Tirs de gaz lacrymos aux abords de deux écoles : des élus de Paris demandent des explications au préfet de police
Le recours massif à des gaz lacrymos dans un square lors de la manifestation de pompiers ont choqué les parents d’élèves.
Une semaine après les affrontements qui ont opposé, mardi 28 janvier après-midi, CRS et pompiers dans le jardin parisien Debergue-Rendez-vous, dans le 12e arrondissement, la colère des parents d’élèves des écoles maternelle et primaire de la rue Marsoulan qui longent le jardin n’est toujours pas retombée.
Au contraire, elle a pris une autre dimension, plusieurs élus de la Ville de Paris interpellant la Préfecture de police à ce sujet. « Nous sollicitons votre attention et votre réaction face au traumatisme vécu par les enfants et familles » des deux écoles, « ces faits nécessitent des explications de votre part » écrivent ainsi Patrick Bloche, adjoint à la maire de Paris chargé de l’éducation, Colombe Brossel, adjointe chargée de la sécurité, et Catherine Baratti-Elbaz, maire du 12e arrondissement dans un courrier envoyé lundi 3 février au préfet de police, Didier Lallement.
« Ces affrontements spectaculaires auraient pu directement impacter les élèves, alors que certains ont pu en être spectateurs à la sortie de l’école. Aucune réquisition de la direction de l’ordre public et de la circulation de la Préfecture de police n’avait été formellement adressée à la Ville pour cette manifestation, comme cela est le cas habituellement, de manière à permettre de sécuriser le parcours et assurer l’information des services concernés », lit-on dans le courrier.
Avant eux, la FCPE de Paris, d’une part, et Nicolas Bonnet-Oulaldj, président du groupe communiste-Front de gauche à la mairie de Paris, d’autre part, avaient également écrit à la Préfecture de police demandant « des explications et des excuses ».
« Il aurait fallu se soucier de la sécurité des enfants en priorité ! »
De nombreuses vidéos ont témoigné sur Twitter des vives tensions qui se sont déroulées dans le square mardi 28 janvier, en marge de la manifestation des pompiers.
En témoignaient également mercredi matin, les restes des grenades lancées par les forces de l’ordre dans le square, situé à deux rues du cours de Vincennes, où passait le cortège de la manifestation : sur une allée de cinquante mètres, jouxtant la cour des deux écoles, Le Monde a retrouvé les restes d’au moins trois grenades lacrymogènes MP7 et une grenade CM6 qui lancent respectivement sept et six palets libérant des gaz, donc au minimum, vingt-sept palets projetés dans le petit jardin mardi soir, peu après 16 h 30, heure de sortie d’école.
Olivier Ritz, responsable FCPE dans les deux écoles Marsoulan :
« Quand je suis arrivé à 16 h 30 pour récupérer mon fils qui est au CP, j’ai vu des groupes de pompiers qui sortaient du cortège et des CRS qui leur donnaient la chasse. Le temps que je récupère mon fils, ils étaient passés dans le square et les CRS lançaient des lacrymogènes… Vous imaginez l’air qui pique et un enfant de 7 ans qui a vu ça, quelle image il retient de ces policiers qui font usage de leur arme contre des pompiers ? Je ne sais pas si cette intervention était justifiée ou pas, mais il aurait fallu se soucier de la sécurité des enfants en priorité ! Les policiers n’ont tenu aucun compte de la présence des écoles, c’était comme si on n’existait pas. J’ai eu l’impression qu’ils étaient débordés, mais c’est très inquiétant de constater que lorsqu’ils sont débordés, ils ne font plus attention à la sécurité des gens autour, pas même des enfants ! »
Plusieurs parents d’élèves scolarisés dans les écoles, collèges ou lycées du secteur tenaient les mêmes propos et déploraient notamment un manque d’information sur le danger de la situation. « Le collège de mon fils n’a reçu aucune consigne, pas même pour prévenir mon enfant qu’il ne fallait pas traverser la place de la Nation, pointait Aurélie. La Préfecture de police est capable de faire fermer les boutiques avant une manifestation mais pas de prévenir les écoles de nos enfants du danger ? »
« Ce sont les manifestants qui sont à l’origine de cet incident »
Interrogée par Le Monde, la Préfecture de police a répondu par un communiqué justifiant l’intervention des CRS et renvoyant la responsabilité des incidents sur les manifestants. Selon elle, les pompiers auraient cherché, en quittant le cortège par des rues adjacentes, à contourner un dispositif bloquant l’accès du périphérique aux manifestants :
« Les forces de l’ordre dépêchées au niveau du jardin Debergue à Paris 12e pour contenir ce départ de cortège (…) étaient alors la cible de multiples projectiles. (…) C’est dans le cadre de cette mission de maintien de l’ordre que du gaz lacrymogène s’est dispersé dans l’atmosphère et a pu incommoder des riverains et certains occupants de l’école se trouvant à proximité. Ce sont donc les agissements des manifestants ayant quitté le cours de Vincennes afin de contourner le dispositif qui sont à l’origine de cet incident collatéral et non une manœuvre délibérée des forces de l’ordre. »
La Préfecture de police ne commente pas le choix d’un recours massif aux gaz lacrymogènes malgré la proximité des deux écoles, et la potentielle mise en danger des enfants, ni n’annonce de mesure pour qu’une telle situation ne se reproduise pas.
Interrogé sur ces questions lors du conseil de Paris lundi 3 février après-midi, le préfet de police, Didier Lallement, n’a pas davantage éclairé ces points. « Il ne répond pas, il ne s’excuse pas. C’est un mépris total pour les élus de la République et les citoyens, s’emporte Nicolas Bonnet Oulaldj, également conseiller du 12e arrondissement et voisin de la porte de Vincennes. Mardi dernier, c’est tout le quartier qui était fermé et sous les gaz, avec des batailles rangées entre policiers et pompiers ! Il n’y a plus aucun discernement. On parle de maintien de l’ordre ? Mais c’est tout le contraire, on ne maintient pas l’ordre, on disperse les incidents dans tout le quartier ! »
Un nouvel épisode sur la longue liste des désaccords et des tensions qui opposent les élus parisiens à Didier Lallement sur sa gestion du maintien de l’ordre depuis sa nomination, il y a bientôt un an.
Source : Le Monde
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