Quand la reconnaissance faciale en France avance masquée
Enquête | La reconnaissance faciale en temps réel n’est toujours pas autorisée en France. De nombreuses expérimentations ont pourtant déjà lieu, et des sociétés se positionnent, avec dans leur viseur les Jeux olympiques de Paris en 2024, et à la clé un marché de sept milliards d’euros.
Imaginez : le 26 juillet 2024. Les Jeux olympiques de Paris débutent. Une foule compacte se presse devant les grilles d’entrée du Stade de France. À l’entrée sud, une file semble avancer plus vite que les autres. En effet, certains spectateurs ont accepté que leur visage soit scruté et analysé par des caméras afin d’accéder plus rapidement aux lieux. C’est-ce que l’on appelle la comparaison faciale.
Ce futur hypothétique se prépare en France. Plusieurs expérimentations de ce type ont déjà eu lieu ou sont programmées. Avec une question centrale, celle du consentement des personnes.
Reconnaissance faciale : des expérimentations encadrées
En 2020, en France comme en Europe, la reconnaissance faciale en temps réel sur la voie publique n’est pas autorisée. Depuis 2012, seule la reconnaissance a posteriori est permise, notamment par la police, à l’aide du fichier de traitement des antécédents judiciaires (TAJ). D’après un rapport de l’Assemblée nationale publié en 2018, plus de 18 millions de personnes, dont 8 millions avec photos, sont recensées dans le TAJ.
C’est la CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés) qui contrôle et rend un avis pour des expérimentations très encadrées. « Il y a un ensemble de règles qui s’appliquent, confirme Patrice Navarro, avocat au cabinet Hogan Lovells. Il faut qu’il y ait consentement des personnes, et que ce soit pour un motif particulièrement fort et proportionné d’intérêt public ou de sécurité publique. »
Mais plusieurs exercices qui se rapprochent de la reconnaissance faciale ont déjà été effectués.
À Nice (Alpes-Maritimes), en février 2019, lors du carnaval, un logiciel israélien a permis d’identifier de supposés fichés S. Il s’agissait en réalité de volontaires figurants parmi des centaines de personnes consentantes, qui ont fourni leur photo, qui se savaient filmés et reconnus facialement.
Une autre tentative dans la même ville a fait polémique. Il s’agissait cette fois-ci d’analyser les émotions des passagers d’un tramway, sans les identifier, afin d’anticiper les problèmes potentiels. L’essai n’a finalement pas fonctionné à cause d’un problème technique de transmission d’images.
À Cannes (Alpes-Maritimes), pendant le confinement, la mairie a voulu vérifier si la population portait bien un masque en allant au marché. Pour cela, elle a fait appel à un prestataire, la start-up Datakalab. Un dispositif également installé dans la station de RER Châtelet-Les Halles à Paris.
Pour le directeur de Datakalab, Xavier Fischer, il ne s’agissait pas d’identifier les gens, mais seulement de compter les personnes portant un masque. Mais la CNIL n’a pas vu les choses ainsi. Elle a estimé que les personnes ne pouvaient exercer leur droit d’opposition puisqu’elles ne savaient pas qu’on analysait leur visage. Résultat, à Cannes, l’opération s’est arrêtée naturellement avec le déconfinement, et à Châtelet, la CNIL a mis un terme à l’essai.
Source : France Culture
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