Quels dispositifs pour prévenir les suicides chez les policiers et les gendarmes ?
Les syndicats de policiers déplorent que l’« on s’attaque aux conséquences, et pas aux causes : horaires, politique du chiffre… ».
Alors qu’en une semaine six policiers et deux gendarmes ont mis fin à leurs jours, le ministre de l’intérieur, Gérard Collomb, a demandé aux directeurs généraux de la police nationale, de la gendarmerie et de la sécurité intérieure « une évaluation des mesures mises en œuvre pour prévenir les suicides parmi les forces de l’ordre ». Le point sur les dispositifs existants, dans la police et la gendarmerie, pour encadrer psychologiquement les membres des forces de l’ordre.
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Police : une cellule psychologique renforcée
– Le service de soutien psychologique opérationnel (SSPO), a été créé en 1996 par Eliane Theillaumas, psychologue aujourd’hui chargée de mission auprès de l’Unité de coordination de la lutte antiterroriste (Uclat). Cette cellule, composée d’une soixantaine de psychologues qui travaillent pour le ministère de l’intérieur, a été renforcée en 2015, à la suite d’un nouveau plan de prévention lancé par Bernard Cazeneuve. « Des embauches de psychologues sont encore en cours aujourd’hui », ajoute Yves Lefebvre, secrétaire général du syndicat Unite SGP Police – FO, qui estime « que le réseau commence à tenir la route. »
– Les policiers en souffrance peuvent aussi être accueillis dans un centre spécifique, dans l’Indre-et-Loire. Créé initialement pour les CRS en 1953, le centre du Courbat, géré par l’Association nationale d’action sociale des personnels de la police nationale et du ministère de l’intérieur (ANAS), accueille chaque année plusieurs dizaines de policiers victimes de dépression, de burn-out, ou d’alcoolisme.
Lire notre reportage au château du Courbat, où les forces de l’ordre épuisées viennent se reconstruire
– En 2013, des pôles vigilance suicide ont également été institués « au sein de chaque département dans les services territoriaux de la police nationale », expliquait à l’époque le ministère de l’intérieur.
« Le dispositif est là pour soigner les gens une fois que le mal est fait, soupire Alexandre Langlois, secrétaire général du syndicat Vigi (anciennement CGT Police), on s’attaque aux conséquences, et pas aux causes : horaires, politique du chiffre, etc. » « Ce n’est pas en mettant un psychologue derrière chaque policier qu’on va régler le problème », ajoute Yves Lefebvre.
Selon M. Langlois, les membres des forces de l’ordre peuvent hésiter à demander de l’aide, par peur de leur hiérarchie. « Quand on se met en arrêt maladie, ça veut dire des pertes de salaire, un retard à l’avancement et aux mutations », ajoute-t-il.
« Un fonctionnaire dans une unité spécialisée comme la brigade anticriminalité (BAC) qui ne va pas bien, si le psychologue appelle à le désarmer, il ne pourra plus jamais retrouver son unité, donc, pour garder son poste, il ne va pas faire part de ses problèmes », s’inquiète Yves Lefebvre.
Depuis 2015, et le plan de M. Cazeneuve pour lutter contre les suicides, les psychologues du ministère de l’intérieur peuvent alerter la hiérarchie d’un policier en cas de risques suicidaires, explique Yves Lefebvre. « Seule la hiérarchie peut désarmer un fonctionnaire en détresse morale », poursuit-il.
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Gendarmerie : un réseau d’écoute
Dans la gendarmerie, un système a également été mis en place avec « des psychologues dans chaque région qui interviennent pour la prévention » des suicides, à mesure « d’un ou deux psychologues » dans chacune des vingt-deux régions, explique le sous-officier de gendarmerie Frédéric Le Louette, président de Gend XXI, une association professionnelle de gendarmes.
Au moins 175 suicides ont été dénombrés dans la gendarmerie depuis 2011, selon une étude de Gend XXI. Les souffrances au travail trouvent les mêmes causes que chez les policiers, selon Frédéric Le Louette : « mutations régulières, horaires de travail… » Si le sous-officier assure que « le maillage est bien adapté », il reconnaît qu’il « faudrait faire un plus gros effort sur la formation des chefs à l’écoute » des gendarmes en souffrance.
Source : Le Monde
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