Typhus 39, Covid19, similitudes ?
Les épidémies, les pandémies et les maladies infectieuses ont joué un rôle majeur dans le façonnement de l’histoire de l’humanité. Leur capacité à envahir, infecter et ravager rapidement les populations humaines a, à plusieurs reprises, laissé des millions de victimes dans leur sillage. En temps de guerre et de famine, la présence de maladies infectieuses amplifie les risques existants, entraînant souvent des catastrophes aux proportions extrêmes.
Ainsi, la pandémie de grippe espagnole à la fin de la Première Guerre mondiale a tué plus de 50 millions de personnes ; l’introduction de la variole dans les Amériques a presque entièrement éliminé les peuples indigènes, tandis que la tuberculose, principale cause de décès par infection dans le monde, est jusqu’à 20 fois plus transmissible pendant les guerres, les conflits et les déplacements de population
Malgré les dangers de ces catastrophes massives de santé publique, leurs dimensions sociales et politiques sont souvent peu explorées par la communauté scientifique et, parfois même, mal représentées. Ainsi, les famines, qui vont souvent de pair avec les maladies, sont souvent considérées à tort comme des phénomènes naturels ou climatiques alors que, dans la plupart des cas récents, elles devraient plutôt être considérées comme des armes de guerre créées par l’homme.
Ci-dessous les impacts de la maladie et de la famine dans le ghetto de Varsovie pendant l’Holocauste et nous vous fournissons une nouvelle reconstruction des événements qui s’y sont déroulés.
L’Holocauste désigne l’anéantissement par les nazis et les Allemands de quelque 6 millions de membres de la communauté juive européenne au cours de la Seconde Guerre mondiale (1939-1945). Il est peu connu que ce génocide a été déclenché en grande partie par de prétendues préoccupations de santé publique et l’obsession de l’Allemagne pour la maladie et la peur des épidémies. Plus précisément, il y avait une peur fanatique de la propagation du typhus au peuple allemand et à son armée, étant donné son impact antérieur en tant que cause de 5 millions de décès après la Première Guerre mondiale. C’est sous ce prétexte que les Allemands ont relogé en masse les victimes juives dans des ghettos et des camps fermés et isolés dans l’Europe de la guerre . Cependant, la même crainte des épidémies a également été un prétexte utilisé par les Allemands pour justifier la liquidation des ghettos, y compris de leurs résidents.
Le principe politique national-socialiste de totalité, qui correspond à notre vision organique et indivisible de l’unité du peuple allemand, ne souffre la formation d’aucune volonté politique en-dehors de notre propre volonté politique. Toute tentative d’imposer – voire de préserver – une autre conception des choses sera éradiquée comme un symptôme pathologique qui menace l’unité et la santé de l’organisme national […].
C’est à partir de ces principes que le national-socialisme a, pour la première fois en Allemagne, développé une police politique que nous concevons comme moderne, c’est-à-dire comme répondant aux besoins de notre temps. Nous la concevons comme une institution qui surveille avec soin l’état de santé politique du corps allemand, qui repère à temps tout symptôme de maladie et qui situe et élimine les germes de destruction, qu’ils soient issus d’une dégénérescence interne ou d’une contamination volontaire par l’étranger. Voilà l’idée et l’éthique de la police politique dans l’État raciste de notre temps, conduit par le Führer.
Extraits de Éradiquer le typhus : imaginaire médical et discours sanitaire nazi dans le gouvernement général de Pologne (1939-1944)
PREAMBULE : La guerre à l’Est, qui commence le 1er septembre 1939 avec l’attaque de la Pologne, fut accompagnée d’une lourde artillerie discursive qui visait à présenter les territoires de l’Est (Pologne, puis URSS en 1941) comme ceux de tous les dangers biologiques : l’Est, terre sale peuplée de Slaves arriérés et de Juifs contaminants, est une terre biologiquement virulente. Y sévissent des pathologies inconnues en Allemagne, terre propre gouvernée par des médecins, patrie de Robert Koch et des vaccins. Les progrès de l’hygiène et de la science ont fait de l’Allemagne la patrie de la santé, ce qui est éminemment positif, mais également dangereux, car les organismes allemands ne sont plus immunisés contre des affections désormais oubliées.
Les troupes allemandes sont prévenues du danger. Dans une série d’ordres, échelonnés de décembre 1940 à juin 1941, la Wehrmacht, les Waffen-SS et la police allemande sont instruits que tout, à l’Est, est facteur de mort : la nourriture, l’eau, les puits… mais aussi les « poignées de portes » ou, en cas de soif pressante, les « bras de pompe « Warnung vor heimtückischer Sowjetkriegsführung », 1941, cité… », autant d’objets manipulés par les ennemis et possiblement contaminés ou empoisonnés, que l’on aura soin de ne pas toucher, ni effleurer.
Ce discours de psychose pathologique s’accompagne de pratiques très concrètes : l’usage massif, sur les fronts de l’Est, du lance-flammes qui permet la destruction à distance (l’amplitude du jet est de 25-30 m) d’habitations et de refuges – et qui évite donc de saisir les fameuses poignées de porte ; l’éradication biologique des élites polonaises par des unités spéciales du SD (Einsatzgruppen), puis le génocide systématique visant les populations juives d’URSS dès juin 1941 ; la ghettoïsation, dès l’automne 1939, puis l’assassinat industriel de la population juive de Pologne puis d’Europe occidentale à partir du printemps 1942.
La quarantaine imposée à la population juive revêt un sens strictement médical. Sa nécessité est dictée par la virulence de la maladie : les Allemands agissent au mieux face à un fait morbide dont ils ne peuvent que constater l’existence, avant d’en induire les conséquences. En effet, comme le Juif est quasiment le seul vecteur de l’épidémie et que, en cas de contamination d’un non-Juif, on remonte le plus souvent à une source d’infection juive, il est apparu urgent, aux fins de protection de la population, de restreindre la liberté de circulation des habitants juifs, de soumettre leur usage du train à une autorisation administrative médicale particulière, de les orienter vers des parcs désignés à leur seul usage (puisque, par exemple, la transmission des puces infectieuses est facilitée par l’usage commun des bancs), de leur interdire la fréquentation des omnibus et de leur réserver des compartiments particuliers dans les trams.
“ Attention ! Risque d’épidémie ! Accès interdit”
Ibidem, p. 88. !
Une presse à grand tirage se charge de populariser ces thèmes et anathèmes, qui ne restent pas confinés dans des publications de propagande médicale.
Hebdomadaire populaire de très grande diffusion, la Berliner Illustrierter Zeitungy insiste particulièrement dans un article du 24 juillet 1941, intitulé « Les Juifs entre eux » : le « ghetto de Varsovie est, depuis des décennies, un foyer d’épidémies », affirme la légende d’une photographie particulièrement habile.
Le « ghetto de Varsovie est, depuis des décennies, un foyer d’épidémies », affirme la légende d’une photographie particulièrement habile. On y voit un visage fatigué et vaguement hostile regarder à travers le hublot d’une porte que, grâce à la vigilance des autorités allemandes, il ne peut désormais plus franchir : « Typhus. Entrée et sortie strictement interdites », prévient un panneau accroché à la porte d’un immeuble, que l’on n’identifie comme une simple et banale porte d’entrée qu’au second coup d’œil. Le hublot, parfaitement rond, et la présence d’un visage que nous scrutons, suggéraient en effet l’entrée d’une chambre spéciale dans une zone de haute sécurité biologique – soit ce que, grâce à la diligence sanitaire des autorités allemandes, le quartier est devenu. Le texte qui accompagne l’image est sans ambiguïté :
Le typhus, cette épidémie indigène, n’a jamais pu disparaître des quartiers juifs de Varsovie, galeux et criants de saleté. De tous les malades du typhus du Gouvernement Général, 92 % sont Juifs, mais leur taux de mortalité ne dépasse pas 10 %, parce que les Juifs sont immunisés contre cette fièvre par la longue familiarité qu’ils entretiennent avec la maladie – qui fait d’autant plus rage chez les Allemands et chez les Polonais, qui en meurent à 40 %. Les autorités du Gouvernement Général ont entrepris une guerre contre l’épidémie : ils font condamner les maisons contaminées, qui sont surveillées par la police juive [23]
Extraits de Éradiquer le typhus : imaginaire médical et discours sanitaire nazi dans le gouvernement général de Pologne (1939-1944)
Au ghetto de Varsovie, distanciation et hygiène ont vaincu une épidémie mortelle
Ghetto de Varsovie, novembre 1941. Quelque 450 000 personnes, pour la plupart des Juifs, étaient entassées dans une zone de quelque 2 km2, soit dix fois la densité des villes modernes.
Le typhus se répandait comme une traînée de poudre dans les rues sales et bondées du ghetto. Le typhus, disaient les nazis, était la raison pour laquelle un ghetto était nécessaire en premier lieu ; les Juifs répandaient la maladie.
Les nazis bloquaient l’entrée de la nourriture et des fournitures. Des milliers de personnes mouraient de famine, et celles qui vivaient étaient plus exposées aux infections et à la mort.
Puis, inexplicablement, miraculeusement, malgré les conditions idéales de propagation du typhus, la maladie s’est atténuée. Les historiens n’ont pas pu l’expliquer et les témoins de l’époque l’ont qualifié de miraculeux.
Aujourd’hui, une équipe dirigée par le bio-mathématicien Lewi Stone de l’université de Tel Aviv pense avoir la réponse à ce mystère.
Il s’agit, tout simplement et incroyablement, d’une distanciation sociale.
Lorsque les nazis ont rassemblé des centaines de milliers de Juifs, de Roms et d’autres personnes dans le ghetto, quelque 800 médecins et des milliers d’infirmières et autres professionnels de la santé les ont accompagnés.
Les médecins internés dans le ghetto le savaient et se sont lancés dans un vaste programme comprenant des conférences, l’ouverture d’une école de médecine clandestine secrète et des appels à la distanciation sociale.
Ils ont ajouté : « Il y a eu des centaines de conférences publiques sur la lutte contre le typhus et les épidémies. Une université clandestine a été créée pour former de jeunes étudiants en médecine, et des études scientifiques sur le phénomène de la faim et des épidémies ont été entreprises. La propreté des immeubles et des appartements a été encouragée et souvent imposée. La distanciation sociale était considérée par tous comme un simple bon sens, mais elle n’était pas appliquée. L’auto-isolement des foyers était mis en pratique, mais pas de manière exhaustive.
« Enfin, des programmes et des mesures d’assainissement complexes et très élaborés ont été mis au point par le ministère de la Santé et le Conseil [juif] dans le but d’éradiquer le typhus. Ces efforts, dans les conditions données, ont été ce qu’Adina Blady-Szawjger, une médecin survivante du ghetto de Varsovie, a appelé la « médecine surhumaine » après la guerre.
Article complet : https://fr.timesofisrael.com/au-ghetto-de-varsovie-distanciation-et-hygiene-ont-vaincu-une-epidemie-mortelle/
ETUDE MATHEMATIQUE “une nouvelle reconstruction des événements qui se sont déroulés dans le ghetto de Varsovie.
C’est là un des cas évidents d’utilisation de la maladie comme arme de guerre et prétexte au génocide. Aujourd’hui, plus que jamais, la société doit comprendre comment un virus ou une bactérie peut faire des ravages et entraîner l’humanité vers ce point terminal du mal !
Au départ, les Allemands ne voulaient même pas établir de ghettos car ceux-ci étaient considérés comme un terrain propice aux infections. Cependant, le discours allemand sur l’hygiène était très influencé par l’idée antisémite selon laquelle les Juifs étaient des porteurs notoires de maladies. Dans l’idéologie nazie, cette idée a évolué pour faire des Juifs la véritable maladie, de sorte qu’il fallait naturellement s’attendre à des épidémies et y faire face, ce qui, en fin de compte, signifiait l’anéantissement des Juifs . Bien sûr, l’hygiène n’était qu’un prétexte parmi d’autres pour justifier l’antisémitisme nazi, mais elle jouait un rôle important dans les efforts de propagande pour justifier la haine et la politique anti-juives dans cette période précédant les tueries industrielles.
En octobre 1941, alors qu’une épidémie fait rage dans le ghetto de Varsovie, Jost Walbaum, le responsable de la santé du gouvernement général (Pologne occupée), lance une accusation tristement célèbre : “Les Juifs sont en grande majorité les porteurs et les disséminateurs de l’infection du typhus. … Il n’y a que deux façons [de résoudre ce problème]. Nous condamnons les Juifs du ghetto à mourir de faim ou nous les fusillons….. Nous n’avons qu’une seule et unique responsabilité, celle de faire en sorte que le peuple allemand ne soit pas infecté et mis en danger par ces parasites. Pour cela, tous les moyens doivent être bons”
La figure 1 montre clairement comment plusieurs événements majeurs de l’histoire du ghetto de Varsovie au cours de la période 1939-1942 se sont parfaitement synchronisés avec la dynamique épidémiologique pour aider à atteindre l’objectif des nazis d’exterminer le ghetto et ses résidents. La figure présente une série chronologique du nombre mensuel de nouveaux cas de typhus signalés au cours de deux épidémies de typhus qui ont éclaté dans le ghetto. La première épidémie, de moindre ampleur, a débuté en septembre 1939, pendant le siège de Varsovie par l’Allemagne nazie, juste après que ses bombardements aériens aient gravement endommagé le système d’égouts de Varsovie et contaminé l’approvisionnement en eau. Simultanément, un grand nombre de réfugiés et d’exilés ont afflué à Varsovie, ce qui a augmenté la probabilité d’une infection venant de l’extérieur, ce qui est exactement ce qui s’est produit. La première petite épidémie de typhus de l’hiver s’est terminée naturellement pendant la saison estivale (~août 1940).
Les Allemands craignent une nouvelle épidémie de typhus et créent donc une Seuchensperrgebiet – littéralement une zone de maladie restreinte – qui deviendra plus tard le ghetto. Le 5 octobre 1940, il est interdit aux Juifs de quitter ce territoire. Après le 15 novembre 1940, un mur de briques a été construit pour entourer la zone. Il mesurait 3 m de haut et 18 km de long – le “mur des épidémies” – et toute la population juive de Varsovie, qui comptait alors environ 400 000 personnes, était confinée à l’intérieur . Avec des fils barbelés au sommet, seuls les résidents les plus agiles pouvaient s’échapper, le plus souvent par de petites brèches dans le mur, en se terrant sous terre ou en passant par les égouts. Le scellement était une forme extrême de quarantaine. Les Allemands interdisaient aux internés de quitter le ghetto par crainte que le typhus ne se propage à la population extérieure de Varsovie et surtout au personnel d’occupation. À un certain moment, la peine de mort a été décrétée pour les évadés.
Notre principal intérêt est d’essayer de quantifier ce qui s’est passé pendant la “période d’extermination indirecte”, depuis le moment où le ghetto de Varsovie a été fermé jusqu’au début de la liquidation du ghetto, le 22 juillet 1942, lorsque plus de 250 000 résidents ont été rapidement déportés par train vers leur mort dans les chambres à gaz du camp d’extermination de Treblinka. Pour aider à démêler ce qui s’est passé, il est important de comprendre que la dynamique de la population au cours de cette période a été largement contrôlée en deux phases.
Phase 1 : La famine
L’entrée dans le ghetto de denrées alimentaires supplémentaires, au-delà de la petite quantité que le Conseil juif était en mesure d’acheter, fut délibérément bloquée jusqu’en mai 1941, mais même plus tard, la ration officielle fournie par les autorités ne dépassait souvent pas 200 calories par jour. Comme on pouvait s’y attendre, en quelques mois, les résidents ont commencé à mourir de faim, laissant l’impression d’une épidémie de décès. Les taux de mortalité ont rapidement augmenté pour atteindre des niveaux élevés avec 4000 à 5000 décès enregistrés par mois, comme le montre la figure 2 (ligne bleue). Il existe des preuves raisonnables démontrant que le nombre de décès enregistrés est sensiblement inférieur au nombre réel, qui pourrait être plus proche de celui indiqué par la ligne rouge de la Fig. 2, dépassant même 9000 décès par mois comme l’a affirmé Penson (20), le chef du service du typhus de l’hôpital Czyste (voir section SM5). Comme le décrit le commissaire du ghetto Heinz Auerswald : “Un bond en avant dans le nombre de décès pour le mois de mai de cette année [1941] a montré que la pénurie alimentaire s’était déjà transformée en famine” (11). La situation s’aggrave progressivement jusqu’à ce que les cadavres humains recouverts de journaux soient monnaie courante dans les rues.
Phase 2 : épidémie de typhus
La propagation incontrôlée du typhus a rapidement suivi l’horrible phase de famine. Le typhus est une bactérie (Rickettsia prowazekii) propagée par son vecteur, le pou du corps humain (Pediculus humanus humanus). Ce dernier se multiplie de manière prolifique dans des conditions d’hygiène insuffisante, de saleté, de surpopulation et de froid – exactement les conditions du ghetto (section SM2). Compte tenu de sa densité de population et de ses conditions générales, il n’est pas étonnant que le ghetto ait été communément appelé “incubateur” de maladies et “éleveur d’épidémies”. Ludwik Hirszfeld, l’éminent bactériologiste et candidat au prix Nobel vivant dans le ghetto, n’avait aucun doute : “Dans le cas de la Seconde Guerre mondiale, le typhus a été créé par les Allemands, précipité par le manque de nourriture, de savon et d’eau, et ensuite – quand on concentre 400 000 misérables dans un district, qu’on leur enlève tout et qu’on ne leur donne rien, alors on crée le typhus. Dans cette guerre, le typhus est l’œuvre des Allemands” .
Les poux se développent en grand nombre sur leurs hôtes humains, se nourrissent quotidiennement de leur sang et ont une propagation spatiale rapide, ce qui leur a permis d’infester tout le ghetto exigu. Pour les personnes infectées, le typhus a généralement une période d’incubation de ~14 jours et se traduit par une forte fièvre, des maux de tête, des douleurs musculaires, des nausées, des frissons et des éruptions cutanées étendues. Au fur et à mesure que la maladie progresse, une faiblesse et un délire croissants apparaissent, et dans certains cas, une perte de conscience. La mort peut survenir en quelques jours dans les cas les plus graves. On peut trouver des récits de personnes souffrant de la maladie qui, agonisantes, sautent par les fenêtres pour mourir. Lorsque l’hôte humain meurt, le vecteur se déplace simplement vers une autre victime.
L’objectif de cet article est de quantifier ce qui se passe réellement au cours de ces deux phases. Si l’on se réfère à nouveau à la figure 1, le nombre officiel de nouveaux cas de typhus signalés chaque mois pour les deux vagues épidémiques s’élève à un total de 20 160 cas signalés. Pourtant, selon les rapports épars des principaux épidémiologistes du ghetto, il existe un consensus raisonnable sur le fait qu’un total de 80 000 à 110 000 résidents ont été infectés (19, 20, 25, 26). Cette divergence majeure peut être constatée en se référant à de nombreux rapports que nous avons recueillis et placés dans la section SM3 (voir Matériaux supplémentaires). Les données de la série chronologique de la figure 1 indiquent donc un faible taux de déclaration de ~20 à 25%. De nombreux résidents infectés ont préféré ne pas déclarer leur maladie étant donné les actions punitives potentiellement horribles qui pourraient en résulter. L’étude majeure de Trunk intitulée “Epidémies et mortalité dans le ghetto de Varsovie, 1939-1942” est la référence statistique définitive sur ce qui s’est passé durant cette période. Pourtant, Trunk fonde la plupart de ses conclusions sur les très faibles chiffres figurant dans les données officielles enregistrées, ce qui donne une représentation trompeuse de ce qui s’est réellement passé. Nous examinerons ces questions en profondeur au fur et à mesure de la progression du document et commencerons par une discussion et une analyse plus détaillées de la dynamique de l’épidémie.
RÉSULTATS
Dynamique des feux de forêt
Le nombre d’habitants du ghetto a fluctué mais, à certains moments, il a compté au moins 450 000 personnes sur une superficie de 3,4 km2. Cette densité est de 5 à 10 fois supérieure à celle de la ville la plus dense du monde. De janvier à mars 1941, les Allemands ont forcé 66 000 réfugiés déplacés à s’installer dans le ghetto (11, 19), peu après sa fermeture. Au départ, les nouveaux arrivants étaient mis en quarantaine pendant 14 jours pour éviter la propagation du typhus, mais cette pratique fut rapidement abandonnée. A partir de ce moment, l’épidémie était imparable. “Les premiers signes de la maladie sont apparus parmi les [réfugiés] […] qui étaient entassés comme des animaux dans les bâtiments institutionnels. Le taux de mortalité était si élevé dans ces endroits qu’on les appelait communément les points de décès. Il ne fallut pas longtemps pour que les premières étincelles de maladie se répandent comme un feu de forêt dans tout le ghetto”. Étonnamment, cette citation de 1950 pourrait être le tout premier modèle verbal d’une épidémie formulé en termes de ce qui deviendra des décennies plus tard le célèbre paradigme épidémique du “feu de forêt” des physiciens.
Arrêt soudain de l’épidémie de typhus
Comme le montre la figure 1, de manière inhabituelle, à la fin du mois d’octobre 1941, juste au début de l’hiver, l’épidémie de typhus a rapidement commencé à s’arrêter et à s’effondrer. Le “revirement” de l’épidémie était totalement inattendu puisque l’infection par le typhus s’accélère normalement en hiver. Comme l’écrit Emanuel Ringelblum (28), le chroniqueur du ghetto, (novembre 1941) : “L’épidémie de typhus a quelque peu diminué – juste en hiver, quand elle s’aggrave généralement. Le taux d’épidémie a diminué d’environ 40 %. Je l’ai entendu dire par les apothicaires, et la même chose par les médecins et l’hôpital.” La même caractéristique a également été remarquée récemment dans le livre très documenté de Miriam Offer. Nous demandons si l’épidémie s’est épuisée naturellement. Ou d’autres facteurs en sont-ils responsables ?
Typhus 39, Covid19, similitudes ?
Il existe des parallèles intéressants entre l’éradication du typhus dans le ghetto de Varsovie et les tentatives de contenir le COVID-19 (coronavirus 2019). Les deux actions sont nées de la même peur et de la même panique qui caractérisent les villes en proie à un fléau.
Le CFR du COVID-19 est de 1 à 2 % (40) et très probablement moins, alors que dans le ghetto de Varsovie, le CFR du typhus était proche de 20 %. L’endiguement en Chine continentale a été obtenu par des mesures draconiennes de quarantaine, des méthodes de distanciation sociale et des interdictions de voyager. En revanche, à Hong Kong et à Taïwan, les chiffres de l’infection par le COVID-19 se sont stabilisés malgré des approches moins rigides.
Comme dans les régions susmentionnées, le ghetto de Varsovie comptait de nombreuses institutions internes, civiles, médicales et d’entraide sociale, qui ont travaillé intensément pendant de nombreux mois pour éradiquer l’épidémie de typhus. Toute une série de stratégies ont été explorées (18). Cependant, beaucoup ont échoué en raison du manque d’expérience et de connaissances, de l’incapacité à mettre les programmes en pratique, du sabotage pour des raisons financières ou des méthodes diaboliques des nazis. Néanmoins, les efforts constants et continus de la communauté et des organisations d’entraide pour détruire l’épidémie ont certainement contribué à abaisser la transmissibilité en dessous d’un seuil critique, entraînant un arrêt brutal de l’épidémie. Richards a décrit un résultat similaire dans son étude anthropologique des épidémies d’Ebola en Sierra Leone.
De cette façon, notre analyse quantitative prédit que les activités anti-épidémiques ont grandement contribué à la prévention de l’infection par le typhus chez >100 000 résidents et ont permis d’éviter des dizaines de milliers de décès. Nos résultats donnent ainsi raison à Gutman (19), l’un des historiens les plus respectés du ghetto, qui a écrit que “si près de 100 000 résidents du ghetto sont morts pour la plupart de faim et de maladie au cours de la période allant jusqu’à juillet 1942, un nombre similaire ou supérieur a été sauvé grâce aux travailleurs humanitaires dévoués et aux organismes d’entraide opérant.
” Les habitants du ghetto de Varsovie n’étaient absolument pas conscients de ce qui avait été accompli.
Article complet et analyse (en Anglais) – www.science.org
ETUDE MATHEMATIQUE
Le modèle SEIRL
Nous commençons par un modèle vecteur-hôte en appliquant les définitions de la section, modèle SEIRL de propagation du typhus (Résultats), pour les composantes standard S, E, I et R (30), mais une nouvelle variable pour le vecteur (pou) L(t) est ajoutée. Les équations sont les suivantes
𝑆-=𝐴(𝑡)-β(𝑡)𝑁(𝑡)SL-μ𝑆;𝐸-=β(𝑡)𝑁(𝑡)SL-(σ+μ)𝐸;𝐼-=σ𝐸-(γ+μ)𝐼-𝑚(γ+μ)𝐼;𝑅-=γI-μ𝑅;𝐿-=κ𝐼-λ𝐿
La taille de la population totale mais changeante au temps t est N(t) = S(t) + E(t) + I(t) + R(t). La période moyenne de latence ou d’incubation de la maladie est σ-1 = 14 jours, ce qui est bien documenté dans la littérature historique (21, 24). La période infectieuse moyenne est également documentée, et nous fixons γ-1 = 28 jours (24), et dans la section SM7b, nous explorons d’autres valeurs et justifions davantage ce choix, Fixer m = 0,25 donne un taux de mortalité par infection de 𝑚1+𝑚=0,2=20%.
comme indiqué dans la section SM4. Le paramètre μ est le taux de déplacement dû à la mort (autre que par infection typhique). A(t) dénote les déplacements de population dans le ghetto (par exemple, les réfugiés). Ces paramètres sont ajustés pour satisfaire les tendances des nombres historiques de la population N(t) comme discuté dans la section SM7.
Nous utilisons une fonction de transmission vecteur-hôte dépendant de la fréquence qui tient compte du terme β(𝑡)𝑁(𝑡)SL
. L’objectif principal est d’ajuster le taux de transmission β(t) et le nombre de reproducteurs 𝑅0(𝑡)=β(𝑡)γ.
Comme le pou est capable de se déplacer d’un hôte à l’autre avec une grande rapidité (par rapport aux autres dynamiques), cela conduit à un système lent-rapide, dont nous supposons qu’il atteint le quasi-équilibre de sorte que dL/dt ⋍ 0 et donc 𝐿(𝑡)⋍κλ𝐼(𝑡).
Le modèle SEIRL se simplifie alors en un modèle SEIR, ce qui facilite l’ajustement des paramètres du modèle, notamment en raison de la très petite taille de l’ensemble de données mensuelles (Fig. 1).
Les cas de typhus (Fig. 1) sont modélisés comme un POMP, en utilisant le filtrage itéré et les cadres d’inférence basés sur la vraisemblance prêts à l’emploi pour ajuster les données (42, 43).
Il s’agit là de méthodologies statistiques modernes et de pointe développées pour ajuster des ensembles de données épidémiologiques complexes.
Ce qu’il faut savoir sur les principales épidémies et pandémies
La pandémie virale actuelle confirme le fait que le risque infectieux est un risque naturel lié à la vie. L’homme partage le risque infectieux (et parasitaire) avec tout le monde du vivant, du monde végétal au monde animal, avec la plupart des vertébrés, mammifères en particulier (concept de zoonose). L’histoire des civilisations connues par les fouilles archéologiques montre à l’évidence l’existence de maladies infectieuses et cette histoire est jalonnée par ces risques infectieux sans pour autant que l’on puisse avoir des informations précises sur le contexte épidémique de l’époque.
Conclusions. Et pour l’avenir ?
L’histoire passée et récente des épidémies et des pandémies, et les données scientifiques actuelles permettent de classer les risques infectieux en trois catégories suivant leurs origines et les circonstances de survenue.
- • première catégorie est représentée par la variole qui est une situation unique au cours de laquelle l’homme est le seul réservoir de virus. L’éradication de cette maladie consiste donc en un traitement immédiat des sujets contaminants, et à une vaccination en anneau à partir du malade ce qui fut réalisé à partir de 1980 ;
- • deuxième catégorie, dont le choléra est l’exemple le plus représentatif (comme d’ailleurs d’autres maladies infectieuses, salmonelloses en général) est lié à la contamination des eaux et des aliments. La prévention réside essentiellement dans des mesures d’hygiène et de santé publique pour l’obtention d’une eau potable et la mise en place de services d’assainissement dans toutes les collectivités humaines. Actuellement, suivant les données de l’OMS, environ 2,1 milliards d’habitants (soit environ 30 % de la population mondiale), n’ont pas accès à une alimentation en eau potable et 4,4 milliards d’habitants (soit 60 %) ne disposent pas des services d’assainissement efficaces [51]. Si le risque de pandémie semble écarté par la mise en place de politiques de santé publique, le risque épidémique subsiste, le plus souvent limité à une région donnée. La gestion sanitaire des épidémies reste habituellement du domaine de la médecine dite humanitaire suivant les directives techniques de l’OMS ;
- • troisième catégorie, comprenant toutes les infections liées à la présence animale. Ce sont les zoonoses, nombreuses, de gravité variable, évoluant sous formes endémiques, épidémiques, plus rarement pandémiques : peste, grippe, typhus, rage, fièvre Ebola et toutes les fièvres hémorragiques, SRAS, etc. En ce début du XXIe siècle, ces zoonoses représentent le risque épidémique le plus élevé, en témoignent le développement de la maladie COVID-19 liée à un coronavirus (SARS-CoV-2) et les différentes formes de grippe.
Article complet, pandémies en détail : https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7538119/
Source : Lanceur d’alerte.info
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