Suppression de la taxe d’habitation : le piège pervers macronien se referme
Les conseils municipaux avaient jusqu’au 15 avril pour voter les taux d’imposition de fiscalité directe (taxes foncières sur les propriétés bâties et non bâties, taxe d’habitation pour les résidences secondaires). Le 15 avril était aussi la date limite pour voter le budget communal de l’année 2023. Au moment où nous écrivons ces lignes, les services des préfectures effectuent les contrôles de légalité des délibérations prises par les conseils municipaux. Ensuite, les services des finances publiques mettront « en musique » ces décisions qui auront un impact direct sur l’avis d’imposition des contribuables propriétaires.
Des propriétaires qui, désormais, sont les seuls contribuables directs de la commune. En ayant supprimé la taxe d’habitation, Emmanuel Macron a réussi ce coup de génie de fabriquer deux catégories de citoyens dans notre pays : ceux qui contribuent et ceux qui ne contribuent pas directement au fonctionnement et à l’investissement de la commune. Prenons bien conscience que cette annonce phare de la campagne de 2017 portait en elle la marque essentielle de ce qu’aura été l’action d’Emmanuel Macron à la tête du pays : diviser. On ne fera pas, ici, la liste de ces divisions, pour ne pas dire ces fractures, mais celle qui découle de la suppression de la taxe d’habitation est particulièrement perverse.
En effet, qui aujourd’hui oserait revenir sur cette mesure ? Mesure qui a sapé les fondements du pacte communal qui consistait à ce que chaque citoyen contribue à la hauteur de ses moyens aux besoins financiers du lieu où il habite ? Pourtant, on commence à voir les effets très concrets de cette mesure, notamment dans un contexte inflationniste qui frappe collectivités comme ménages. Passons sur le jeu de taquin qui a consisté à compenser en partie cette perte de revenus pour les communes en leur transférant la part d’impôt foncier qui revenait naguère au département et à mettre en place un mécanisme de compensation complexe et opaque qui accroît de fait la mise sous tutelle des communes par l’État.
Cette année 2023 se révèle ainsi comme celle de la fermeture du piège ouvert par Macron en 2017, puisque plus aucun ménage ne paye la taxe d’habitation, à l’exception des résidents secondaires, ce qui, en soi, est une parfaite ineptie, voire injustice, pour ces derniers puisque, n’habitant pas à plein temps la commune, ils utilisent beaucoup moins les services communaux. On est chez les fous ? Non, au pays de Macron. Et ce piège est d’autant plus diabolique que la loi de finances pour 2023, votée à la fin 2022 à grand renfort de 49.3, a acté une augmentation des bases foncières de 7,1 %. Une augmentation inédite. Le rapporteur Renaissance de la loi avait eu beau jeu de faire remarquer que les municipalités pouvaient atténuer cette hausse en baissant le taux d’imposition qui est à leur main. Ponce Pilate, sors de ce corps ! Piège pervers et d’autant plus cruel que, par ailleurs, la dotation générale de fonctionnement (DGF) accordée aux communes par l’État – dotation qui n’est pas une subvention mais la juste rétribution des services publics rendus par les communes -, elle, n’a pas suivi la courbe de l’inflation, qu’en 2022, les communes ont dû assumer avec leurs seules ressources la décision du gouvernement d’augmenter de 3,5 % le point d’indice de leurs fonctionnaires. En clair, le gouvernement, en augmentant les bases foncières et en n’augmentant pas la DGF, fait porter le poids de l’inflation sur les communes par les seuls propriétaires. Le propriétaire foncier qui, bien souvent, n’a que sa maison pour s’assurer une retraite, sinon confortable, tout du moins décente.
Si, par ailleurs, on ajoute à cela, la pression de l’État sur les communes pour qu’elles construisent toujours plus de logements sociaux, que ces logements sociaux sont exemptés de taxe foncière, on voit qu’une paupérisation des communes se dessine inexorablement : plus d’habitants mais moins de ressources fiscales directes. Sauf à toujours taxer plus ces cochons de propriétaires qui paieront bien pour les autres. Tout cela au mépris du principe de consentement à l’impôt, mais aussi de la cohésion sociale. Emmanuel Macron aura donc réussi l’exploit de fracturer la nation jusque dans la commune, cœur battant de notre démocratie directe. Bravo ! Et puis, lorsque les communes les plus fragiles n’en pourront mais, on les incitera fortement à fusionner, à se regrouper, si possible avec la commune chef-lieu de l’agglomération. Et ainsi, on poursuivra le processus consistant à éloigner toujours plus le citoyen des lieux de décision. On a d’ailleurs un modèle chimiquement pur : ça s’appelle l’Union européenne. Tuez les propriétaires et les communes, alors, la France sera mûre pour devenir une vaste HLM.
Source : Boulevard Voltaire
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