Trump annonce la mort d’Al-Baghdadi : retour sur le spectaculaire assaut
Les Américains affirment avoir éliminé ce dimanche celui qui a fait trembler le monde. Un coup dur pour Daech, porté lors d’une opération des forces spéciales au nord-ouest de la Syrie.
Depuis la salle de crise de la Maison Blanche, le président américain a suivi l’opération des forces spéciales contre Abou Bakr al-Baghdadi. AFP/Maison Blanche
« Il est mort comme un chien, comme un lâche. » Lors d’une intervention télévisée, ce dimanche après-midi, Donald Trump a officialisé le décès d’Abou Bakr al-Baghdadi, racontant avec force détails sa version de l’élimination du chef de Daech, l’homme le plus recherché au monde. La nuit précédente, le président américain annonçait sur Twitter : « Quelque chose d’énorme vient d’arriver! »
Derrière son pupitre, Trump a évoqué un raid nocturne dans la région d’Idleb (nord-ouest de la Syrie). Rendant hommage aux forces spéciales et aux spécialistes du renseignement, « des personnes incroyables », il a confié avoir assisté à l’assaut depuis la « situation room », la salle de crise de la Maison Blanche, affirmant avoir « tout vu ». « C’était comme regarder un film », s’enflamme le chef de l’Etat américain.
Al-Baghdadi se serait suicidé
L’attaque, lancée vers minuit, a duré plusieurs heures au cœur d’une zone tenue par des groupes djihadistes rivaux de Daech. La mission visait une maison située près du village de Baricha, près de la frontière turque. Selon le Washington Post, elle était menée par la Delta force, une unité d’élite de l’armée américaine. « Elle a été créée pour s’occuper des situations non conventionnelles, comme les prises d’otages aériennes et les incidents terroristes majeurs, précise Evan Kohlmann, consultant américain en terrorisme. L’identité de ses membres et ses missions sont tenues secrètes. »
Pas moins de huit hélicoptères ont survolé pendant « une heure et dix minutes » un territoire hostile, à l’aller et au retour, « la partie la plus dangereuse » de cette mission top secrète selon Trump. D’après les médias américains, les commandos sont partis d’une base aérienne située à l’ouest de l’Irak. Une fois au sol, ils auraient pénétré dans le bâtiment où étaient réfugiés le calife autoproclamé de l’Etat islamique et sa famille en ouvrant des brèches dans les murs latéraux.
Al-Baghdadi aurait alors emprunté un tunnel pour tenter de fuir en compagnie de ses trois enfants, un chien d’assaut de l’armée sur ses talons. Trump décrit une scène qui mérite d’être corroborée par d’autres sources : « Il est mort après avoir couru dans un tunnel sans issue, gémissant, pleurant et criant. » Acculé, Abou Bakr al-Baghdadi se serait suicidé en faisant détonner une « veste » explosive et emmenant ses enfants dans la mort. Le souffle de l’explosion aurait déchiqueté son corps et fait s’écrouler le tunnel.
« Nous n’avons eu aucune perte », s’est félicité Donald Trump, pour qui seul « notre chien a été touché ». En outre, comme ce fut le cas dans la planque de Ben Laden, tué en 2011 au Pakistan par les Navy Seals, les services américains auraient mis la main sur « des documents super-sensibles ».
Encore fallait-il s’assurer que le corps couvert de gravats était bien la cible recherchée. Des tests génétiques auraient été effectués sur place. « C’était bien lui », assure Trump. Des officiels américains, sous couvert d’anonymat, estiment probable la mort d’Al-Baghdadi mais appellent cependant à la prudence.
Plusieurs fois donné pour mort
Au plus fort de sa puissance, Daech régnait sur 7 millions de personnes. Un proto Etat, à cheval sur la Syrie et l’Irak, ayant son propre « service de sécurité » extérieur, chargé de commettre des attentats, ou de les inspirer, en Occident et en Asie ( « Les Espions de la terreur », par Matthieu Suc, Harper Collins, 2018 ). Le califat était aussi une machine d’extermination contre les chiites, les Yézidis ou les chrétiens, ayant recours à la séquestration d’otages, syriens, irakiens et étrangers, avant de diffuser les exécutions sur les réseaux sociaux. Daech a été chassé de son dernier réduit en mars dernier, notamment grâce aux soldats arabo-kurdes.
Depuis, Al-Baghdadi, plusieurs fois donné pour mort, se montrait très discret dans ses déplacements, modifiant ses plans au dernier moment lorsqu’il s’agissait de changer d’abri. Une telle prudence aurait d’ailleurs conduit à annuler « deux ou trois raids » à la dernière minute. La neutralisation annoncée de l’ennemi public numéro un sonne comme une victoire pour Donald Trump et pour les services de renseignement américains, CIA en tête.
Washington aurait finalement reçu une information très intéressante « il y a environ un mois », ce qui a permis de resserrer la traque : « On l’a trouvé à un certain endroit […]. C’est la technologie qui nous dit ça », résume Trump. Dans son allocution, celui-ci a rendu hommage aux Russes, dont les forces sont incontournables dans la zone, aux Turcs, mais aussi aux Kurdes de Syrie.
«L’idéologie dépasse le dirigeant ou le territoire»
Forts du précédent d’Al-Qaïda, qui a survécu à la mort de son leader Ben Laden, nombre d’observateurs estiment cependant que l’organisation terroriste ne perdra pas ses capacités de nuisance. « L’idéologie dépasse le dirigeant ou le territoire. Daech avait anticipé ces revers, assure Jean-Charles Brisard, président du Centre d’analyse du terrorisme. La menace terroriste, toujours plus imprévisible, reste intacte et il n’est pas exclu que des individus tentent de passer à l’acte de façon isolée en Europe par vengeance. »
Coté France, le 8 octobre, la justice délivrait un mandat d’arrêt contre Baghdadi dans le cadre d’une information judiciaire pour « direction d’un groupe terroriste ». Une action symbolique qui vise à faire la lumière sur le rôle du défunt calife dans l’élaboration des attaques terroristes sur le sol français ces dernières années. Jusqu’ici, son implication directe dans les attentats du 13 novembre 2015 n’a jamais été démontrée. Si ce n’est à travers les confidences d’un survivant des commandos.
Lors d’une audition par la justice belge, ce djihadiste a révélé qu’Abdelhamid Abaaoud, coordinateur des tueries, « avait rencontré réellement en Irak » le chef de Daech. « Ils se sont mis autour d’une table, avait-il alors confié. Une telle attaque en Europe ici ne peut venir que par des personnes qui sont proches de la tête, de Al-Baghdadi. »
Source : Le Parisien
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