Retraites : en Suède, les perdants du système à points
En France, le système de retraite à point que le gouvernement souhaite mettre en place, suscite une opposition forte depuis plus d’un mois. Pour autant, d’autres pays tels que la Suède l’ont déjà mis en place. 20 ans après le système n’est plus déficitaire, mais le nombre de retraités pauvres a augmenté. Le journaliste Fabien Recker est parti à la rencontre de ces Suédois.
En banlieue de Stockholm, Inger Stark aime passer du temps dans sa petite parcelle, même en plein hiver. Pour cette retraitée, jardiner ce n’est pas uniquement un hobby : « Je cultive parce que c’est une activité que j’aime bien… Mais aussi parce que cela me fait faire des économies. Je fais pousser des poivrons, des tomates dans ma serre, mais aussi des pommes de terre, des carottes et des betteraves ».
Avec environ 1 200 € de retraite par mois, Inger Stark vit juste au-dessus du seuil de pauvreté suédois. Mère de quatre enfants, elle a longtemps travaillé à temps partiel à cause d’un problème problèmes de santé. Aujourd’hui elle vit seule et fait partie des perdants du système de retraite instauré dans les années 1990. « Je n’ai pas les moyens de m’acheter de nouveaux vêtements. À Noël, un coup de pouce de ma fille m’a permis de m’en offrir quelques-uns. Mais je n’ai pas les moyens de faire des cadeaux à mes petits-enfants ». Pour elle le système de retraite suédois n’est pas bon : « Avant, c’était plus avantageux. Le calcul de notre retraite se basait sur nos 15 meilleures années de salaire, ce n’est plus le cas… »
La Suède s’est dotée en 1998 d’un régime de retraite universel. Il est le même pour tous les Suédois, qu’ils soient fonctionnaires ou employés du privé, et prend en compte l’ensemble de la carrière.
Pour Ole Settergren, directeur d’analyse à l’agence nationale des retraites, « le système fonctionne comme un plan d’épargne. Tout l’argent que vous cotisez est accumulé sur un compte, et quand vous choisissez de partir à la retraite, on calcule votre pension en divisant la somme qu’il y a sur le compte, par le nombre d’années qu’il vous reste à vivre selon de l’espérance de vie moyenne ».
Toutes les variations du système se répercutent automatiquement sur le montant des pensions.
Géré par l’agence nationale des retraites, ce fonctionnement vernaculaire garantit à chacun une pension minimum, mais il est d’abord et surtout conçu pour ne jamais être en déficit. En fonction de la conjoncture économique, le niveau des pensions peut varier, y compris pour ceux qui sont déjà à la retraite. C’est-à-dire qu’elle varie selon l’ensemble des paramètres qui constituent la situation économique du pays (croissance du produit intérieur brut, croissance économique, niveau du chômage etc.)
En d’autres termes, « la stabilité financière du système est automatique. Mais il n’y a pas de finances magiques. Toutes les variations du système se répercutent automatiquement sur le montant des pensions. En 2010, et en 2011, après la crise financière, le niveau des pensions a baissé », développe Ole Settergren.
Les Suédois ne comptent pas seulement sur le régime universel de retraite pour assurer leurs vieux jours. En plus du régime général, ils bénéficient d’une retraite complémentaire financée par leur entreprise. L’épargne privée vient ensuite compléter le dispositif.
Chaque citoyen est encouragé à y recourir, et il n’est jamais trop tôt pour commencer. À 32 ans, Annette Garpe enseigne le suédois et les mathématiques dans une école de Stockholm. Cette année, pour la première fois elle a commencé à épargner pour sa retraite : « Je mets un peu de mon argent de côté chaque mois, pour le futur. Je me renseigne auprès de personnes de mon entourage, qui m’aident à le placer correctement. J’y place beaucoup d’espoir ».
Certes, notre système est autofinancé, mais cela se fait sur le dos des retraités modestes. Ce sont eux qui jouent le rôle de stabilisateur, voire d’airbag quand les temps sont durs.
Le système de retraite fait l’objet d’un large consensus au parlement. Il est le fruit d’un compromis entre plusieurs partis dont les sociaux-démocrates, les conservateurs, et même les verts. Ida Gabrielsson, députée du parti de gauche appartient aux rares voix qui en appellent à une réforme du système. « Certes, notre système est autofinancé, mais cela se fait sur le dos des retraités modestes. Ce sont eux qui jouent le rôle de stabilisateur, voire d’airbag quand les temps sont durs. Nous proposons de revenir à système de retraite qui soit plus redistributif », affirme-t-elle.
En Suède, il faut attendre d’avoir 67 ans pour obtenir une retraite à taux plein. Pour autant l’incitation à travailler plus longtemps n’a pas encore porté ses fruits, puisqu’en moyenne, les Suédois prennent leur retraite à 64 ans, quitte à toucher une pension moins élevée.
Source et Vidéo : Public Sénat
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