Un gendarme jugé pour le meurtre d’une étudiante à Lille, 21 ans après
Lylian Legrand, 45 ans, comparaît à partir de ce lundi devant la cour d’assises du Nord, à Douai, pour homicide volontaire et tentative de viol. La victime: Stéphanie Fauviaux, 18 ans, retrouvée morte dans sa baignoire le 24 mai 1995 à Lille. Une affaire pleine de failles et de rebondissements dont on attend la vérité à l’audience.
Cette photo de Stéphanie Fauviaux a longtemps été publiée dans nos colonnes pour les appels à témoins.
L’affaire aurait pu ne jamais arriver devant les assises. Trop de temps écoulé, trop peu d’éléments, aucun mobile à la mort de cette brillante étudiante en sciences originaire de Wizernes, près de Saint-Omer. Le dossier a épuisé des générations d’enquêteurs, deux services de police, cinq juges d’instruction et des dizaines d’experts. À l’été 2010, la justice a bien failli classer le dossier. Il a fallu tout l’acharnement de Francis et Ginette Fauviaux, les parents de Stéphanie, pour que les magistrats n’oublient pas leur fille. Mais il n’y aurait jamais eu de procès sans les progrès de la science.
Elle est pourtant bien malmenée, la science, lorsque les policiers découvrent le corps, en plein centre-ville de Lille. Ils ont été alertés par la colocataire de Stéphanie venue chercher des affaires avec deux de ses proches. Accident, suicide… Leurs premières conclusions n’incitent pas à geler la scène de ce qui s’avère être un crime. On est en 1995, trop tôt pour les réflexes de police scientifique. Et on est à la veille d’un jour férié. Les enquêteurs chevronnés ont pris leur week-end. Première malédiction. L’enquête s’enlise, se perd… L’autopsie révèle un traumatisme crânien, des ecchymoses sur les cuisses, des brûlures provoquées par l’eau très chaude du bain. Stéphanie a été étranglée. Sa carte bancaire, une bague, ont disparu, laissant croire à un cambriolage. On découvre un poil pubien sur son nombril. Coïncidence probable et deuxième malédiction. Les investigations partent tous azimuts. Toujours aucun mobile à la mort de cette jeune fille stable et sérieuse. La famille et les amis multiplient les appels à témoins. Un mois après la mort de Stéphanie, sa maman reçoit une lettre anonyme contenant un article sur le meurtre, barré d’une croix rouge. Puis un témoignage oriente les enquêteurs vers le milieu de la drogue: Stéphanie aurait été importunée par des dealers. Dans son sang, les experts ont retrouvé des traces d’héroïne consommée une à trois heures avant sa mort. Mais rien dans ses cheveux. L’étudiante n’était pas une junkie. «Ce n’est pas tant le résultat que la façon dont le procès va se tenir qui inquiète les parents de Stéphanie. Ils espèrent que la mémoire de leur fille ne sera pas salie» L’enquête s’enlise, se perd… Jusqu’à ce que les yeux neufs de la PJ et les progrès de la science se penchent sur le peignoir de Stéphanie, conservé sous scellés. L’ADN de «contact» retrouvé sur le col les mène tout droit à Lylian Legrand… 17 ans après. Il faudra tout le talent de Me Éric Dupond-Moretti pour qu’à Douai, la cour trouve un sens aux multiples versions du gendarme. « Ce n’est pas tant le résultat que la façon dont le procès va se tenir qui inquiète les parents de Stéphanie. Ils espèrent que la mémoire de leur fille ne sera pas salie », plaide Me Gildas Brochen, l’avocat des Fauviaux. Les jurés ont une semaine pour comprendre ce qu’il s’est réellement passé il y a plus de 21 ans.
24 mai 1995 : Stéphanie Fauviaux, 18ans, est retrouvée morte dans sa baignoire à Lille.
13 juin 2008 : un ex-étudiant en mathématiques, Radouane X., est mis en examen pour homicide volontaire et placé sous contrôle judiciaire jusqu’en 2013.
Eté 2010 : La justice envisage un non-lieu.
8 février 2012 : la PJ est saisie pour apporter un nouveau regard sur la procédure.
16 novembre 2012 : Lylian Legrand est mis en examen pour homicide volontaire. La charge s’alourdit de tentative de viol en juillet 2013.
Lorsqu’il est interpellé, confondu par son ADN, son nom n’évoque rien chez les premiers enquêteurs. Pourtant Lylian Legrand occupe dès le départ un rôle central dans le dossier : c’est lui qui « découvre » le corps de Stéphanie, alors qu’il raccompagne Karine, la colocataire, venue reprendre ses affaires avant un long week-end. Il n’a pas encore 24 ans, vit déjà avec la sœur de Karine, qu’il épouse en 1997. Le couple a deux enfants.
Originaire du Béthunois, Lylian Legrand passe le concours de la gendarmerie après le meurtre. Muté en région parisienne, celui qui est devenu adjudant travaille ensuite comme informaticien au centre de commandement de la gendarmerie de Nice. C’est là qu’il est arrêté en novembre 2012. Il est détenu depuis.
Entendu plusieurs fois, Lylian Legrand n’a eu de cesse de faire varier ses déclarations, confessant tantôt une relation secrète avec Stéphanie, tantôt une agression. Il aurait affirmé l’avoir tuée avant de se rétracter. Peu après sa mise en examen, il avait écrit à sa femme : « Maintenant tu connais la raison de mes insomnies. »
Source : La Voix du Nord
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