Rave party à Redon : « Du jamais-vu »… Pourquoi les gendarmes ont-ils détruit le matériel des teufeurs à coups de hache ?
TEUF Le rassemblement en hommage à Steve Maia Caniço a tourné à l’affrontement avec les forces de l’ordre dans la nuit de samedi à dimanche
- Environ 1.500 personnes ont participé à une rave party à Redon vendredi soir, où des affrontements ont éclaté avec les forces de l’ordre.
- Lors de leur intervention, les gendarmes ont procédé à la destruction de matériel de sonorisation.
- Les organisateurs envisagent de porter plainte. Selon eux, le préjudice est estimé entre 100.000 et 200.000 euros.
Les images parlent d’elles-mêmes. Des unités mobiles de gendarmerie encerclent des tonnelles où sont stockés des amplis, des ordinateurs, des enceintes. A coups de hache ou de masse, les forces de l’ordre détruisent du matériel de sonorisation pendant que d’autres coupent les toiles des tonnelles au cutter. Cette scène s’est déroulée samedi après-midi à Redon, en Ille-et-Vilaine, où un teknival était organisé depuis vendredi soir.
La veille, de violents affrontements avaient opposé les fêtards aux forces de l’ordre, qui cherchaient à mettre un terme à ce rassemblement en hommage à Steve Maia Caniço, mort noyé lors d’une charge policière en marge de la Fête de la musique 2019 à Nantes. Vendredi soir, plusieurs teufeurs ont été blessés, certains gendarmes également. Un homme de 22 ans a eu la main arrachée, vraisemblablement en tentant de renvoyer une grenade lacrymogène. Au surlendemain de cette évacuation, les organisateurs font part de leur colère. Mais surtout de leur incompréhension face à ces destructions qui ont visiblement été réalisées en toute illégalité.
Colère, stupeur et dégoût. Deux jours après la teuf qui a réuni environ 1.500 personnes vendredi soir à Redon, certains fêtards ont gardé les stigmates de cette nuit de fête. Les traits sous les yeux sont marqués par le manque de sommeil. Un homme âgé d’une vingtaine d’années est toujours hospitalisé après avoir perdu sa main lors d’affrontements nocturnes vendredi soir. Au-delà des hommes et femmes, c’est aussi le matériel qui a souffert de ce week-end censé être festif. Samedi, les gendarmes ont décidé d’en détruire une partie, sans que personne comprenne réellement pourquoi. « On n’a eu aucun dialogue. Le seul but, c’était de détruire. Je n’avais jamais vu ça. Ni en France, ni même en Europe », regrette Victor Lacroix, représentant de l’association Media’Son. « C’est une honte. C’est d’une violence inouïe simplement pour des gens qui dansent », ajoute une autre participante. Le préjudice est difficile à établir mais pourrait se chiffrer entre 100.000 et 200.000 euros. Du matériel comme les groupes électrogènes avaient même été loués à certaines enseignes de la région.
Si le rassemblement était interdit en raison d’un arrêté préfectoral, c’est la méthode d’intervention qui interpelle. D’autant qu’au moment de l’opération de destruction des gendarmes, la musique avait cessé, comme l’avait demandé le préfet Emmanuel Berthier. « Cela fait des années que je les défends. C’est la première fois que je vois ça », résume Me Marianne Rostan. L’avocate est catégorique : l’action des forces de l’ordre s’est déroulée en toute illégalité. « Seules les saisies sont autorisées. La destruction des biens ne peut avoir lieu que sur ordre du procureur, et uniquement s’ils sont considérés comme dangereux », résume Me Rostan.
Contacté, le procureur de la République de Rennes a fait savoir « qu’aucune instruction du parquet de Rennes n’a été donnée au-delà » de la saisie de certains biens. La liste des biens confisqués est pourtant courte : « une platine, trois tables de mixage et trois amplificateurs ». Contactée, la préfecture d’Ille-et-Vilaine refuse de s’exprimer, se rangeant derrière la réserve électorale. La gendarmerie locale n’est pas plus bavarde. Quant aux autorités nationales, elles peinent visiblement à expliquer l’opération. « Lors de l’évacuation, les gendarmes ont procédé à une manœuvre complexe qui, une fois commencée, devait être exécutée rapidement pour assurer la mise en sécurité des personnes », explique une source proche du dossier. Les gendarmes voulaient éviter que des gens ne tombent à l’eau ou que de nouveaux affrontements éclatent. Mais pourquoi s’en prendre au matériel ?
« Au cours de la manœuvre, il y a pu avoir du matériel cassé, des dégradations. Mais le contentieux pourra être remboursé », assure-t-on du côté de la gendarmerie.
Dans un tweet publié samedi, plusieurs photos montrent les biens dégradés qui ont été saisis. « C’est détruire pour détruire », regrettent les organisateurs. Leurs images viennent d’ailleurs contredire la version des gendarmes, qui semblent œuvrer en toute tranquillité, sous le regard désabusé de plusieurs témoins.
Les organisateurs vont porter plainte
Les organisateurs ne comptent pas en rester là et annoncent leur volonté de porter plainte pour dégradations. « On a l’impression de faire face à une démocratie de la force, à une stratégie de terreur. Comme si on voulait faire passer un message à la jeunesse, la dissuader de recommencer », ajoute Victor Lacroix. Avant d’ajouter. « Mais les teufs ne vont pas s’arrêter ». Habituée à défendre les sound systems, l’avocate Marianne Rostan se dit inquiète. « On a l’impression de revenir quinze ans en arrière. Il y a une tension grandissante entre les participants et les forces de l’ordre et on a clairement franchi un cap ce week-end. Je me demande ce que ça va donner à l’avenir ».
Trois enquêtes ont été ouvertes pour tenter de faire la lumière sur les affrontements survenus vendredi et la grave blessure de l’un des participants.
Source : 20 Minutes
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