Un mort, faute d’anesthésiste à l’hôpital du Bailleul : « Malheureusement, ça devait arriver »
Le manque de médecins prend une tournure dramatique dans le Sud Sarthe. Un patient qui était venu à l’hôpital du Bailleul (situé entre Sablé et La Flèche) est mort car il n’y avait pas de médecin anesthésiste présent pour réaliser l’opération urgente dont il avait besoin.
« Malheureusement, ça devait arriver« . L’une des représentantes du personnel de l’hôpital du Bailleul, dans le Sud Sarthe ne cache pas son émotion et son dépit après la mort d’un patient à cause d’une prise en charge tardive, faute de médecin anesthésiste le 1er novembre 2021. « C’est dramatique« , commente Line Mariot de la CFDT, syndicat majoritaire dans l’établissement. Atteint d’une péritonite, c’est-à-dire une inflammation aiguë, le patient en question aurait dû être opéré en urgence au Bailleul. Mais son transfert en ambulance au Mans, à une quarantaine de kilomètres, a été fatal. Il est décédé peu de temps après son arrivée, selon les informations que France Bleu Maine a pu recueillir.
En ce jour férié de la Toussaint, l’absence d’anesthésiste au Pôle Santé Sarthe et Loir a causé des difficultés pour les soins de six personnes, rapporte Le Maine Libre qui a révélé les faits dans son édition du jeudi 25 novembre. Contactée, la direction de l’hôpital du Bailleul n’a pas donné suite à notre demande de confirmation.
La maire de La Flèche ordonne une enquête pour comprendre et pour « que cela ne se reproduise plus »
Ce drame montre qu’un seul grain de sable peut venir mettre à mal tout le fonctionnement des urgences du Bailleul. Au départ de cette affaire : « Un imprévu comme il peut tout à fait y en avoir« , résume Nadine Grelet-Certenais. « L’anesthésiste qui devait prendre la garde a, lui-même, dû être hospitalisé en urgence », rapporte la maire de La Flèche, par ailleurs présidente du comité de surveillance du Pôle Santé Sarthe et Loir. « C’est dire si nous sommes très, très limite. Nous n’avons plus de ressource derrière, plus de parachute« , commente l’élue. « C’est absolument inadmissible que nous n’ayons pas le minimum nécessaire au bon fonctionnement de notre service des urgences ! » Nadine Grelet-Certenais réclame à la direction de l’établissement et à l’Agence Régionale de Santé une enquête « pour comprendre ces dysfonctionnements« . La maire de La Flèche ajoute : « Je demande que soient analysés de façon très précise les faits qui se sont produits ce jour-là. Qu’on en tire des conclusions. S’il doit y avoir des remises en cause de certaines organisations, qu’on les pointe« . L’élue insiste : « Il est hors de question que ça se reproduise ! »
« Nous alertons depuis des années ! »
Le manque de médecin n’est pas un fait nouveau au Pôle Santé Sarthe et Loir situé entre Sablé et La Flèche. Les difficultés sont récurrentes, à tel point que le service des urgences est régulièrement amené à fermer. « Cela fait des années que nous alertons sur les conséquences de la pénurie de praticiens« , rappelle Line Mariot, représentante du personnel. « Ce drame est une alerte supplémentaire. Mais fera-t-elle bouger les choses ? », s’interroge-t-elle. « Nous voyons là l’illustration la plus dramatique du problème de manque de personnel », commente Marc Gandon. Le secrétaire départemental du syndicat Force Ouvrière Santé décrit « un effet domino ». Selon lui, l’enchaînement est mécanique : « Manque de médecins traitants, recours aux urgences plus fréquents, urgences sans personnel suffisant, fermetures de ces services par intermittence dans les hôpitaux périphériques, transfert des patients à l’hôpital du Mans qui, à son tour, déborde« .
Difficulté supplémentaire : le plafonnement des salaires des médecins intérimaires
Mi-octobre, une autre difficulté est venue s’ajouter à ce dossier déjà très épais. L’entrée en vigueur d’une loi plafonnant le salaire des médecins intérimaires a fait craindre des difficultés de recrutement encore plus importantes au Bailleul et dans tous les hôpitaux sarthois périphériques. L’application de cette mesure (la loi Rist) a, depuis, été différée par le gouvernement à 2022. Mais elle n’est pas enterrée. Plusieurs responsables politiques sarthois craignent que les médecins intérimaires se détournent tout simplement de l’hôpital public. Or, les intérimaires sont nombreux au Pôle Santé Sarthe et Loir. Leur présence est indispensable pour faire fonctionner l’établissement. Par conséquent, « l’hôpital du Bailleul est clairement menacé », avait alors déclaré le maire Sablé-sur-Sarthe, Nicolas Leudière, invité de France Bleu Maine.
Une « perte de chance » pour tous les habitants du Sud Sarthe
La mort d’un patient arrivé au Pôle Santé Sarthe et Loir puis transféré au Mans, faute de médecin anesthésiste sur place est le « cas extrême », « l’illustration ultime » du manque de médecins, s’accordent à dire les différents interlocuteurs joints par France Bleu Maine. Toutefois, tous insistent sur la « perte de chance » qui pèse sur l’ensemble des habitants du Sud Sarthe qui seraient amenés à fréquenter l’hôpital du Bailleul et, tout particulièrement, son service des urgences.
« Prenons l’exemple de quelqu’un qui arrive avec une douleur thoracique. Le temps qu’on voit ce patient, qu’on passe des coups de fils, que l’ambulance arrive, que cette personne soit transférée. Si vous perdez une heure ou trois heures, c’est cela qui amène le drame », détaille Lina Mariot, représentante du personnel à l’hôpital du Bailleul. La syndicaliste (CFDT) est catégorique : « Ce risque est de plus en plus fréquent aujourd’hui, il a augmenté ces derniers temps ». La responsable pointe du doigt la difficulté supplémentaire de la fermeture, par intermittence des services d’urgences, faute de personnel. « Il faut se mettre à la place de la population. Vous vous levez le matin. Vous devez vous poser la question de où aller, quel service d’urgences est ouvert. C’est triste d’en être arrivé là », commente-t-elle avec amertume.
Poursuite de la réflexion pour une meilleure offre de soins
Des réflexions ont été lancées bien avant ce drame pour proposer une meilleure offre de soins en Sarthe, malgré un nombre de praticiens très limité. « Nous travaillons à une articulation de la ressource médicale (avec l’hôpital du Mans et le CHU d’Angers, NDLR) pour qu’il y ait, à tout moment, au Bailleul, un minimum d’urgentistes et d’anesthésistes pour sécuriser nos hôpitaux. Cet événement va, je l’espère, précipiter un peu le travail déjà entamé », rappelle Nadine Grelet-Certenais, maire de La Flèche et présidente du comité de surveillance du Pôle Santé Sarthe et Loir. « L’hôpital est aussi, lui-même, en train de réfléchir à une organisation en interne », précise l’élue. Le Sud Sarthe n’est pas le seul à connaître des difficulté. Tout récemment encore, les urgences de Mamers ont appris leur fermeture pendant un mois, en décembre avant que la décision soit annulée.
Source : France Bleu
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