Réserviste de la gendarmerie, je mène une double vie : ce n’est pas un camp de vacances
LE PLUS. Suite à l’attentat de Nice, le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve a appelé « tous les Français patriotes qui le souhaitent » à rejoindre la réserve opérationnelle. Dominique Vestris fait partie de la réserve de la gendarmerie nationale depuis plus de 20 ans, il explique pourquoi.
Centre d’entraînement des forces de gendarmerie à Saint-Astier en Dordogne, le 20/07/16 (L.JOLY/SIPA)
Membre de la réserve opérationnelle de la gendarmerie depuis 1993, j’ai gravi les échelons au fil des années, passant de militaire du rang au grade de major actuellement. Également formateur lors de préparations militaires, j’ai clairement constaté un engouement soudain pour ce type d’engagement suite aux événements du 14-Juillet, et d’autant plus après l’appel de Bernard Cazeneuve, qui a incité « tous les Français patriotes qui le souhaitent » à rejoindre la réserve opérationnelle.
Ces derniers jours, nous avons reçu beaucoup de messages – plusieurs dizaines de mails par jour – de personnes civiles cherchant à intégrer la réserve de la gendarmerie, que l’on oriente vers les services compétents.
Je salue leur volontariat, néanmoins ces jeunes se font parfois une idée biaisée de l’engagement et déchantent à leur arrivée : la réserve opérationnelle n’est pas un camp de vacances, ils doivent en avoir conscience.
Des abandons à chaque formation
Dans le cadre de la formation de 15 jours qui a débuté dans les Yvelines depuis le 15 juillet, nous avons déjà eu plusieurs abandons dès le troisième jour. Certains ne se rendaient pas compte du rythme intense qu’impose une préparation militaire, qui nécessite notamment de se lever très tôt et de se coucher très tard. D’autres sont partis pour blessures.
Aujourd’hui, un civil doit obligatoirement passer par une préparation militaire pour valider un certain nombre d’ateliers, à la fois, physiques, techniques et juridiques (aptitude au tir, techniques d’intervention, discipline, rigueur, cohésion…). Ce n’est que s’ils valident cette formation qu’ils pourront, eux aussi, devenir réservistes sous contrat ESR (Engagement à servir dans la réserve). Ils devront ensuite obligatoirement obtenir la qualification d’agent de police judiciaire adjoint, ou pourront bénéficier d’une expérience pour préparer l’école de la gendarmerie nationale.
Accepter de mener une double vie
Il est important de savoir rester à notre place – nous ne sommes que des gendarmes réservistes et non d’active, soit l’équivalent d’intérimaires – tout en ayant conscience que s’engager dans la réserve opérationnelle est un engagement sur la durée. En 23 ans, c’est pour ma part l’activité que j’ai occupé le plus longtemps dans ma vie.
En 1993, alors que je travaillais dans une société d’audiovisuel, j’ai souhaité devenir réserviste, avant tout par nostalgie pour mon service militaire. J’ai passé plusieurs grades, de sous-officier à cadre, avant de devenir major. Je mène désormais une double vie entre la réserve opérationnelle et mes missions de conduite et de protection d’une personnalité au sein d’une agence interministérielle.
Aujourd’hui, les entreprises sont tenues d’autoriser leurs personnels réservistes à effectuer des renforts de la gendarmerie cinq jours par an, durée portée à 10 jours récemment. Le reste de mon engagement se fait sur mon temps de repos compensatoire, sur mes week-ends ou mes congés annuels. Je fais également certains services de nuit quand je le peux. Je n’y suis toutefois jamais obligé : je suis appelé en fonction de mes disponibilités et volontés.
Sécurité de l’Euro, lutte anti-cambriolage : des missions variées
En tant que réservistes, nos missions sont très variées. Je participe à la police de la route, à la lutte anti-cambriolage, surveillance du réseau ferré ou encore aux formations militaires.
À titre d’exemple, j’ai aussi participé, avec des patrouilles de la gendarmerie d’active, à assurer la sécurité extérieure du camp d’entraînement de l’équipe de France à Clairefontaine durant l’Euro 2016. Les réservistes participent également à la sécurité du Tour de France depuis des années.
En 2006, j’avais par ailleurs été sélectionné dans le détachement de la réserve opérationnelle qui a défilé le 14-Juillet sur les Champs-Élysées.
Renforcer la réserve opérationnelle ? Une question de moyens
Suite à l’attentat de Nice, nous avons été appelés, lors de l’activation du code orange, à nous rendre disponibles. Nous avons alors été plus de 70% à répondre à cette sollicitation, mais n’avons pour le moment pas été envoyés sur le terrain, dans la mesure où il n’existe à ce jour pas d’urgence réelle dans les Yvelines, notre territoire d’affectation.
La volonté affichée du gouvernement de renforcer les effectifs de la réserve opérationnelle est une bonne chose, mais ne nous voilons pas la face : tout est une question de moyens.
La réserve de la gendarmerie bénéficie en effet d’un budget annuel permettant de faire appel à nous. Si celui-ci est épuisé aux deux tiers de l’année et que les crédits sont insuffisants, bénéficier de milliers de réservistes formés en plus devient compliqué. Heureusement, les crédits sont en augmentation et peuvent être abondés en cas d’urgence, ainsi la gendarmerie a-t-elle obtenu un complément de 16,5 millions d’euros pour renforcer le dispositif de la réserve opérationnelle jusqu’au 31 décembre 2016.
Propos recueillis par Rozenn Le Carboulec.
Source : L’Obs
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