Surréaliste : « Je suis Soubelet…! » saison 2.
« Monsieur le président, je vous présente ma démission ».
– « Pardon, mon général, ai-je bien entendu, vous voulez démissionner? »
– « C’est exact. Je démissionne ».
– « Quelles sont les raisons de cette démission? »
– « Mon passé de soldat ».
– « Mais…euh…en quoi votre passé de soldat a-t-il pu être mis à mal ? Je ne connais aucun acte malveillant à votre endroit, aucun article de presse vous mettant gravement en cause, aucune fâcherie entre nous qui ait pu porter atteinte à votre glorieux passé et justifier cette décision!!! Je refuse. D’ailleurs, votre départ est programmé dans quelques semaines, et vous partirez avec les honneurs dûs aux services que vous avez rendus à la République. »
– « Monsieur le président, je n’ai pas servi la république. J’ai servi la France. Je l’aurais servie quel que soit le régime. Qu’elle soit républicaine, impériale, monarchique ou libre, la France seule mérite les sacrifices auxquels j’ai consenti tout au long de ma vie. La république, qu’elle soit parée de ses plus beaux atours comme jadis, ou en haillons comme maintenant, n’est qu’un régime politique qui n’éveille en moi aucune passion. Or, j’aime la France. Elle est l’exigeante maîtresse que j’ai choisi. »
– « Soit. Vous n’êtes pas le seul dans ce cas. Mais pourquoi cette démission? J’ai tout fait pour vous. Je vous ai maintenu, contre toute règle, en activité. J’ai souvent donné la préférence à vos avis sur ceux des ministres. J’ai résisté à toutes les pressions de ceux qui voulaient votre départ. Certains prétendent même que vous m’auriez « marabouté », ce qui est un peu vrai. J’ai suivi vos conseils en engageant les opérations Serval, Sangari, Barkane, redonné de la puissance aux armées, sanctuarisé leur budget, augmenté les effectifs, nommé ou promu la plupart de vos candidats plutôt que ceux proposés par les États Majors…que pouvais-je faire de mieux? »
– « Rien. Je ne vous ai d’ailleurs jamais rien demandé. Les conseils que je vous ai donnés, les choix que je vous ai proposés étaient pour le bien du service et en conformité avec les intérêts de la France qui, en ces circonstances, rejoignaient les vôtres. Je ne suis pas un politique. J’ai fait mon devoir de conseiller du chef des armées. L’avenir a démontré que mes conseils ont été et restent encore pertinents. »
– « Mais enfin, me direz-vous pourquoi cette démission? »
– « Je démissionne parce que vous avez failli, et je veux que l’on sache que je n’ai participé en rien à la décision que vous avez prise et qu’au contraire je m’y suis résolument opposé. »
– « J’aurais failli? Diable! Quelle décision? Je ne comprends pas. »
– « Vous avez mis en position hors cadre un officier général qui a déplu en disant simplement la vérité. Vous avez abusé du pouvoir que le peuple vous a donné. Vous avez failli à votre devoir d’équité, de respect de la personne et de la fonction qu’elle exerce. »
– « Vous voulez parler du général Soubelet? »
– « En voyez-vous un autre? »
– « Le général Soubelet s’est exprimé en manquant au devoir de réserve auquel doit se conformer tout militaire en activité. La sanction est justifiée. »
– « Ce qui veut dire, monsieur le président, qu’il faut taire la vérité pour ne pas déplaire. Il parlait sous serment. J’ignorais que c’était votre conception du service de l’Etat. »
– « Euh…attendez… Non. Je reconnais à ce général un certain courage. Mais nous sommes en Etat d’Urgence et quand soldats, policiers et gendarmes sont engagés pour assurer la sécurité des français, il n’est pas normal qu’il fasse la promotion de son livre. »
– « C’est un point de vue. Mais à ma connaissance, aucun attentat n’est venu endeuiller la France ces dernières semaines. Pensez-vous qu’il soit du ressort d’un général de corps d’armée d’aller surveiller les lieux publics, cibles potentielles des terroristes? A-t-il abandonné son poste? Fuit ses responsabilités? Mis en danger la vie de ses subordonnés? Vous avez fait de la lutte contre le chômage votre objectif. Vous reproche-t-on de partir en week-end pour conter fleurette au lieu d’aller aider les chômeurs à trouver du travail? »
– « Je comprends votre argument. Mais tout cela vaut-il votre démission? »
– « Oui. Vous avez validé cette mesure sous la pression de vos arrogants amis politiques, du lobby antimilitariste et d’une presse avide de sensations fortes, comme celle par exemple de se « payer » un général. Monsieur le président, la sanction que vous infligez n’est pas seulement injuste et infondée. Elle est avant tout stupide. La France ne peut pas continuer à se priver de la parole, des réflexions, des idées, de l’intelligence et de l’expérience de ses hauts responsables militaires. Nous ne sommes plus au temps du putsch. Nous sommes en 2016, dans une France alanguie et moribonde, qui a besoin de tous ses enfants pour surmonter les épreuves qui l’attendent. Pour former un général, il faut en moyenne 30 ans. Au cours de ces trente années, il a appris, commandé, organisé, géré, planifié, instruit, programmé et parfois combattu. Pour en arriver là, il a souffert physiquement et supporté des sacrifices personnels et familiaux nombreux. Il a nécessité un investissement coûteux. En retour, il sert avec loyauté et discipline dans le respect de l’éthique militaire, sans se plaindre. Vous venez d’en jeter un aux orties. Quelle erreur ! Cette mesure est inique. Quand de surcroît il se vérifie que les faits dénoncés ont trouvé leur tragique confirmation dans les attentats de l’année 2015, qui est coupable ? Je suis solidaire des hommes droits. Je n’admets pas qu’ils soient sacrifiés sur l’autel du silence imposé aux soldats de tout grade. Je revendique pour eux le droit d’arracher ce bâillon qui en font des sous-citoyens, et d’exister dans le concert des avis que des spécialistes auto proclamés et fantaisistes déversent à longueur de temps, pour vous complaire, dans les médias. Est-il normal qu’un fait concernant un militaire soit commenté par un civil qui lui est totalement inconnu ?
Ce militaire n’a pas de chef de section ? Ou de commandant d’unité ? Ou de colonel ? Soldat sans voix, muet du sérail, souffre en silence ! Les costumes-cravates veillent sur toi et parlent pour toi.
Non, monsieur le président, en voilà assez. Ce général a créé un nouveau droit, celui de donner publiquement, en activité, sous l’uniforme, le point de vue de l’expert compétent, porteur de l’information ou de la contradiction faisant surgir la vérité.
Oui, ce général, comme d’autres avec lui, a eu raison d’écrire pour dire ce en quoi il croit. Pour dire ce qu’il voit. Pour dénoncer les travers de nos institutions. Pour vous aider, monsieur le président, à prendre les bonnes décisions. Mais vous préférez les adorateurs sans âmes, les obséquieux serviles, les inféodés obéissants aux idées creuses. C’est votre choix. La punition que vous infligez rejaillit avec force sur moi.
Aux haillons de la république, je refuse d’y voir ajoutés, par mon indifférence, des crachats. Voilà pourquoi je m’en vais. »
– « Vous défendez Soubelet. Je ne vous ai pas entendu dans l’affaire Piquemal, que pourtant vous connaissez mieux et dont, par le service, vous devriez vous sentir plus proche! Votre indignation et votre pensée kaki sont à géométrie variable! »
– « Non. Piquemal a transposé sur le plan politique un problème humain. Sur le fond, je ne me prononce pas. Je le ferai plus tard. Sur la forme, il a eu tord. Je n’ai pas à le soutenir, mais pas non plus à le condamner, comme certains l’ont fait, à tord, en brandissant le bréviaire des heures sombres.
Monsieur le président, vous n’arriverez à rien en vous en prenant à ceux qui ont servi la patrie et pensent, comme moi, qu’il vaut mieux sacrifier son rang ou perdre sa place plutôt que la face. Libre à vous de supporter un Zemmour qui vous tue plutôt qu’un Soubelet qui vous réveille.
Le cynisme n’est pourtant pas une obligation en politique. Mais ce trait est devenu votre refuge, votre tunique de Nessus. Vous tuez l’apôtre pour mieux ignorer le mal qu’il dénonce. Puisque vous nous refusez le droit d’expression que vous accordez sans broncher au moindre de vos citoyens, fut-il inculte, et surtout aux plus détestables et méprisables de vos journalistes et syndicalistes, je vais rejoindre les rangs de ceux qui demain s’opposeront à vos « nuits debout« , symboles attristants de vos insupportables chimères.
De tous les généraux en activité, je suis le plus ancien. A ce titre, je suis aussi le premier d’entre eux et, à maints égards, un exemple et un modèle. D’autres généraux, d’autres officiers me suivront. Face à vos « nuits Debout » se dresseront bientôt « Les généraux debout« . Choisissez votre camp. Il est encore temps. Car le peuple aussi choisira. La suite s’écrira peut être dans les souffrances et les larmes. »
Tel est le dialogue surréaliste que j’ai imaginé.
Tel est le dialogue qui n’a jamais été.
Gardez-vous du réel. J’ai voulu un symbole. L’excellent CEMP n’est pas en cause, malgré l’apparence. Je l’ai choisi, parmi d’autres, par commodité, pour dire que le signal puissant doit venir des hauts de la pyramide vers lesquels nos yeux, pour des raisons diverses, se sont depuis toujours tournés. C’est une des conditions du réveil des étoiles et des galons pour nous affirmer dans l’espace boueux où, muets, nous nous débattons et où le pouvoir, par toute sorte de manières, veut nous cantonner.
Colonel (ER) JJ. NOIROT
promotion St. Cyr « Serment de 14 » – 1963/65
le 25/04/2016.
Source : ASAFRANCE
Mentionnons que le 15 avril 2016 le Colonel NOIROT avait déjà publié « Je suis Soubelet » (saison 1) à lire en suivant ce lien : « Je suis Soubelet » (saison 1)
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