Service de renseignement, grande nation, cherche arabisant, libre de suite
Jean-Yves Le Drian et Florence Parly, 2019 © Jacques Witt/SIPA Numéro de reportage: 00927269_000025
Le niveau des candidats en arabe littéral au dernier concours organisé par la DGSE était si bas que les postes n’ont pas été pourvus. Préoccupant.
Terroristes islamistes, dormez tranquilles. La direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) a organisé du 20 au 31 janvier son « concours externe pour l’accès à l’emploi de secrétaire administratif spécialisé ». Quatorze postes étaient à pourvoir, dont deux postes dans la spécialité « Langues : arabe littéral ».
Le rapport du jury vient de tomber. On y lit que les quelque 400 candidats, pourtant titulaires de master 2, étaient « très en deçà du niveau attendu ». Concernant la filière arabe littéral, le niveau était si bas que « le jury a décidé de ne pas admettre de candidat dans la mesure où aucun d’entre eux n’a démontré avoir une connaissance suffisante de la DGSE et de ses missions pour pouvoir se projeter, avec conviction, dans un poste correspondant à cette spécialité ». À l’oral, « le jury a noté que certains candidats n’ont pas respecté les règles d’usage », poursuivent les rapporteurs, sans plus de précision. Il s’agit probablement des civilités élémentaires : entrer, saluer, se présenter, repartir en remerciant le jury, etc. Sans surprise, à ce stade, les dossiers des candidats (CV et lettres de motivation), contenaient « de nombreuses fautes d’orthographe ».
Un problème qui ne date pas d’hier
Les difficultés du Quai d’Orsay ou du renseignement à recruter des profils parlant des langues rares pour les premiers échelons de leurs administrations ne datent pas d’hier. Un diplômé maitrisant le russe ou l’arabe trouve facilement un emploi mieux rémunéré dans le privé. Un rapport de la délégation parlementaire du renseignement publié en mars 2017 rappelait l’évidence : les services de renseignement doivent avoir « une capacité de rémunération du personnel civil suffisamment compétitive » (le rapport citait déjà les informaticiens et le personnel bilingue en langues rares). C’est d’autant plus impérieux que le renseignement a besoin de bras. La loi de programmation militaire 2014-2019 prévoyait plus de 1000 recrutements, répartis entre la DGSE, la direction du renseignement militaire (DRM) et la direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD). Les objectifs n’ont pas été atteints. Le constat est valable pour l’ensemble des armées, confrontées à une pénurie récurrente de candidats ayant le niveau, alors qu’elles ont besoin de 26000 personnes chaque année (chiffre avancé par la ministre Florence Parly le 5 mai 2020 dans un entretien à 20 minutes).
Pendant ce temps, les écoliers vont se mettre à l’arabe
L’échec du concours de janvier 2020 en arabe littéral suggère que l’on atteint la cote d’alerte. Il ne s’agissait pas de trouver trente arabisants, mais seulement deux. Un décret publié le 2 mai 2020 prévoit la possibilité d’enseigner l’arabe dès l’école élémentaire. Il faudra attendre un peu pour constater ses effets sur le marché de l’emploi. En attendant, peut-être faut-il penser à la solution retenue par les Israéliens, qui rencontrent des problèmes du même ordre. Faute de locuteurs, ils recrutent des jeunes motivés et leurs font suivre un stage d’arabe intensif de plusieurs mois.
Mais la France aurait-elle assez de professeurs désireux de travailler pour le renseignement ? Depuis quinze ans, l’Éducation nationale a laissé l’associatif, souvent religieux et parfois intégriste, préempter la matière. Le Capes d’arabe a été supprimé en 2011…
Source : Causeur
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