Deux ans d’enquête, et près de dix millions d’euros d’avoirs criminels saisis à l’arrivée, la plupart sous forme de biens immobiliers : les gendarmes de la section de recherche (SR) de Rouen (Seine-Maritime), appuyés par le groupement d’intervention régional (GIR), n’ont pas ménagé leur peine pour démêler les fils d’une très importante escroquerie financière, démantelée au fil de plusieurs vagues d’interpellation qui ont conduit à l’interpellation d’une quarantaine de personnes.
Initialement, le dossier a débuté par l’interpellation fortuite de deux ressortissants turcs, en 2015. Les deux hommes sont contrôlés à un péage en Seine-Maritime, près de Dieppe, transportant avec eux 18 000 euros en liquide dont ils sont incapables d’expliquer la provenance. Une perquisition est menée à leur domicile, où est découvert ce qui semble être un complexe système de gestion de société.
Des notaires véreux et des banquiers indélicats
Saisis, les gendarmes finissent par en percer le mystère. Avec l’aide de notaires véreux et de banquiers indélicats, le système permettait de souscrire indûment des prêts immobiliers. Le schéma le plus classique consistait à blanchir des fonds issus de travail dissimulé, dans le bâtiment ou le commerce notamment. Un bien immobilier était alors acquis, le prêt remboursé progressivement, l’argent investi étant alors devenu tout ce qu’il y a le plus propre. «Au final, il y avait de nombreux montages financiers différents», explique-t-on de source proche de l’enquête.
A plusieurs reprises, certains des prêts n’étaient tout simplement pas remboursés, et l’argent s’évaporait. Des virements en direction de la Turquie ou de Dubaï ont ainsi été mis au jour. Une licence de taxi a même été achetée avec ces fonds à l’origine douteuse. Pilotée par un juge d’instruction de la Juridiction interrégionale spécialisée (JIRS) de Lille (Nord), l’enquête se poursuit. «Il reste des dossiers de prêt à mettre au jour», reprend cette même source.
85 prêts indus repérés pour l’instant
D’ores et déjà, près d’une centaine de personnes physiques ou morales ont été mises en cause, en Normandie mais aussi en région parisienne, où opéraient les têtes de cette organisation qui n’en était pas vraiment une. «Leur fonctionnement semblait très horizontal, analyse un proche du dossier. Il y avait beaucoup de mise en relation.» Trois établissements bancaires semblent avoir été particulièrement visés, à travers plusieurs de leurs agences, pour un total de 85 prêts indus repérés pour l’instant.
Une première vague d’interpellations avait eu lieu en mai 2016. L’un des notaires impliqués, alors incarcéré, s’était donné la mort à la prison de Rouen. Pour les dernières arrestations en date, réalisées cette semaine, une cinquantaine de gendarmes ont été mobilisés. D’ores et déjà, 14 personnes ont été mises en examen dans cette tentaculaire affaire, dont le prejudice pourrait être de 20 millions d’euros.
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