Un policier jugé pour avoir giflé un «gilet jaune» lors des manifestations du 1er mai

Le dépositaire de l’ordre public risque une peine de cinq ans d’emprisonnement et 75.000 euros d’amende.

FRANCE-MAYDAY-PROTEST

Lors des manifestations du 1er mai, des tensions ont éclaté entre manifestants et forces de l’ordre. KENZO TRIBOUILLARD/AFP
«Qu’est-ce que t’as toi?». Ces quelques mots lancés au visage d’un manifestant ont précédé un geste qui a fait le tour des réseaux sociaux. Lors des manifestations du 1er mai, un policier est en effet filmé distribuant une paire de gifles à un manifestant, devant un bar tabac boulevard Montparnasse. «Gilet jaune» de longue date, Yohann, 45 ans, s’est vu prescrire une incapacité temporaire de travail (ITT) supérieure à huit jours et a décidé de porter plainte. Le membre des forces de l’ordre est donc convoqué devant le tribunal correctionnel de Paris, jeudi 19 décembre, pour répondre des faits de «violences par personne dépositaire de l’autorité publique».

Depuis le début du mouvement des «gilets jaunes», en novembre 2018, les plaintes pour «violences policières» se sont multipliées au rythme des manifestations organisées chaque samedi. Lors de cette nouvelle journée d’action du 1er mai, organisée pour la fête du travail, des heurts violents éclatent entre manifestants et forces de l’ordre. En début d’après-midi, un groupe se retrouve devant le bar tabac Le Brazza, boulevard Montparnasse, à Paris. D’après un photographe de Libération , la scène se déroule aux alentours de 13h51, heure à laquelle a été pris l’un de ses clichés retraçant l’événement.

Un policier est alors filmé criant «casse-toi!» à un manifestant qu’il pousse. Un autre manifestant lui répond alors: «Toi aussi, casse-toi!». Le policier se retourne et s’avance vers lui. «Qu’est-ce que t’as toi?», lâche-t-il avant de lui donner deux gifles. Les lunettes de soleil de l’homme frappé au visage s’envolent mais il demeure immobile, une femme âgée s’interpose alors entre lui et les forces de l’ordre. D’autres manifestants le tirent ensuite à l’intérieur du bar tabac, avant de fermer le rideau de fer.

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À la suite de la publication de cette vidéo sur les réseaux sociaux, le 2 mai, le préfet de police de Paris, Didier Lallement, a saisi le jour suivant l’inspection générale de la police nationale (IGPN) afin d’enquêter. Le jour même, Yohann, l’homme giflé, a également témoigné sur LCI et fait part de son intention de déposer plainte le lendemain. S’il assure «comprendre» la fatigue des forces de l’ordre, il les appelle toutefois au «dialogue». «Je n’ai même pas de haine envers lui, j’ai de la haine envers les personnes qui leur donne des ordres», avait-il alors déclaré sur LCI. Ce jeudi, il se retrouvera donc face au policier lors de son jugement.

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2500 manifestants et 1800 policiers blessés

Il s’agit du deuxième procès d’un dépositaire de l’ordre public depuis le début du mouvement des «gilets jaunes», et le premier avec une partie civile. Le 21 novembre, un premier policier avait été jugé devant le même tribunal pour avoir jeté un pavé le 1er mai. Comme aucune victime ne s’était manifestée, ni n’avait déposé de plainte, aucune partie civile ne s’était constituée. Le délibéré doit d’ailleurs être rendu ce jeudi, le jour du procès de son collègue. Le parquet avait requis trois mois de prison avec sursis.

Dans le cas présent, la situation est toutefois différente. Car les faits sont plus graves puisqu’il y a une victime dont l’ITT est supérieur à huit jours. Il risque donc cinq ans d’emprisonnement et 75.000 euros d’amende, d’après l’article 222-12 du Code pénal. Le cadre légal de l’usage de la force est régi par le code de la sécurité intérieure, par le Code pénal ainsi que par des préconisations faites par l’administration. Pour trancher, le juge doit toutefois étudier si le geste commis répond aux principes d’absolue nécessité d’usage de la force, et de proportionnalité.

L’audience intervient, par ailleurs, dans un climat particulièrement tendu, en plein mouvement de mobilisation et de grève contre la réforme des retraites et un an après le début du mouvement des «gilets jaunes». Le 5 décembre dernier, deux policiers ont été filmés donnant des coups de pied et de matraques à un homme au sol, en marge des manifestations du 5 décembre. L’IGPN a été saisie. D’après un décompte du ministère de l’Intérieur rendu public fin novembre, 2500 manifestants et 1800 membres des forces de l’ordre ont été blessés depuis le début du mouvement des «gilets jaunes». Sur les 212 enquêtes confiées par le parquet à l’IGPN, 146 ont été clôturées, avait indiqué le procureur de la République de Paris mi-novembre. Parmi elles, 54 ont été classées sans suite et seulement 18 procédures ont fait l’objet d’une ouverture d’information judiciaire, dont les convocations des deux policiers devant le tribunal correctionnel.

Source : Le Figaro

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