Ukraine : Ce qui s’est passé à Odessa

3.mai.2014// Les Crises

Je reprends 2 billets de Kiergaard et Sapir sur le Drame d’hier…

Pensée à tous ces morts qui, eux aussi, se mobilisaient pour leur liberté et leur droit à choisir leur destin…

Commentaire des fascistes de Kiev (qui osent tout) :

http://www.aif.ru/politics/world/1161692
« Ce que nous avons vu à Odessa, c’est une provocation du FSB pour éloigner l’attention de l’exécution de l’opération antiterroriste » a dit Sergueï Pachinski, chef par intérim de l’administration présidentielle de l’Ukraine.

Vu cette réaction du gouvernement, encore une bonne raison pour les russophones de lui rester fidèle…

http://lifenews.ru/news/132529
Le candidat à la mairie Alekseï Albou : on a pu s’en tirer parce qu’au lieu de s’échapper vers le toit, on est parti dans les ailes du bâtiment et on a sauté du 2ème étage. Mais on est tombé sur des nazis (« ultradroitiers », littéralement) qui ont commencé à nous battre avec des bâtons et des barres de fer. La police était là, mais ne s’est pratiquement pas impliquée. Ensuite on est parti au commissariat puis à l’hôpital. […] En ce moment on est sorti de l’hôpital parce que c’est dangereux de s’y trouver.

Le drame d’Odessa

Voici la vidéo du crime – beaucoup des types dehors sont de Secteur Droit :

Par Kiergaard

Encore un jour sombre pour l’Ukraine, ce vendredi 2 mai, plusieurs dizaines de personnes, en grande majorité des civils ont perdu la vie à Odessa dans des affrontements entre pro-russes et partisans de Kiev. Récit des événements vécus au travers des directs réalisés sur place coté ukrainien et côté pro-russes.

Récit (Je vais structurer et compléter le live-tweet que j’avais laborieusement tenu)

En tout début d’après-midi, une manifestation était organisée en faveur de l’unité de l’Ukraine. En marge de cette manifestation des supporters de football nombreux se trouvaient dans la ville. Comme dans d’autres rassemblements similaires ces jours-ci, des activistes pro-russes armés de bâtons et de boucliers sont venus perturber la manifestation. Devant l’absence de réactions des policiers locaux (il est vrai très rapidement débordés par l’extrême violence des premiers affrontements), une vraie bataille de rue s’est organisée. J’ai vu des gens poursuivis jusque dans des ruelles où ils furent battus, des civils frappés indistinctement par des activistes des deux bords et des casseurs.

Dans une seconde phase, la police anti-émeute (lourdement équipée) est intervenue. Elle l’a fait d »une manière à laquelle on pouvait difficilement s’attendre mais qui était logique au vu du déroulement des évènements. Les pro-russes se sont repliés à un carrefour dont toutes les issues ont été barricadées par les forces anti-émeutes, pour empêcher les manifestants partisans de l’Ukraine et les pro-russes de s’affronter directement. On s’est donc retrouvé dans une situation où la police anti-émeute s’est trouvée face aux ukrainiens tandis que les pro-russes jetaient des pavés en réponse aux projectiles lancées par les « pro-ukrainiens ». Juste avant ce moment des hommes armés d’une milice d’autodéfense habillés en militaire et portant les brassards jaunes d’Euromaidan sont venus au volant d’un camion de pompier (!) chargé d’armes non létales (bâtons, battes, pavés etc…) dont des manifestants masqués se sont immédiatement saisis dans le feu de l’action (tout ce que je décris ici je l’ai vu de mes yeux). Le camion s’est placé face à la police anti-émeute, des poubelles furent amenées, des portières, des morceaux de tôles etc… et des barricades improvisées furent dressées. Le drapeau russe flottait derrière les policiers anti-émeute qui faisaient face au drapeau ukrainien dressé sur le camion. S’en est suivi une longue heure de jet de projectiles divers dans une ruelle relativement étroite qui concentrait la majorité des centaines d’activistes actifs des deux côtés sous le regard d’au moins un millier d’habitants.

Durant cette seconde phase, j’avais accès à des directs vidéos placés juste de chaque côté de la ligne de démarcation que constituait la police anti-émeute (qui à ce moment n’était qu’une police anti-affrontement direct…). Voici ce que j’ai vu.

– Côté pro-russes : Il y avait aux environs de 500 personnes à vue d’oeil. Une cinquantaine portait des habits militaires mais tous n’étaient pas armés. J’ai entendu quelques coups de feu (où ce qui semblaient l’être, mais il n’y a pas eu de blessés à ce moment, ou alors des blessures légères) mais les projectiles étaient principalement constitués de pavé. Le cliquetis des pioches sur les pavés était particulièrement fort… Il y avait une majorité de civils armés de bâtons et portant uniquement des masques pour se protéger d’éventuels gaz. Au début, il y avait même un certain nombre de personnes relativement âgées comme on a pu voir dans des manifestations pro-fédéralisation ces derniers jours. Au vu du dernier bilan, je ne peux m’empêcher de revoir un groupe de jeunes femmes vêtues comme pour une journée d’été. Il y avait également plusieurs groupes très jeunes, parfois souriants à la caméra, entrainés dans ces troubles… Je suis quasiment sûrs que les civils et activistes qui ont accompagnés les premiers casseurs ne s’attendaient pas à se retrouver in fine dans cette situation.

– Côté pro-ukrainien. Au début des troubles, la réaction la plus virulente est venue des supporters des clubs de foot ukrainien. Mais ils ont vite été rejoints par une troupe bien organisée d’auto-défense qui est arrivée en une colonne d’environ 100 personnes vêtues de treillis militaires et relativement bien équipés. Cette intervention qui aurait pu apaiser le caractère confus de la situation l’a au contraire fait dégénérer. Ils se sont placés en première ligne et ils semblent avoir organisé l’action des manifestants, puisqu’après 30 minutes dans cette ruelle étroite, ils sont allés parler à la police puis se sont repliés pour mieux attaquer par une ruelle plus large et plus difficilement « défendable » pour les pro-russes et gérable par les autorités qui se contentaient depuis le départ de bloquer la rue. Les manifestants n’en ont été que plus galvanisé et les pro-russes ont relativement perdu pied… Pendant une longue heure, les pavés et cocktails Molotov volaient (préparés par des hommes et des femmes en civils à l’arrière), majoritairement du côté ukrainien, les pro-russes disposant de réserves moindres. Des milliers de pavés et une centaine de cocktails molotovs furent jetés. Un début d’incendie fut maitrisé sur un des bâtiments adjacents.

La troisième phase a débuté après que plusieurs membres de la police anti-émeute furent drainés par les ukrainiens vers l’arrière de leurs lignes et que l’action de la police fut alors moins efficace. Les manifestants ont forcé le barrage de policiers avec le camion. Plusieurs pro-russes furent rejetés dans les bâtiments qui jouxtaient la place. L’un d’eux semble avoir usé d’un revolver, mais la plupart (ceux habillés en militaires) se contentaient de jeter de petits cailloux, dans une scène relativement surréaliste (il n’y avait pas de « terroristes » tirant sur la foule). La police a été débordée et une foule furieuse et excitée s’est lancée à la poursuite des pro-russes. J’ai alors pu assister à certaines scènes de violences, l’une des plus frappante est celle de ce « soldat » pro-russe protégé par une dizaine de policiers (non armés et non équipés) molesté et attaqué par la foule pendant de longues minutes… Je ne peux absolument pas garantir qu’il s’en soit sorti.

La situation est devenue plus confuse après… Il semble que les pro-russes, civils, « militaires » se soient repliés dans le bâtiment d’un syndicat à partir d’une place qu’ils occupaient régulièrement à ce moment, quelques policiers anti-émeutes se trouvaient encore ici et il semble qu’aucun des manifestants entourant le bâtiment n’y soit entré. À ce moment la majorité des habitants se dirigeaient vers le bâtiment, mais les affrontements y duraient depuis quelques minutes. Un important feu brulait à bonne distance du bâtiment. Retranché dans un abri incertain, les pro-russes ont jeté ce qu’ils ont pu (pierres, molotovs et des coups de feu furent échangés). Les pro-Kiev, de manière désorganisée ont répondu. Et un feu s’est déclenché au premier étage du bâtiment… impossible de dire qui a pu l’allumer, toujours est-il que des cocktails Molotov ont été lancé alors même que l’incendie faisait déjà rage au rez-de-chaussée bloquant les portes. Toujours est-il que des cocktails Molotov étaient lancés des deux côtés. 8 personnes sont mortes en se jetant des fenêtres et environ 30 sont mortes intoxiquées par les fumées. À ce moment, 4 personnes étaient déjà mortes et plusieurs dizaines étaient blessées des deux côtés.

Le bâtiment a rapidement été cerné, les pompiers ont mis un certain temps à arriver si j’en juge par le fait que le premier camion que j’ai vu est arrivé dans la pénombre alors qu’il faisait encore relativement jour au moment du déclenchement de l’incendie. Pris au piège, les malheureux prisonniers des flammes et de la fumée en étaient réduits à se jeter des fenêtres, où à se jeter dans les bras de ceux contre qui ils se battaient. Lorsque l’incendie a été maîtrisé, j’ai vu des scènes affreuses de dizaines de personnes, pour la plupart ensanglantées trainées dehors au milieu d’une petite rangée de policiers pour y recevoir des premiers soins. Certains furent frappés pendant qu’ils étaient trainés dehors le visage couvert de sang séché et de suie. La haine avait envahi tous les esprit après ces heures de violence. J’ai vu au moins une dizaine de civils (dont 3 femmes) évacués inconscients du bâtiment par les ambulances qui arrivaient laborieusement sur place. J’ai vu plusieurs personnes lynchées et frappées. La volonté de faire subir à ces personnes ce qu’elles (ou d’autres) avaient pu faire subir à leurs compagnons ou amis était forte, trop forte pour certains esprits. On voyait des échauffourées éclater à droite à gauche, même si la majorité des personnes présentes étaient des habitants de la ville qui ne faisaient rien de mal.

L’organisation du transfert des personnes arrêtées à été délicate, il semble qu’une centaine de personnes ait été emmenées dans les locaux de la police. Un vaste cordon protégeait l’entrée où de lourds camions blindés attendaient de les emporter ailleurs. De l’autre côté du cordon plusieurs centaines de personnes qui voulaient visiblement en découdre avec les activistes pro-russes. Plusieurs rixes ont éclaté, un homme est monté sur l’un des camions, pour frapper un journaliste qui filmait la scène, puis a été jeté dans la foule, en est ressorti blessé à la tête, puis a été jeté dans le fourgon par ce qui semblait être un responsable de la police.

Depuis la situation semble s’être calmée et on voit quelques blessés soignés sur les trottoirs dans les reportages…

Au total, le bilan tournera probablement autour de 50 morts, une dizaine de personnes de nationalité russe étaient présentes parmi les morts d’après le ministère ukrainien de l’intérieur, ce qui ne fait pas d’eux des mercenaires pour autant. 40 pro-russes sont morts, probablement 10 manifestants pro-Kiev.

Voici les faits, tels que je les ai vus ou tels que je les ai vu rapportés.

Commentaire :

Regarder en direct ce déchaînement de haine est une expérience très troublante, voici la manière dont je l’ai ressenti et les conclusions que j’en tire.

– Comme dans d’autres villes, les forces de l’ordre étaient initialement débordées et passives face aux évènements… Ce furent des heures de guérilla urbaine opposant deux colères et deux haines s’estimant pareillement légitimées par les évènements actuels ou passés (Maïdan, le nouveau gouvernement, les médias etc…). Les casseurs initiaux, rejoint par la foule ont communiqué cette violence et cette haine… Des renforts arrivèrent côté ukrainien, les cocktails molotov ne sont apparus qu’au bout de 2heures de troubles environ. Les combats opposaient majoritairement des civils, vêtus en civil et armés de pierres. Pas une révolte contre un pouvoir oppressant. Pas une défense contre un envahisseur. « Juste » quelques centaines de personnes qui ont répondu à la violence par la violence en l’absence de toute autorité capable de canaliser cette violence.

– Les forces d’auto-défense ne sont pas pacificatrices, formées à la barricade et au pavé elles n’ont pas vocation à se substituer aux forces de l’ordre, mais à repousser ce qui a été officiellement désigné comme le terroriste russe. Sur le petit millier de personnes du côté pro-russe il devait y avoir 75% d’ukrainiens, et moins de 50% de « séparatistes » (au sens strict du terme), et moins de 10% de « militaires » ou « miliciens » entrainés. Rien qui ne justifiait un tel déchainement de violence… Mais les temps sont troubles et troublés… Le dialogue et rompu au niveau international et au niveau interne.

– L’absence de toute autorité pacificatrice était manifeste. La police s’est juste interposée. Elle n’a pas été attaquée par aucun des camps. Un pro-russe a pu être jeté dans le camion qui le conduira en prison par le même policier qui se dressait entre lui et le sombre destin qui l’attendait si la chasse s’était poursuivie toute la journée.

– On peut craindre que ce scénario ne se reproduise dans d’autres villes. Les forces de l’ordre ne sont pas assez nombreuses pour contenir la foule, mais ne dispose pas non plus d’assez de force pour éviter un carnage si elle prend parti pour l’un ou l’autre camp. D’où cette position d’interposition qui a fonctionné pendant 4h avant de laisser la place à la tragédie que l’on sait actuellement.

– Sans cet incendie, nous aurions pu avoir une réaction de survie des pro-russes cernés dans ce bâtiment et le même bilan avec des pertes partagées.

– Alors même que les ruines sont encore fumantes, la situation est désastreuse dans l’est de l’Ukraine et les responsables occidentaux et russes se renvoient la balle coincés dans leur propre schémas idéologiques. Deux jours après avoir reconnu l’inefficacité de la 1ère opération terroriste, le gouvernement en lance une seconde qui auraient déjà fait plus d’une dizaine de morts à Kramatorsk et Slaviansk. La Russie condamne l’anarchie qui règne en Ukraine, renvoie la balle aux ultra-nationalistes sans réussir cependant à susciter l’adhésion quant à la validité de ses arguments dans un dialogue de sourds avec des américains et européens qui ont leurs intérêts propres dans cette affaire et qui vont bien au delà de leur compréhension limitée du théâtre est-ukrainien. En témoigne cette déclaration remplie d’incompétence crade de Carl Bildt (MAE suédois) : « Horrible avec au moins 38 morts à Odessa. Il semble que cela ait commencé avec la tentative de pro-russes de s’emparer de bâtiments. La violence doit cesser. » Si seulement il avait pu s’abstenir de cette odieuse tranche mensongère entre ses deux morceaux de pain moelleux… Nous allons encore avoir une campagne de communication dissymétrique des deux cotés, chacun va se renvoyer la balle, plus de sanctions, plus de tensions, plus d’idéologie, plus de violences dans un cercle vicieux dont nul ne sait quand il s’arrêtera.

Par Kiergaard link to points-de-vue-alternatifs.com

La reprise médias

Voici comment nos médias reprennent cette information :

Le Monde :

Le Nouvel Obs :

Libération :

Le Figaro :

que le Figaro complète en Une par l’odieux :

Bref, IMPRESSIONNANT : AUCUN n’arrive juste à écrire en Une que 40 anti-Kiev ont grillé à Odessa !

Idem à l’étranger :

“At least 31 die in Odessa after pro-regime rioters set trade union building ablaze”

But with the honorable exception of the UK’s Guardian, that’s not what you’ll read in the news. The Western media avoids telling the truth when it violates the narrative that only the ‘other side’ has bad guys and does bad things. So you’re gonna get faux confusion and ‘both sides equally responsible’ sentences such as the following (apologies for not correcting ‘pro-Russian’ to ‘pro-federalist’ or ‘pro-autonomy’):

CNN: It is unclear how the fire began, but it comes amid ongoing clashes between pro-Kiev and pro-Russian protesters.

Globe & Mail:most caught in a building set on fire after pro-Russian activists and supporters of Ukrainian unity fought running battles across the southern port city.

BBC: At least 31 people have been killed in a fire in an official building amid violence in Odessa in south-west Ukraine, the interior ministry says. The deaths came as pro-Russian protesters clashed with Ukrainian government supporters in the city.

Global Post: At least 30 people died in the port city of Odessa on Friday, most of them from smoke inhalation after a building caught fire amid violent protests.

USA Today: Police in the Black Sea port of Odessa said late Friday that 31 people died when a union hall was set ablaze as pro-Russia demonstrators battled in the streets with Ukrainian loyalists.

Je poursuis :

http://www.lemonde.fr/europe/article/2014/05/03/crise-en-ukraine-la-russie-et-l-occident-s-accusent-mutuellement-d-hypocrisie_4411009_3214.html

« Vendredi, le Royaume-Uni a exprimé sa surprise face à la demande russe de condamnation. « L’étendue de l’hypocrisie de la Russie est stupéfiante, a déclaré l’ambassadeur du Royaume-Uni, Mark Lyall Grant. La Russie soutient résolument, et de fait arme, les régimes les plus répressifs du monde, notamment la Syrie (…). L’indignation sélective de la Russie à propos des actions proportionnées et mesurées de l’Ukraine ne convainc personne. »

Mark Lyall Grant, l’ambassadeur britannique, a évoqué les informations selon lesquelles les séparatistes prorusses avaient utilisé des systèmes de défense antiaérienne pour abattre les hélicoptères. Ce genre d’armement anti-aérien n’est « pas un équipement qu’on trouve sur les marchés de Kharkiv », a renchéri l’ambassadeur de France, Gérard Araud. La Russie, a-t-il dit, « a ouvert la boîte de Pandore » et laissé s’échapper le « démon du nationalisme ». »

=> ?????

http://www.franceinfo.fr/actu/ukraine-trente-huit-morts-apres-des-violences-a-odessa-1405747-2014-05-02

Il s’agit des pires violences depuis la destitution du président VIktor Ianoukovitch, en février dernier. « Aujourd’hui, c’est notre chère Odessa qui est visée. Des manifestants pacifiques ont été attaqués par ceux qui veulent transformer l’Ukraine en une zone de guerre et démanteler le pays« , s’est insurgée Ioulia Timochenko, ex-Première ministre et candidate à la présidentielle prévue le 25 mai.

=>Ceux qui veulent transformer l’Ukraine en une zone de guerre : l’armée ?

http://www.lefigaro.fr/international/2014/05/02/01003-20140502ARTFIG00305-ukraine-la-reconquete-pietine-a-sloviansk.php
« Malgré ces pertes, la garde nationale fanfaronnait vendredi en fin d’après-midi avoir «pris le contrôle de la moitié de la ville» de Sloviansk. Une information encore difficile à vérifier, car les deux adversaires usent et abusent de la désinformation depuis le début du conflit. »
[…]
Kiev se dit soucieux de ne pas faire de victimes civiles. Une tâche très délicate, le soutien d’une partie importante de la population aux rebelles prorusses est irréfutable.

==> Ah QUAND MEME !!!


Mais le Figaro indique : « L’expert Dmitri Tymchuk accuse le maire prorusse de Sloviansk, Vyacheslav Ponomarev, de pousser les civils à former un «bouclier humain» »

=> L’expert accuse qui il veut, le maire en question demande aux civils de rester chez eux :http://www.liveleak.com/view?i=58e_1399041984

http://www.20minutes.fr/monde/1366061-20140502-lukraine-est-elle-encore-nation

« Si la Russie dément téléguider ces troubles, le Kremlin a réagi rapidement ce vendredi, en qualifiant l’opération militaire de «raid de représailles». Pour le gouvernement russe, cet assaut démolit l’accord de Genève, conclu à la mi-avril entre l’Ukraine, la Russie, les Etats-Unis et l’Union européenne. Autrement dit, Moscou remet en cause son engagement dans l’apaisement de la crise ukrainienne. »

==> Autrement dit ??????

Le point de Jacques Sapir

Ukraine: vers la guerre civile?

Les événements dramatiques qui se sont produits dans l’Est de l’Ukraine aujourd’hui, vendredi 2 mai, constituent une accélération indiscutable du processus conduisant à la guerre civile, et à terme à la partition du pays. Comme on le présageait, l’accord de Genève est en train de sombrer, et avec lui le future d’une Ukraine indépendante[1].

À côté du « front » de Slaviansk, où les forces du gouvernement provisoire ont tenté de réduire les insurgés, non sans pertes de part et d’autre (2 hélicoptères des forces de Kiev détruit, et un total de 5 morts), c’est vers Odessa que tous les regards se tournent. Dans cette ville des affrontements entre partisans du gouvernement provisoire et insurgés pro-Russes ont fait au moins 3 morts, tandis qu’un meurtrier incendie, dont on ne sait encore qui l’a provoqué, aurait tué près d’une quarantaine de personnes[2]. D’ores et déjà chacun des deux camps rejette sur l’autre la responsabilité des victimes.

Il y a cependant des faits indiscutables, et qui sont reconnus par la plupart des observateurs :

L’est de l’Ukraine est bien en état d’insurrection. Aux militants partisans d’un rattachement à la Russie se joignent des Ukrainiens qui expriment leur profonde défiance envers le gouvernement de Kiev et ses soutiens. Une partie importante de la population a pris la défense des partisans d’un rattachement à la Russie, tandis qu’une fraction plus ou moins importante selon les endroits des forces de l’ordre (police et armée) a basculé en faveur de ces militants ou se refuse à intervenir contre eux. Le discours officiel que l’on entend que ce soit à Kiev ou dans les capitales européennes selon lequel il ne s’agirait que de quelques dizaines d’agitateurs payés par Moscou devient intenable. Il est moralement indigne.

Dans ces conditions, la volonté du gouvernement provisoire de continuer ce qu’il appelle une « opération anti-terroriste » est devenue la cause principale des violences meurtrières. Il est urgent que ce gouvernement rappelle ses forces car la violence non seulement ne règlera rien, mais elle fait empirer d’heures en heures la situation. Seul un retrait immédiat des forces du gouvernement provisoire est à même de ramener le calme.

Ce gouvernement de fait s’entête dans une attitude suicidaire : il prétend être le seul à pouvoir décider du compromis constitutionnel indispensable à un retour à la stabilité, mais se comporte de telle manière qu’il perd désormais rapidement son autorité et sa légitimité dans les régions de l’est de l’Ukraine. Qui voudra et acceptera de négocier avec un gouvernement qui a désormais du sang sur les mains ? Cela n’est possible que si le gouvernement provisoire change d’attitude. Mais, il sera contraint de faire des concessions importantes après ce qui s’est passé aujourd’hui.

Les gouvernements des pays de l’Union Européenne, mais aussi les Etats-Unis et le FMI sont enfermés dans un déni de réalité qui devient de plus en plus préoccupant. Ils concentrent leur attention sur la Russie, ce qui ne correspond pas à la situation. Redisons-le : on n’est pas en présence de « quelques agitateurs » mais d’un mouvement insurrectionnel. Cette réalité doit être acceptée. Par ailleurs, on tire des plans sur la comète avec un plan de stabilisation financière, alors que le pays est en train de glisser de plus en plus rapidement vers la guerre civile.

Il importe donc, si l’on veut éviter le pire, et en admettant qu’il en soit encore temps, ce dont on peut douter après les événements d’aujourd’hui, de comprendre qu’il n’y a de solution à la situation dramatique de l’Ukraine qu’à trois conditions :

Une déclaration commune des Etats-Unis, des principaux pays de l’Union Européenne et de la Russie sur une future Ukraine indépendante doit stipuler que ce pays n’a pas vocation à rejoindre, ni de près ni de loin l’UE ou l’OTAN. Le corollaire d’une telle déclaration est qu’il convient de cesser le plus rapidement possible la parade des sanctions prises contre la Russie.

Le futur institutionnel de l’Ukraine doit reconnaître la dualité entre Ouest et est du pays. La forme précise, fédéralisme ou confédération, doit être décidée par les seuls Ukrainiens, dans le cadre d’une assemblée constituante ou d’une commission de réconciliation nationale.

Mais, avant tout, il importe de faire cesser les violences et pour cela il faut impérativement que le gouvernement provisoire rappelle toutes les forces, armée et garde nationale, qui sont pour l’heure déployée dans l’est du pays. De son côté, la Russie doit s’engager à ne pas intervenir, directement ou indirectement.

Il est peut être possible d’arrêter l’engrenage infernal de la guerre civile. C’est désormais la responsabilité des pays de l’Union Européenne, que d’agir pour qu’il en soit ainsi. La responsabilité devant l’Histoire de l’UE et de certains des pays qui en sont membres dans la déstabilisation de l’Ukraine leur impose moralement d’agir pour éviter la catastrophe. Mais, il faut agir vite. Il est peut être déjà trop tard.

[1] Sapir J., « Ukraine, après Genève », note publiée sur Russeurope, le 19 avril 2014, URL : http://russeurope.hypotheses.org/2199

[2] http://www.romandie.com/news/Operation-a-Slaviansk-et-incendie-meurtrier-a/474028.rom

Source

Ce billet fait partie d’une série sur la situation en Ukraine. Il vise à donner des regards différents de ceux diffusés en masse par les grands médias, afin d’élargir votre champ de réflexion. [Lire plus]Cela ne signifie pas que nous adhérions forcément à ces regards – mais simplement que nous les jugeons intéressants (dans tous les cas, notre responsabilité s’arrête aux propos que nous reportons ici). Notre souhait est de sortir des présentations binaires « gentils / méchants », afin de coller de plus près à une réalité complexe. Nous rappelons enfin que par principe, nous ne « soutenons » aucun gouvernement nulle part sur la planète (et donc pas le gouvernement russe non plus). Nous sommes au contraire vigilants, tout gouvernement devant, pour nous, justifier en permanence qu’il ne franchit aucune ligne jaune. Mais nous sommes évidemment également attachés à lutter contre le deux poids 2 mesures, et à présenter tous les faits.

Source : https://www.les-crises.fr/ce-qui-s-est-passe-a-odessa/

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