SCANDALE : Le Sénat vient de voter l’amnistie des élus, des employeurs et des fonctionnaires !
Un véritable scandale se déroule sous nos yeux…
I. LREM propose une amnistie « pour les maires »…
Nous vous avions alerté ce matin via l’article de Régis de Castelnau sur un projet d’amnistie des maires, révélé par Aurore Bergé (source ; arch ; JDD) :
« Nous proposerons une adaptation de la législation pour effectivement protéger les maires pénalement, mais aussi toutes les personnes dépositaires d’une mission de service public dans le cadre des opérations de confinement. »
Il faut dire que les plaintes pénales dans le cadre des manquements face à l’épidémie effraient énormément en haut lieu…
Le gouvernement cherche donc à modifier les incriminations pénales.
II. … bien que les maires ne craignent rien
Or, comme le rappelle Régis de Castelnau, spécialiste du sujet :
« Dans les années 90, après la mise en œuvre des lois de décentralisation, et en raison de mises en cause massives des maires dans l’exercice de leurs fonctions, le législateur a précisé les contours de cette responsabilité qui sont aujourd’hui définis dans l’article 121-3 du Code pénal […]
[Dans] Ce texte, fruit d’une élaboration particulière dans les années 90 à laquelle l’auteur de ces lignes a participé [… voici] les deux nouvelles conditions exigées pour que l’auteur indirect du dommage puisse être condamné : d’abord n’avoir pas accompli les diligences normales en fonction des moyens dont on disposait, et ensuite commis une faute caractérisée exposant autrui à un risque grave qu’on ne pouvait ignorer.
Alors, il faut insister sur ce point, les maires chargés de mettre en œuvre les décisions irresponsables du gouvernement avec le manque criant de moyens qui caractérise la gestion macronienne de la crise seront protégés des mises en cause pénales par la notion de « diligences normales […] en fonction du pouvoir et des moyens dont ils disposaient » contenue dans le Code pénal.
État d’urgence sanitaire ou pas, si l’État envoie les maires au casse-pipe sans leur donner les moyens d’appliquer la politique qu’il a décidée, ceux-ci ne pourront pas être poursuivis. Ils sont d’ores et déjà protégés. Et ce d’autant que le Conseil d’État vient de rappeler dans son ordonnance d’annulation de la décision du maire de Sceaux imposant le port obligatoire du masque sur le territoire de sa commune, que les pouvoirs des maires en état d’urgence sanitaire étaient strictement limités, sans pouvoir d’initiative, à la mise en œuvre des décisions de l’État. »
Alors pourquoi ces parlementaires proposent-ils une inutile amnistie des maires ?
Vous allez voir, c’est incroyable.
III. La Commission des lois du Sénat
Cette amnistie a été votée ce 4 mai, en Commission des lois du Sénat, dans le cadre du projet de loi sur l’état d’urgence sanitaire, dont l’article 1er-II est donc aujourd’hui rédigé ainsi (source pdf, dossier):
Nul ne peut voir sa responsabilité pénale engagée du fait d’avoir, pendant la durée de l’état d’urgence sanitaire déclaré à l’article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, soit exposé autrui à un risque de contamination par le coronavirus SARS-CoV-2, soit causé ou contribué à causer une telle contamination, à moins que les faits n’aient été commis :
- ° Intentionnellement ;
- ° Par imprudence ou négligence dans l’exercice des pouvoirs de police administrative prévus au chapitre Ier bis du titre III du livre Ier de la troisième partie du code de la santé publique ;
- ° Ou en violation manifestement délibérée d’une mesure de police administrative prise en application du même chapitre ou d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement.
IV. C’est en fait une proposition des Républicains LR
L’amnistie ne figurait pas dans le projet de loi du Gouvernement (source).
En réalité, ce sont Les Républicains LR qui se sont chargés de la sale besogne par un amendement de Philippe Bas adopté en Commission des lois (source) :
Notez bien qu’il y avait un problème suite à la proposition Bergé (problème que Mme Bergé connait évidemment très bien) : il y avait un fort risque d’inconstitutionnalité de sa proposition visant les maires, pour rupture d’égalité devant la loi pénale : on ne peut pas amnistier les seuls maires (ni les seuls coiffeurs, ni les seuls blonds, ni les seuls bouddhistes).
Il est donc très intéressant de lire l’objet de l’amendement Bas (où l’auteur précise pourquoi il le propose) :
« La prolongation du régime de l’état d’urgence alors même que le Gouvernement a annoncé la fin du confinement impose de déterminer le régime de responsabilité pénale de tous ceux, employeurs, élus locaux, fonctionnaires, qui seront amenés à prendre des mesures destinées à permettre un retour à la vie économique et sociale.
Le texte proposé par cet amendement apporte une solution équilibrée qui tient compte des contraintes exceptionnelles dans lesquelles ils se trouvent placés. Il est formulé de manière générale de manière à ne pas créer de rupture d’égalité devant la loi pénale. »
Eh oui : pour éviter l’inconstitutionnalité, cette amnistie ne vise pas seulement les maires ; elle a été étendue non seulement à tous les élus, mais aussi aux fonctionnaires, aux employeurs, et à tout le monde !
Ils ont donc profité de ce vote pour inventer l’amnistie patronale et celle des fonctionnaires, en plus de celles des ministres et élus…
Ceci étant, elle n’est que partielle : ils pourront être poursuivis en cas de faits commis, 1/ Intentionnellement 2/ ou « par imprudence ou négligence dans l’exercice des pouvoirs de police administrative » prévus dans l’état d’urgence sanitaire 3/ ou « en violation manifestement délibérée d’une mesure de police administrative prise en application du même chapitre ou d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement ».
Autre point important. En vertu du principe constitutionnel (source) et législatif (source) de rétroactivité des lois pénales plus douces (source), ces mesures s’appliquent non seulement pour l’avenir, mais aussi pour toutes les décisions prises depuis le 24 mars 2020.
Et en vertu du principe constitutionnel (source, art 8) de non-rétroactivité des lois pénales plus dures, il sera impossible d’annuler à l’avenir cette amnistie une fois qu’elle sera votée…
V. Le Gouvernement recule…
Finalement, quelques personnes à Matignon se sont dit que, politiquement, ce n’était pas une très bonne idée… (sources ici et là)
Le Premier ministre a finalement reculé ! (sources ici et là)
https://www.ultimedia.com/deliver/generic/iframe/mdtk/01357940/src/f5u3ll/zone/1/showtitle/1/
VI. … mais le Gouvernement se retrouve tout seul au Sénat
C’est pourquoi le gouvernement n’a pas prévu d’amnistie dans son projet de loi.
Mais donc LR l’a néanmoins rajoutée en Commission des lois, comme on l’a vu.
Et là, il s’est passé une chose incroyable.
De façon attendue, le gouvernement a alors, par cohérence, proposé hier soir un bref amendement de suppression de l’amendement LR – c’est-à-dire que le gouvernement a proposé de supprimer l’amnistie – par l’amendement n°194 (source).
L’argumentaire développé dans l’objet est très intéressant pour bien comprendre le problème :
« Cet amendement [du gouvernement] a pour objectif de supprimer les dispositions introduites en commission [des lois du Sénat, par LR] sur la responsabilité pénale des personnes physiques pour des faits commis pendant l’état d’urgence sanitaire.
Le Gouvernement est évidemment sensible aux préoccupations qui s’expriment sur le risque d’une pénalisation excessive des acteurs publics et privés dans le cadre de la nécessaire reprise d’activité à l’issue du confinement.
Le droit pénal prévoit déjà des règles permettant de limiter la responsabilité pénale des acteurs publics et privés en cas d’infraction non intentionnelle. Depuis la loi du 10 juillet 2000 (dite « loi Fauchon »), l’alinéa 4 de l’article 121-3 du Code pénal exige une faute plus importante lorsque le lien de causalité avec le dommage est indirect. La responsabilité pénale ne peut être engagée que si le décideur public a violé délibérément une obligation prévue par la loi ou le règlement, ou commis une faute caractérisée, c’est-à-dire une faute lourde. […]
La modification du régime général de responsabilité pénale des personnes physiques confrontées à la gestion de la crise présente deux écueils.
En premier lieu, elle a pour effet de supprimer la faute caractérisée permettant d’engager la responsabilité pénale. Il apparaît difficile de pouvoir ainsi mesurer dans l’urgence les conséquences d’une telle restriction de la responsabilité pénale. Nos concitoyens souhaitent évidemment que les acteurs publics ou privés puissent agir sans blocage dans cette période particulière, mais ils ne veulent pas que les décideurs publics donnent le sentiment de se protéger.
En deuxième lieu, une telle modification du régime de responsabilité pénale pour les seuls faits commis en lien avec l’état d’urgence sanitaire apparaît risquée sur le plan constitutionnel au regard, notamment, du principe d’égalité devant la loi pénale.
Il n’est en effet pas certain que la situation particulière dans laquelle se trouvent les personnes confrontées à la gestion des conséquences de la crise du covid-19 suffise à justifier l’atteinte ainsi portée à l’égalité devant la loi pénale s’agissant des infractions qu’ils ont pu commettre.
Cette différence de traitement concernerait les décideurs publics eux-mêmes selon que les faits qu’ils ont commis se rattachent ou non à la crise sanitaire. La faute caractérisée commise par un acteur public dans la gestion de la crise sanitaire, comme un directeur d’hôpital ou un directeur d’EHPAD, n’engagerait pas sa responsabilité alors qu’un autre acteur public pourrait se voir condamné pour une faute caractérisée commise dans le même contexte de crise, mais avant le déclenchement de l’état d’urgence sanitaire.
Même si le Gouvernement propose la suppression de la modification apportée par la commission, il va de soi qu’il est tout disposé à ce qu’une réflexion puisse préciser la loi en rappelant la jurisprudence qui oblige le juge à tenir compte des moyens disponibles et de l’état des connaissances au moment où l’on a agi. »
Est alors venu le moment du vote de cet amendement gouvernemental :
et le résultat est sans appel – je n’avais encore jamais vu ça. Sur les 348 sénateurs, 340 ont pris part au vote. 13 LREM se sont abstenus et :
- 327 sénateurs votants sur 327 ont voté contre l’amendement du gouvernement, donc POUR L’AMNISTIE
- 0 sénateur a voté contre l’amnistie.
Le Sénat a donc confirmé l’amnistie.
Et voici le détail par groupes politiques :
Il y a donc eu une véritable Union Nationale pour l’Amnistie !
En conclusion, voici la position de la Ministre défendant son amendement (source) :
« Mme Nicole Belloubet, garde des Sceaux. – Cet amendement supprime les dispositions introduites en commission sur la responsabilité pénale des personnes physiques pour des faits commis pendant l’état d’urgence sanitaire.
Je vous ai dit tout à l’heure combien le Gouvernement est sensible aux préoccupations des acteurs publics et privés sur le risque pénal lié à la reprise d’activité.
Nous ne voulons pas atténuer la responsabilité des décideurs publics, mais prendre en compte la spécificité du contexte. Le droit pénal limite la responsabilité des acteurs publics et privés en cas d’infraction non intentionnelle. C’est la loi Fauchon : lorsque le lien de causalité avec le dommage est indirect, la responsabilité pénale ne peut être engagée que si le décideur public a violé délibérément une obligation prévue par la loi ou le règlement, ou commis une faute caractérisée.
Ce dispositif adopté depuis 20 ans fonctionne bien et il est protecteur. Je comprends la volonté de la commission de clarifier le cadre juridique, mais sa rédaction pose problème. D’abord, elle supprime la faute caractérisée permettant d’engager la responsabilité pénale. De plus, elle modifie le régime de responsabilité pénale pour les seuls faits commis en lien avec l’état d’urgence sanitaire. C’est un risque constitutionnel au regard du principe d’égalité devant la loi pénale. Selon que les faits sont antérieurs ou postérieurs à l’état d’urgence sanitaire, le traitement sera différent.
En troisième lieu, pourquoi distinguer le régime applicable au responsable de la police administrative – le préfet principalement – de celui applicable aux autres acteurs publics ? Le Premier ministre a montré tout à l’heure l’importance du couple constitué par le maire et le préfet dans le déconfinement. Or le texte de la commission semble engager la responsabilité générale du premier même en cas de négligence, alors que celle du second ne l’est qu’en cas de violation délibérée. Le Gouvernement est disposé à préciser la loi, mais la réponse mérite d’être travaillée à l’occasion de la navette. »
et celle de Philippe Bas :
« M. Philippe Bas, rapporteur. – À la règle simple, mais pas pour autant facile du confinement, va succéder une multitude de décisions d’organisation sur les écoles, les entreprises, les administrations. Dans ces circonstances exceptionnelles, ceux qui prendront des décisions doivent être protégés. Certes, ceux qui provoqueront volontairement des contaminations doivent être punis, comme doivent l’être ceux qui violeraient délibérément une obligation particulière de prudence prévue par les lois et règlements. Il n’y a pas d’exonération totale, il s’agit simplement d’éviter que le juge n’attraie la responsabilité pénale, au titre de la loi Fauchon, sur un maire qui aura appliqué la politique du Gouvernement. […]
Je découvre l’amendement n°194 rectifié du Gouvernement ; madame la garde des Sceaux, sans ironie, il m’a peiné. Nous travaillons depuis plusieurs semaines sur la question. Nous ne pouvons déconfiner sans protéger l’exercice des responsabilités de ceux qui en seront chargés. Vous n’avez pas eu le temps d’examiner de telles restrictions de responsabilité, dites-vous ? Nous avons découvert samedi après-midi un projet de loi qui met en cause le secret médical et le respect de la vie privée. Ne disqualifiez pas notre travail au motif que vous n’avez pas eu le temps de réfléchir !
Vous êtes inquiète, madame la ministre ? Moi aussi ! (Sourires) Les dispositions ne s’appliquent que pour la durée de l’état d’urgence sanitaire : c’est bien leur objet ! Si l’état d’urgence sanitaire justifie un droit différent, nous ne portons pas atteinte au principe d’égalité devant la loi. Ainsi peiné, madame la garde des Sceaux, je vous demande de retirer votre amendement pour nous laisser poursuivre notre réflexion. «
À la demande du groupe Les Républicains, l’amendement n°194 est mis aux voix par scrutin public.
Le Sénat n’a pas adopté.
(Applaudissements à droite)
Et donc l’amendement gouvernemental a été rejeté…
On constate bien, que de nouveau, le sénateur Bas :
- ne parle que des maires, alors que son amendement exonère surtout tous les employeurs et fonctionnaires ;
- ne parle que du déconfinement, alors qu’il fait démarrer son irresponsabilité au 24 mars et pas au 11 mai ; il ne dit rien de sa rétroactivité.
Pourquoi ?
VII. La suite des opérations
Alors y aura-t-il un Jugement de Salomon – et des autres ?
À ce stade, nous ne sommes qu’au début de la procédure législative.
Il va d’abord falloir voir si le projet de loi va être voté ou non par le Sénat. Mais si aujourd’hui il refuse de le voter, LR va probablement ressortir son amendement à l’Assemblée.
Dans tous les cas, tout va se décider, comme toujours à l’Assemblée.
UN député votera-t-il contre l’amnistie ?
Plus sérieusement, combien de membres du groupe LREM vont-ils faire défection et soutenir l’amnistie LR ?
Pour aider nos parlementaires à faire le bon choix, n’hésitez pas à contacter votre député(e) dès aujourd’hui. Vous trouverez ici sa fiche par commune (« Rechercher un député ») ou par nom. Ses coordonnées sont par exemple ici :
Vous pouvez écrire, mais le plus efficace est de téléphoner (la démocratie, c’est simple comme un coup de fil), poliment, à l’assemblée (01 40 63 60 00) ou à sa permanence (les coordonnées sont indiquées généralement sur le site de l’assemblée, ou sur le site personnel)
Si l’amnistie est votée, restera le Conseil constitutionnel, plusieurs moyens pouvant être présentés. Comme le cavalier législatif, car cette mesure n’a rien à faire dans un projet de loi sanitaire.
Mais j’espère que pourra être remonté au Conseil (s’il reste une opposition à l’amnistie au Parlement) un argument plus tordu, mais plus profond ; cette mesure est lourdement dérogatoire au Droit commun, et une fois votée, il n’a pas possible de revenir en arrière. Elle choquera donc une grande partie des citoyens. Or si, en général, ils ont abdiqué, et délégué pratiquement tout leur pouvoir à leurs représentants, ils ont d’habitude une toute petite corde de rappel : le pouvoir de manifester et d’aller voir leur député pendant l’élaboration de la loi. Or ceci est impossible durant le confinement, puis ensuite tant que l’état d’urgence sanitaire durera. En conséquence, on pourrait soutenir que l’article 6. de la Déclaration de 1789 « La Loi est l’expression de la volonté générale. Tous les Citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs Représentants, à sa formation. » ne permet pas durant l’état d’Urgence Sanitaire de prendre des mesures autres que de gestion courante ou de gestion directe de la crise sanitaire. Ce n’est pas le moment, par exemple, de voter une réforme des retraites, une suppression de droits sociaux ou… une amnistie.
Bien entendu, tout ceci démontre, une fois de plus l’impérieuse nécessité de disposer d’un Référendum d’Initiative Citoyenne – pour, en l’espèce, annuler cette loi. Nous en reparlerons.
Olivier Berruyer
P.S. N’oubliez pas d’ailleurs de déposer plainte sur Plaintecovid.fr (déjà 170 000 plaignants) – ils n’apprécient pas du tout au gouvernement.
Source : Planetes360
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