Solidarité : « J’aide donc je clique » ou je clique donc j’aide…
« J’aide donc je clique » ou je clique donc j’aide…
C’est par ces quelques mots que « Denis », un de nos camarades, exprime ses sentiments sur une solidarité disparue qui en a gardé le nom mais en a perdu le sens.
Denis est un ancien Gendarme qui au travers de son blog ( http://gendarmehll.blog4ever.com/ ) nous raconte son expérience du métier, celle d’un gendarme ayant généré une enquête de commandement aux retombées spectaculaires, une descente aux enfers et la révélation de la nature intrinsèque de cette grande et belle famille qu’est la gendarmerie.
Mais laissons Denis s’exprimer :
J’aide donc je clique.
Des suicides à la pelle, où la parabole entre cet acte désespéré et l’entité qui mets entre nos main une arme, instrument d’ordre et de loi.
On ne reviendra pas sur la gendarmerie (sans le « G » majuscule, car le nom est loin d’être propre) qui transforme sournoisement la vie de ses éléments des plus intègres en un insidieux cancer, mais plutôt sur la forme principale d’aide que l’on alloue aux rescapés de mon espèce.
Les pages de soutien, concentré de flagorneries, propagandes et autres promotions individuelles, affluent sur la toile. Problème, elles ne concernent que les morts. On prolonge outrancièrement la douleur des proches en créant des groupes sur lesquels on déverse des flots d’émotions virtuelles. On n’est même pas capable de leur passer un coup de fil pour accomplir la chose de vive voix…
Le deuil en est paradoxalement prolongé et on s’attribue le souvenir du défunt en guise de faire-valoir personnel. Ces mêmes familles, lassent, demandent d’ailleurs elle-même la fermeture de ces vitrines malsaines…
Le mal-être des Policiers et des Gendarmes, quel magnifique sujet et quel titre racoleur. Pointons du doigt l’hécatombe dans les rangs des forces de l’ordre, élaborons des théories et grattons foultitude d’articles et de notes alors que la synthèse est particulièrement simple: tu réussis (tu écrases des têtes, tu contournes, tu t’accapare, tu manipules), tu stagnes (cela te suffit, tu restes au bas de l’échelle, place assurée et responsabilités limitées) ou tu sors des sentiers battus et tu es subtilement poussé vers la fosse à purin…
Avec de tels leitmotiv, une hiérarchie qui ne sert que ses propres intérêts, un métier qui, finalement, évince toute notion humaniste et transforme la répression en nécessité, on comprends que le problème sera abordé mais ne sera jamais avoué.
Et les vivants en (grande) difficulté dans tout ça ? Le drame est exploitable, la fatalité est une excuse, mais plutôt que de tenter de l’éviter, autant l’attendre, l’apprendre et s’y résigner.
Je prends ici mon cas personnel, ma vie, on lit mon histoire, on l’écoute, on s’en offusque, on crie au scandale, à la honte, on crache sur les raisons de mon malheur, et ensuite on passe à autre chose. « On », ce n’est pas moi, car je reste sur les conséquences, une vie de clochard dont la résidence vacille suivant le sens du vent entre une voiture, une tente ou un gîte éphémère.
Quant à mes enfants, je les vois au grès de mes « déplacements », je ne peux ni les nourrir, ni les recevoir, et je me rassure en me disant qu’ils comprennent ou comprendront.
La seule main tendue est celle d’une assistante sociale qui n’a de cesse de tenter de pallier à tous mes manques vitaux (nourriture, gîte, argent), le seul visage humain capable de me faire progresser (sans oublier quelques amis qui vendraient leur chemise pour moi).
Ses moyens sont cependant limités, de plus en plus d’ailleurs, et elle ne peut malheureusement agir sur tous les fronts.
Les individus (et d’autres aussi probablement) dont la définition s’inscrit dans le deuxième paragraphe de cet écrit trouverons mes propos fatigants, égoïstes et déplacés, cela leur permettra de se conforter dans leur inaction.
Socialement, on n’est vivant que quand on paye (ses impôts, ses abonnements, ses dettes), on n’est considéré que lorsqu’on apporte un quelconque intérêt: dans le cas contraire, on devient un fantôme, une épine, une gêne.
Je ne peux reprocher à quiconque d’aller à l’encontre de sa nature, mais ma bonne humeur constante dissimule avec peine la déception quant à la passivité de tout un chacun: faire un effort, c’est agir contre sa volonté, et la solidarité est une notion naturelle.
Denis
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