Réforme des retraites : qu’est-ce que l’article 44.3 sur le « vote bloqué », petit frère méconnu du 49.3 ?
Le gouvernement exclut pour le moment de recourir à l’article 49.3 de la Constitution, qui lui permettrait de passer en force pour faire adopter sa réforme.
Une vue générale de l’hémicycle lors de l’ouverture des débats sur la réforme des retraites, lundi 17 février 2020 à l’Assemblée nationale. (DOMINIQUE BOUTIN / SPUTNIK / AFP)
C’est une petite musique qui monte, qui monte : et si le gouvernement avait recours à l’article 49.3 de la Constitution pour faire adopter sa réforme des retraites à l’Assemblée nationale ? « Ce n’est pas l’option que nous souhaitons envisager », a déclaré sur France Inter le nouveau ministre de la Santé Olivier Véran, jeudi 20 février. Pas de passage en force à l’horizon, donc, mais la majorité semble tout de même agacée par la masse des 40 000 amendements déposés par l’opposition de gauche, principalement. « Nous sommes habilités à utiliser tous les moyens pour adopter cette réforme », a commenté le ministre.
Parmi les outils à sa disposition, le gouvernement pourrait choisir la procédure du « vote bloqué », en vertu de l’article 44.3 de la Constitution. Ce texte a déjà été utilisé plus de 250 fois sous la Ve République. Le gouvernement Fillon y a recouru en 2010 au Sénat lors d’un vote sur la réforme des retraites. Trois ans plus tard, le gouvernement Ayrault a fait de même, à l’Assemblée, toujours sur le dossier des retraites.
Le texte ne peut plus être modifié avant le vote
Le principe est simple : au lieu de voter chaque article et chaque amendement d’une loi, l’Assemblée, à la demande du gouvernement, « se prononce par un seul vote sur tout ou partie du texte en discussion, en ne retenant que les amendements proposés ou acceptés par le gouvernement ». Les députés votent donc en bloc pour ou contre l’ensemble du texte arrêté au stade choisi par le gouvernement.
« Cet article présente un énorme avantage par rapport au 49.3, car le gouvernement peut réécrire le texte qui sera soumis au vote bloqué », explique à franceinfo le constitutionnaliste Michel Lascombe. Cette procédure permet à l’exécutif de simplifier l’étape parlementaire, en écartant les amendements de l’opposition et de sa majorité. « L’Assemblée nationale se prononce alors sur l’intégralité du texte ou sur l’ensemble composé par le gouvernement » et dans ce dernier cas, la procédure classique est maintenue pour le reste du texte.
Le 44.3 permet donc au gouvernement de faire voter le texte de son choix, sans mettre en jeu sa responsabilité. En revanche, il ne met pas fin aux débats sur le texte et les parlementaires peuvent donc prendre la parole pour exprimer leurs opinions. « Le texte soumis au vote ne peut pas être modifié, mais il peut être discuté, résume Michel Lascombe. Par conséquent, « la procédure ne permet pas de gagner beaucoup de temps » par rapport au déroulement classique du vote d’une loi, note Michel Lascombe. D’autant que la réforme des retraites fait déjà l’objet d’une procédure accélérée, ce qui signifie que le texte ne fera l’objet que d’une seule lecture à l’Assemblée, puis au Sénat.
Le risque de froisser la majorité
La poursuite des débats constitue d’ailleurs la principale différence entre le 44.3 et le 49.3. Ce dernier a pour effet immédiat d’arrêter toute discussion sur le texte. « A partir du moment où le gouvernement engage sa responsabilité sur le texte, les élus ne votent plus sur le texte, mais sur une motion de censure », rappelle Michel Lascombe.
Ce n’est pas une vraie solution pour le gouvernement, car un tel recours ne crée pas de cohérence et ne permet pas de gagner un temps considérable.Michel Lascombe, professeur de droit constitutionnelà franceinfo
En réalité, le gouvernement emploie surtout le 44.3 quand il « se heurte à des rédactions d’articles soutenues par la majorité parlementaire, mais qui ne lui semblent pas bonnes », poursuit le professeur de droit constitutionnel. Le procédé est généralement peu apprécié des parlementaires, y compris au sein des majorités, car elle leur donne l’impression qu’on leur force la main. « Cela simplifie peut-être les choses, mais vous risquez de vous retrouver avec une majorité qui n’est pas soudée », estime Michel Lascombe.
Pour le spécialiste, la probabilité de voir le gouvernement recourir à l’article 44.3 est plus grande au Sénat, où le 49.3 ne peut pas s’appliquer. Dans cet hémicycle, le vote bloqué est alors parfois « le seul moyen d’accélérer les choses ».
Source : France TV Info
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