Sandy, l’ex-mari, le concubin, l’amant, la gendarmerie et le FN
Les histoires d’amour finissent mal, en général : même entre les forces de l’ordre et le Front national…
Sandy Gaillard, une fervente militante frontiste de 25 ans, a été condamnée le 9 novembre à six mois de prison avec sursis et à une amende de 5 000 euros pour avoir simulé son enlèvement les 22 et 23 juillet à Rieutort-de-Randon, en Lozère. Ce procès aux allures picrocholines vient mettre fin à la longue emprise que le Front national exerce en France sur les membres des forces de l’ordre. C’est toujours ainsi, par des événements qui n’ont l’air de rien, par des détails sans relief que les passions s’allument et qu’un jour elles s’éteignent.
La jeune femme, alors en instance de divorce, avait envoyé un SMS à son concubin du moment, lui racontant que des ravisseurs imaginaires l’avaient jetée dans le coffre de leur voiture. Le compagnon avait prévenu immédiatement la gendarmerie, qui a déployé d’énormes moyens pour retrouver la disparue : une cinquantaine d’hommes et un hélicoptère à 4 600 euros l’heure, hors équipage. Mais ces efforts et ces dépenses ne se sont pas arrêtés pas là.
Le mari de Sandy Gaillard, lui aussi militant frontiste et dont elle s’était séparée depuis quelques mois, a vite été suspecté de l’enlèvement. La gendarmerie a perquisitionné son domicile et il a été rapidement mis hors de cause. Or, deux jours plus tard, un dimanche en début de soirée, la jeune femme réapparaît saine et sauve, sans la moindre trace de violences physiques ou morales. La gendarmerie ne tarde pas à lui faire avouer que le crime a été inventé pour cacher au concubin de la jeune femme qu’elle s’était offert un week-end clandestin au Puy-en-Velay avec son nouvel amant de 47 ans, candidat Front national aux dernières législatives en Lozère.
Les forces de l’ordre n’auraient pas été aussi outrées contre la militante lepéniste si elle n’avait pas été déjà la cause indirecte d’un autre affront commis contre la gendarmerie quelques mois plus tôt, en novembre 2016. A l’époque, Sandy Gaillard avait accusé son mari de violences conjugales. La gendarmerie était venue le chercher à son domicile. Or, au lieu d’obéir aux injonctions des forces de l’ordre, le militant frontiste avait ordonné à l’un de ses cochons de mordre une gendarme d’origine maghrébine. Pour cet outrage, il avait été condamné à une peine de prison avec sursis et à payer une indemnité à la victime. A cette occasion, Sandy Gaillard avait témoigné contre lui.
Après la simulation de son enlèvement, comment les forces de l’ordre n’ont-elles pas pensé que tous les protagonistes de cette histoire, Sandy Gaillard, l’ex-mari, l’amant et le concubin, en dépit de leur appartenance au Front national, s’étaient ligués contre les forces de l’ordre ? En les insultant, en lançant un cochon à leurs trousses ou en les obligeant à faire des dépenses et des efforts inconsidérés pour retrouver une fausse disparue. Alors que, pendant si longtemps, seuls les militants de ce parti et quelques imitateurs moins talentueux défendaient les forces de l’ordre, tellement précieuses qu’elles devraient jouir de tous les privilèges, y compris celui de la présomption de légitime défense lorsqu’elles abattent un suspect.
Mais cette bande de frontistes leur a montré soudain un mépris inouï, elle se moquait d’elles comme l’aurait fait un membre du parti de Philippe Poutou qui prône leur désarmement face aux ennemis les plus redoutables de la société.
La gendarmerie a probablement ressenti ce camouflet sans pour autant l’exprimer d’une manière aussi rationnelle. D’autant que les médias n’ont pas accordé à cette affaire la moindre importance politique. On a laissé les membres des forces de l’ordre seuls avec leur déception et leur détresse. Mais après l’affaire Sandy Gaillard, voteront-ils encore pour le parti de Marine Le Pen ? Et quand on leur demandera pourquoi, ils ne sauront pas très bien l’expliquer. Comment, par un jour de novembre 2017, le Front s’est mis à rimer à leurs oreilles avec affront.
Source : Libération
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