Un policier viré «par Darmanin» pour avoir critiqué sa hiérarchie: «Ils ont choisi la guerre totale»
Le policier lanceur d’alerte et responsable du syndicat Vigi Alexandre Langlois a été révoqué. En cause, un tract attaquant l’ex-patron de la Police nationale, Éric Morvan. Cette décision inédite pourrait créer un dangereux précédent selon l’intéressé. Au micro de Sputnik, il assure qu’il va continuer la lutte.
«C’est inédit dans l’histoire de la police qu’un syndicaliste se fasse révoquer pour des propos syndicaux. Et ils le font malgré mes bons états de service.» Alexandre Langlois, à la tête du syndicat policier Vigi, s’est vu signifier par un courrier daté du 12 mars sa révocation de la Police nationale. Le lanceur d’alerte, connu pour avoir eu plusieurs fois maille à partir avec sa hiérarchie ces dernières années, se voit reprocher la diffusion d’un tract polémique en janvier 2020.
Ce brûlot remettait notamment en cause le bilan d’Éric Morvan. L’ancien chef de la Police nationale y apparaissait affublé d’une bulle lui faisant dire: «Après 110 suicides de policiers depuis ma prise de fonctions, de la fraude aux élections pro, la répression de la liberté syndicale, la falsification des chiffres de la délinquance, je pars épuisé en retraite anticipée, trois ans en avance.»
La provocation de trop pour sa hiérarchie. Et la première étape vers son éviction. Alexandre Langlois a d’abord été convoqué par le conseil de discipline de la Police nationale le 20 janvier. Mais aucune sanction n’avait été prononcée.
«Tous les syndicats avaient fait front en faisant fi de nos différences politiques. Ils avaient bien compris que l’on attaquait la liberté d’expression», explique au micro de Sputnik le responsable de Vigi.
Résultat: le conseil avait renvoyé la patate chaude au ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin.
«C’est une décision prise par Darmanin. D’ordinaire, les révocations sont décidées par le conseil de discipline. Tout cela est politique», s’insurge le syndicaliste.
Sputnik s’est procuré le courrier adressé à Alexandre Langlois pour lui signifier sa révocation. Cette lettre signée du nouveau patron de la Police nationale, Frédéric Veaux, enfonce le clou: «En outrepassant délibérément et publiquement les limites de l’exercice de la liberté d’expression syndicale et en faisant preuve d’une animosité calomnieuse et infamante à l’endroit du directeur général de la Police nationale, mais aussi du ministre de l’Intérieur, le gardien de la paix Alexandre Langlois a gravement manqué aux obligations statutaires et déontologiques qui s’imposent aux fonctionnaires de police, y compris lorsqu’ils s’expriment dans le cadre d’un mandat syndical, en l’occurrence au devoir d’exemplarité […], au devoir de réserve, et au devoir de loyauté…»
«Plusieurs fonctionnaires de police ont été sanctionnés, notamment pour des propos racistes à la suite de l’affaire du dépôt du tribunal judiciaire de Paris et du témoignage du brigadier Amar Benmohamed. Ils ont reçu des blâmes et des avertissements. Ces derniers n’étant que des rappels à l’ordre.»
Le gardien de paix assure qu’il «est rarissime qu’une révocation soit prononcée au sein de la fonction publique». «Mon avocat me racontait des affaires où des exclusions temporaires avaient été demandées pour des faits d’escroquerie et autres montages financiers», ajoute-t-il. Et de poursuivre:
«On me dit que j’ai porté atteinte à l’image de la Police nationale. Mais, moi, je n’ai jamais déclenché de manifestations féministes place Beauvau parce que j’étais accusé de viol.»
Alexandre Langlois fait ici référence aux accusations portées contre le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, par Sophie Patterson-Spatz. Celle-ci assure que le premier flic de France est coupable de faits de viol, harcèlement sexuel et abus de confiance sur sa personne.
La nomination de Gérald Darmanin place Beauvau a soulevé la colère de nombreux mouvements féministes qui manifestent régulièrement aux cris de «Darmanin violeur».
«Je ne dis pas qu’il est coupable. Mais qu’il soit innocent ou pas, on ne peut pas dire que cela donne une bonne image du premier flic de France», ironise le policier.
L’exclusion d’Alexandre Langlois risque-t-elle de créer un dangereux précédent pour les lanceurs d’alerte dans la police?
«Oui et plus largement pour les syndicalistes. Le timing n’est pas anodin. C’est un message envoyé en plein Beauvau de la sécurité: « Asseyez-vous sur une chaise, applaudissez ce que vous dit le gouvernement. Et, si vous n’êtes pas d’accord, sachez qu’on peut vous virer »», résume le syndicaliste.
Ce dernier parle également d’un «tour de passe-passe» dans cette affaire: «Je demande une rupture conventionnelle afin de quitter la police. Les circulaires d’application prévoient qu’il est interdit d’accorder une rupture conventionnelle demandée dans le dessein d’éviter une sanction. Là, c’est l’inverse qui a été fait. Afin d’éviter une rupture conventionnelle, une sanction a été prononcée.»
«Le message envoyé à tous les employeurs de France par le patron voyou de la police est le suivant: « Si un employé vous embête, virez-le! »», alerte-t-il.
Alexandre Langlois compte bien se battre et se dit «confiant». Il va rester à la tête de Vigi «tant que tous les recours légaux n’ont pas été épuisés» et réaffirme sa détermination:
«Ils ont levé une incertitude et ils ont choisi la guerre totale. On va y aller et opposer à leurs muscles la pédagogie.»
Son avocat prépare un recours afin de suspendre la décision avant de tenter de la faire casser sur le fond. Le policier lanceur d’alerte dit avoir reçu beaucoup de messages de soutien, y compris de la part d’adversaires politiques:
«Ils se disent que ce qu’il se passe est dangereux et que, demain, tout le monde peut être cloué au pilori.»
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