Révélations sur le portable caché d’Alexandre Benalla
Selon de nouvelles investigations, l’ancien collaborateur d’Emmanuel Macron a délibérément cherché à soustraire à la justice son téléphone personnel. Révélations.
Alexandre Benalla a refusé de remettre son téléphone portable aux enquêteurs, prétextant l’avoir perdu. Ce qui est faux. LP/Olivier Corsan
Après son coffre-fort personnel disparu, un autre mystère plane sur l’affaire Benalla. Où est donc passé le téléphone portable avec lequel l’ancien collaborateur d’Emmanuel Macron a averti l’Élysée qu’il avait été filmé, le 1er mai 2018, à Paris, en train de molester des manifestants ? Entendu en garde à vue le 21 juillet, Alexandre Benalla l’indique lui-même aux enquêteurs : « J’ai adressé ce message avec un appareil téléphonique que je n’ai plus, je l’ai perdu. J’ai conservé les données sur une clé USB que je compte communiquer mais pour l’instant, je ne souhaite pas dire où elle se trouve. »
Provocateur, l’ancien adjoint au chef de cabinet de l’Élysée se montre peu prolixe sur ce portable, « personnel et non sécurisé », dont il « ne souhaite pas donner d’éléments ». Il accepte seulement de remettre aux policiers son téléphone professionnel – placé sous scellé. L’appareil perdu contenait-il des messages ou documents susceptibles d’éclairer l’enquête ? Les juges d’instruction sont en tout cas intriguées. À plusieurs reprises, elles ordonnent à Benalla la restitution de la fameuse sauvegarde de son contenu sur clé USB.
« Il faut que je la trouve dans mon déménagement, dans mes affaires qui sont en Normandie », plaide le jeune homme de 27 ans lors d’un interrogatoire le 5 octobre. « Qu’attendez-vous pour nous la remettre ? » s’agacent les juges. Réponse : « Que vous me la demandiez. » Relancé en février dernier par courrier puis lors de son audition, Alexandre Benalla indique finalement avoir « perdu la clé USB dans les déménagements successifs ».
Le numéro utilisé retracé
En revanche, il fournit une capture écran imprimée du message Telegram envoyé à Alexis Kohler, secrétaire général de l’Élysée, l’informant des incidents du 1er mai. Dans cette correspondance du 2 mai, le jeune homme explique avoir intégré en tant qu’observateur « une équipe de policiers en civils ». « Je ne me suis pas cantonné à mon rôle et ai porté assistance aux policiers qui essayaient d’interpeller deux personnes ayant jeté des projectiles et violenté les policiers en civils, écrit-il. La scène assez violente a été filmée et même si l’on ne m’identifie pas très nettement, je suis reconnaissable. »
Mais les magistrates ne se contentent pas de ce message. Elles veulent à tout prix identifier le portable avec lequel il a été envoyé. Un renseignement décisif leur parvient grâce à l’audition… d’Alexis Kohler, plus proche collaborateur d’Emmanuel Macron. Entendu par l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) le 17 avril au palais de l’Élysée, le haut fonctionnaire confirme l’existence de cet échange.
À la demande des enquêteurs, il révèle le numéro qu’a utilisé Alexandre Benalla. « Pour quelles raisons, selon vous, M. Benalla ne souhaite pas communiquer les informations contenues dans son téléphone ? » l’interrogent les policiers. « Je n’ai aucune explication […] sur la discrétion entretenue sur ce téléphone », répond Kohler.
Un appel au cabinet de Brigitte Macron
Grâce au numéro fourni par le bras droit d’Emmanuel Macron, les enquêteurs retracent l’historique du téléphone personnel de Benalla. Ils découvrent que le portable prétendument égaré émet le matin même de sa garde à vue, dans le XVIe arrondissement de Paris. Un appel est détecté vers le numéro de Ludovic Chaker, conseiller de l’Élysée, puis l’appareil est coupé. Celui-ci est ensuite rallumé le lendemain soir, à l’heure de la fin de garde à vue de Benalla.
Là, un appel est émis vers le numéro du directeur de cabinet de Brigitte Macron. Selon les expertises techniques, Alexandre Benalla change ensuite à deux reprises de modèles de téléphones portables ces derniers mois, une fois chez sa mère dans l’Eure, une autre au Maroc, mais conserve la carte SIM associée à son numéro personnel. Conclusion cinglante des policiers : « L’assertion de M. Benalla, Cet appareil, je l’ai perdu , est fausse » et « ses déclarations mensongères ».
Plusieurs appels de cadres de la PP
Pour quelle raison l’ex-conseiller a-t-il menti sur la perte de son téléphone ? Où se trouve aujourd’hui le boîtier, qui n’a plus jamais hébergé de puce ? Une chose est sûre : ce téléphone n’arrange pas ses affaires. Peu après la révélation du scandale du 1er mai, Alexandre Benalla a obtenu un CD contenant des images de surveillance de la préfecture de police censées le dédouaner de son intervention du 1er mai.
CD qu’il a remis ensuite au conseiller spécial d’Emmanuel Macron, Ismaël Emelien, pour qu’il diffuse la vidéo sur Internet. Or, selon les factures détaillées de son téléphone caché, il apparaît que Benalla « ne pouvait ignorer la difficulté légale que représentait la détention de ces images » au moment de cette remise, selon les conclusions de l’IGPN. À ce moment-là, il a en effet déjà reçu les appels de trois cadres de la Préfecture de police lui intimant de restituer le CD…
Contactée, son avocate, Me Jacqueline Laffont, indique « ne pas souhaiter faire de commentaires, n’ayant pas connaissance de ces éléments ». Ces révélations intéressent le parquet de Paris, qui a déjà ouvert une enquête pour « dissimulation de preuves » dans l’affaire de la disparition de son coffre.
Source : Le Parisien
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