements, explique-t-on à la gendarmerie nationale. Afin de nous moderniser, nous utilisons depuis 2016 le NeoGend, smartphone chiffré, désormais équipé de cette application de prises de notes. » Dans des champs préremplis, le militaire peut ainsi renseigner le sexe, le nom et la date de naissance, la nationalité et la profession.
Ces données, ensuite, sont éventuellement transmises dans le logiciel de rédaction des procédures de la gendarmerie nationale auquel ont accès les autorités judiciaires. En outre, le maire de la commune ou le préfet peuvent avoir accès à ces informations « dans la stricte limite du besoin d’en connaître », soit des cas exceptionnels, engageant la sécurité publique par exemple.
« Un gain de temps considérable », assure l’administration. Sauf que le gendarme peut aussi être amené à noter des informations plus sensibles, notamment dans le champ « commentaires libres ». « Une victime agressée du fait de son orientation sexuelle par exemple, nous le notons car cette information permet de requalifier l’infraction en agression homophobe, détaille la gendarmerie nationale, insistant sur l’absence de toute « stigmatisation ou discrimination. »
Des inquiétudes sur leur utilisation
C’est néanmoins ce risque qui fait tiquer associations et avocats. « C’est un décret imprécis qui n’offre pas assez de garanties », résume Maryse Artiguelong, vice-présidente de la Ligue des droits de l’Homme (LDH), pour qui « quand on a des données, en général, on les utilise ».
Une inquiétude partagée par Me Thierry Vallat, spécialiste du numérique. « Du moment que ces données sont stockées dans un logiciel ou sur un smartphone, il existe un risque de croisement d’informations », estime l’avocat qui insiste par ailleurs sur le risque de craquage du téléphone de l’officier de gendarmerie. Prudent, l’avocat spécialiste du numérique souligne aussi que, si nous sommes aujourd’hui dans un régime démocratique, « on ne sait pas ce qu’il peut arriver dans le futur et à quoi pourraient servir ces données ».
Et sans faire de procès d’intention aux gendarmes, il trouve tout de même problématique qu’ils soient seuls à décider de garder en mémoire ces informations, ou non. « Il serait préférable de mettre en place des garde-fous, suggère-t-il, comme un juge qui donnerait l’autorisation de noter une donnée sensible mais indispensable au bon procédé de l’enquête. »
La gendarmerie se veut rassurante
« C’est une polémique qui me surprend », s’étonne Frédéric Le Louette, président de l’Association professionnelle nationale de militaires « Gend XXI », pour qui l’utilisation de GendNotes ne représente en rien une révolution. « Nous serions les premiers à émettre des réserves si nous avions le sentiment que l’application peut poser problème et servir à un quelconque fichage », ajoute-t-il.
D’après la gendarmerie nationale, aucune information notée dans le champ « commentaires libres » de GendNotes n’est transmise automatiquement à quelque logiciel que ce soit. « Tout est fait par oral, mail ou écrit, comme au temps du carnet de notes. » Un point sur lequel la commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), qui s’est montrée favorable à l’utilisation de GendNotes, a tout de même émis une réserve affirmant qu’« il conviendrait que les données sensibles soient transmises de manière chiffrée et que ces transmissions soient tracées ».
Source : La Croix
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