Reconquête républicaine: le poids des mots, le choc de la photo
Emmanuel Macron livre un discours sur le « séparatisme islamiste » à Mulhouse
Emmanuel Macron a tenu un discours contre l’islamisme à Mulhouse le 18 février 2020 © CATHERINE KOHLER/SIPA Numéro de reportage: 00945641_000003
Si la lutte d’Emmanuel Macron contre le séparatisme islamiste n’est pas forcément mal partie, on trouve dans ses propos tenus à Mulhouse le meilleur comme le pire
La visite d’Emmanuel Macron, hier, au Quartier de Reconquête Républicaine de Bourtzwiller à Mulhouse, a été « en même temps » l’occasion du meilleur et du pire.
La journée gâchée par le photobomb d’une islamiste
Le meilleur, d’abord : « On ne peut pas avoir les lois de la Turquie sur le sol de France » a déclaré le président de la République en réponse à la question d’une journaliste. Quoi que l’on pense de lui par ailleurs, quoi que l’on pense du reste de ses annonces, reconnaissons qu’à cet instant Emmanuel Macron s’est comporté en authentique homme d’Etat, pleinement digne de la fonction qui est la sienne. N’oublions pas qu’en Alsace la question turque est d’une importance capitale, et les réseaux d’Ankara, nationalistes et islamistes, particulièrement actifs et influents. Tenus à Mulhouse, les propos du président n’en ont que plus de poids et il faut saluer cette gifle magistrale et ô combien salutaire, non au peuple turc mais bien au néo-sultan Erdogan. Le sujet initial était la fin – bienvenue – des ELCO(1), mais il serait réducteur de s’y limiter : pour ce qui concerne la Turquie, sur le fond comme sur la forme Emmanuel Macron a été exemplaire.
Mais hélas ! Le pire, aussi. Une image incompréhensible. Celle d’une femme en niqab, presque collée au président.
L’Etat est laïc, la société française… vraiment plus. Emmanuel Macron à Bourtzwiller le 18 février 2020 © Sebastien Bozon/AP/SIPA Numéro de reportage: AP22429774_000003
Le visage caché par son voile, tenue pourtant passible d’une amende sur la voie publique, parfait symbole de ce séparatisme islamiste qu’Emmanuel Macron a déclaré vouloir combattre. Comment a-t-elle pu se retrouver aussi près du chef de l’Etat ? Choix ahurissant de son service de communication ? Faille de sécurité ? Crainte que le quartier s’embrase, malgré la présence naturellement massive de forces de l’ordre si cette femme était maintenue à distance ? Peu importe, cette photo est un immense fiasco pour la crédibilité de l’Etat.
Il serait tentant de s’arrêter à cette image, car après l’avoir vue il est difficile de prendre au sérieux la volonté affichée de combattre ce qu’Emmanuel Macron appelle le « séparatisme islamiste » – terme d’ailleurs bien trouvé, préférable en tout cas à celui trop timoré de « communautarisme ». Le reste, après tout, n’est que discours. Emmanuel Macron avait fait un magnifique discours aux obsèques d’Arnaud Beltrame, et rien n’a changé. Il a fait un très beau discours après l’attentat à la Préfecture de Police de Paris, et rien n’a changé. Il a donc fait un discours à Bourtzwiller, au demeurant inférieur aux deux précédents….
Les propos audacieux rapidement atténués
Je relève d’abord une insistance étonnante sur le fait « qu’il n’est pas question de stigmatiser », très au-delà du catéchisme politiquement correct habituel, comme si le président avait été effrayé de l’audace de ses propres paroles et tentait de la conjurer en abusant de ce mantra. Craignait-il donc que son discours soit censuré sur Twitter et Facebook au nom de la loi Avia ? C’est qu’il a bien parlé de séparatisme islamiste, et que toutes les mesures qu’il a évoquées et annoncées ciblent explicitement la seule religion musulmane, ou plus précisément ce qu’il est convenu d’appeler l’islamisme, islam politique, islam littéral….
J’aurais pour ma part préféré « islam séparatiste », ce qui aurait désigné clairement les branches problématiques de l’islam au lieu de garder cet « islamisme » toujours un peu ambigu, mais n’ergotons pas : l’ennemi est nommé, et c’est une excellente chose.
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Une mention bienvenue du salafisme et du frérisme – mais alors pourquoi ne pas interdire enfin les groupes salafistes et en tout premier lieu les Frères Musulmans ? La volonté déclarée et là aussi bienvenue de mettre fin à l’islam consulaire – mais pourquoi cette idée de s’appuyer sur un CFCM qui n’a toujours pas désavoué Abdallah Zekri, celui qui ne s’est pas gêné pour piétiner les valeurs les plus élémentaires de la République en déclarant que Mila l’avait « bien cherché » ?
On parle de formation des imams, mais par qui ? Pour leur enseigner quoi ? Il ne suffit pas d’avoir une connaissance intellectuelle des règles républicaines pour y adhérer, et renoncer à prêcher un islam séparatiste ! La solution n’est pas que l’Etat forme les religieux musulmans mais qu’il les certifie, c’est-à-dire qu’il leur soit interdit de prêcher sauf délivrance par l’Etat d’un certificat les y autorisant. Mesure d’exception ? Sans doute, mais la situation de l’islam est exceptionnelle. Puisqu’il faut explicitement veiller à ne pas stigmatiser, rappelons l’évidence : tous les musulmans ne doivent pas être mis dans le même sac, et tous les courants de l’islam non plus, mais il n’en demeure pas moins que l’islam pose aujourd’hui des problèmes que ne pose aucune autre religion.
La rengaine du « en même temps »
Emmanuel Macron parle de lutter contre les discriminations, et de méritocratie. Voilà bien un « en même temps » qu’il faudrait clarifier ! Car la « lutte contre les discriminations », en elle-même une noble cause, est trop souvent le masque d’une volonté de discrimination positive qui fait le lit du communautarisme, l’exact contraire de la méritocratie républicaine. Ne l’oublions pas : la « lutte contre les discriminations » est l’alibi de la « lutte contre l’islamophobie » qui n’a pas d’autre but que d’interdire la critique de l’islam et la dénonciation des crimes commis en son nom. Elle est, comme le soulignait Mohammed Sifaoui, l’autre nom de ce qui rendait impossible pour la Préfecture de Police d’écarter Mickaël Harpon, « Noir, handicapé et converti à l’islam ». Le chef de l’Etat veut financer encore plus les associations, et on songe aux milliards injectés en vain depuis des décennies dans la « politique de la ville » – sommes colossales qui, très souvent, ont servi à financer les réseaux communautaristes, claniques, mafieux, islamistes qu’il s’agit maintenant de combattre. Avant de donner plus d’argent aux associations, il faudrait commencer par couper les vivres à celles qui pourrissent leur environnement !
Oui, la reconquête impose de donner envie aux habitants de ces territoires de rejoindre la République, mais elle impose aussi de frapper avec force, et même avec brutalité, ceux qui s’obstineront à refuser de se plier à la loi commune
Le président évoque le bilan de sa première moitié de mandat. Ne voit-il pas à quel point ce bilan est catastrophique ? Il donne les chiffres des contrôles effectués, mais pas leurs résultats ! Prenons le cas des enfants déscolarisés : des centaines de familles contrôlées rien qu’en Alsace, mais combien d’enfants réintégrés dans le système scolaire après ces contrôles ? Et voici qu’il annonce un nombre absolument dérisoire de mosquées, de débits de boisson et d’écoles hors contrat fermées. Il serait injuste de l’en rendre seul responsable : les obstacles, en particulier juridiques, sont réels. Mais qu’au moins il ait le courage d’un constat lucide !
Plus de transparence dans le financement de lieux de culte : très bien ! Mais à quoi bon savoir, si l’on n’agit pas ? Le cas de la mosquée An Nour de Mulhouse, évoqué par le chef de l’Etat lui-même, est emblématique. Il parle d’un malaise mais c’est pire qu’un malaise : c’est le projet d’un espace prenant en charge tous les aspects de la vie en les mettant sous emprise religieuse, une véritable enclave théocratique financée par le Qatar.
Contraindre la majorité silencieuse à prendre position
Il y a encore la grande absente du discours présidentiel : la question migratoire. Assurément complexe, humainement et politiquement, mais incontournable. On n’intègre pas de la même manière des individus ou des peuples, et il est irresponsable de négliger l’impact des flux migratoires sur la constitution d’enclaves séparatistes de plus en plus radicales dans leur refus des obligations qu’entraîne la présence en France et plus encore l’appartenance citoyenne à la communauté nationale.
Que faire, alors ? J’ai évoqué l’interdiction des réseaux fréristes, du salafisme en général et du wahhabisme en particulier. Ce serait fondamental, mais non suffisant. Bourtzwiller est un QRR : quartier de reconquête républicaine. Une reconquête, ce n’est pas rien !
Il faut distinguer, dans ce quartier comme dans les autres, trois types de populations : ceux qui soutiennent la République, ceux qui la combattent, et ceux qui restent neutres. Il y a des musulmans dans les trois catégories, à Bourtzwiller comme partout ailleurs. Trop souvent on ne pense qu’aux deux premières catégories, alliés ou ennemis : erreur. Croire que la fameuse « majorité silencieuse » soutient la République est d’une naïveté coupable, et constitue un manque de respect flagrant envers ceux qui la soutiennent vraiment. A l’inverse, la confondre avec nos ennemis actifs est stratégiquement absurde. Il y a bien trois catégories distinctes, et les trois doivent être traitées de manière différente.
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C’est une évidence, la République ne doit pas traiter de la même manière ses alliés et ses ennemis. Mais elle doit aussi distinguer ses alliés de ces foules cantonnées dans une neutralité confortable, qui trop souvent confine au soutien passif accordé aux pires de ces séparatistes qui imposent leur loi brutale dans les zones qu’ils contrôlent. Ceux qui soutiennent activement la République ont des droits sur elle, droits auxquels ne peut prétendre la majorité silencieuse.
Droit à la sécurité d’abord : la République a le devoir impérieux de protéger ses alliés, ceux qui défendent ses valeurs, ceux qui s’intègrent et s’assimilent, tout particulièrement lorsqu’ils vivent dans des territoires hostiles. Or, sur ce plan, l’échec du système judiciaire est aujourd’hui total. Il faut repenser à la fois la procédure et la sanction pénales, et tant que ce chantier n’aura pas été mené à bien il sera illusoire d’espérer ramener l’ordre républicain dans les zones de non-droit. La situation de Mila est à ce titre révélatrice : nous ne sommes même pas capables de garantir la sécurité d’une adolescente dans son lycée, comment oser prétendre reconquérir des dizaines de quartiers simultanément si nous ne changeons rien à nos méthodes ? Oui, la reconquête impose de donner envie aux habitants de ces territoires de rejoindre la République, mais elle impose aussi de frapper avec force, et même avec brutalité, ceux qui s’obstineront à refuser de se plier à la loi commune.
L’idéal républicain n’est pas refus du divin mais…
Le chef de l’Etat évoque justement « un islam dont toutes les pratiques doivent se conformer aux lois de la République. » Oui, évidemment ! La certification des prédicateurs et des lieux de culte doivent l’assumer, et en particulier plusieurs points dont on sait déjà qu’ils seront problématiques. Seuls doivent être autorisés sur notre sol les courants de l’islam et les ministres de son culte qui accepteront par écrit et publiquement de se plier à certains principes non négociables, comme par exemple la liberté de conscience, la liberté de pensée, la liberté d’expression, et l’égale dignité de tous les citoyens devant la loi. Concrètement, il faut les contraindre à défendre le droit au blasphème, le droit à l’apostasie, le droit à l’athéisme, au polythéisme, l’égalité des droits civiques entre hommes et femmes, hétérosexuels et homosexuels, musulmans et non-musulmans. Les contraindre à prendre officiellement leurs distances avec la lettre du Coran, et à subordonner le respect des dogmes religieux au respect des droits de l’homme, et non l’inverse. Les contraindre à abjurer la prétention de l’Oumma à être « la meilleure communauté », et les forcer à reconnaître devant leurs fidèles les apports positifs pour l’humanité de groupes et d’individus non-musulmans.
On m’objectera que cela signifiera le développement d’un islam clandestin, élaboré par et pour ceux qui refuseront de se plier à de telles exigences. Qu’il en soit ainsi, et que l’on combatte alors ces groupes illégaux et sectaires avec tout l’arsenal législatif existant. Au moins ne pourront-ils plus parader, défi permanent à l’autorité de l’Etat, démonstration de force attirant de plus en plus d’adeptes.
La dimension religieuse du séparatisme islamiste est centrale, et son idéologie ne pourra pas être combattue par une simple absence, une liberté comprise uniquement comme la négation de la contrainte. La République doit oser dire qu’elle repose sur une certaine idée de l’Homme, une métaphysique choisie et assumée, et qui pour être laïque n’en est pas moins noble. Son idéal d’émancipation n’est pas un refus du divin, mais un rejet ferme et définitif de toute vision du divin qui voudrait maintenir l’Homme dans un état de minorité perpétuelle. Si l’Homme est la créature de Dieu, la République est le refus qu’il soit sa chose. Et si l’Homme est enfant de Dieu, la République est l’outil par lequel cet enfant assume enfin ses responsabilités d’adulte.
L’idéal républicain, la France, et la République française qui est la rencontre des deux, ne sont pas des espaces vides mais des réalités humaines, historiques, intellectuelles et même spirituelles dont il est urgent d’affirmer la densité et la force, et d’exiger que toute personne présente sur notre sol les respecte.
On ne peut donc qu’approuver sans réserve la proposition de loi déposée au Sénat par le groupe LR et visant à compléter l’article 1er de la Constitution pour affirmer le principe selon lequel « nul individu ou nul groupe ne peut se prévaloir de son origine ou de sa religion pour s’exonérer du respect de la règle commune », ou plus généralement encourager les positions récemment exposées par Bruno Retailleau.
Et je reprends, enfin, ce qu’avec d’autres j’écrivais au Président de la République il y a quelques mois, lettre sans réponse que Marianne a publiée hier.
Voici quelques pistes, loin d’être exhaustives. Mais s’il faut les résumer d’une formule, qu’on me permette d’emprunter en la complétant et en l’adaptant cette fulgurance d’Emmanuel Macron que je citais au début de mon texte : peut-être finira-t-il pas s’en inspirer à son tour ? Les Français musulmans ont évidemment leur place dans la communauté nationale, Français parmi les Français, mais on ne peut pas avoir les lois de l’islam sur le sol de France.
Source : Causeur
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