Procès Balkany : le best-of des bobards de Patrick et Isabelle recensés dans le jugement de la Cour d’appel
L’arrêt rendu ce mercredi 4 mars par la Cour d’appel de Paris est implacable : Patrick et Isabelle Balkany ont commis « une fraude fiscale d’une ampleur exceptionnelle, du fait des montants très importants soustraits à l’impôt et de la durée de la commission de l’infraction« . Le couple d’élus, agissant « sciemment, de façon organisée » a « mis en œuvre des moyens sophistiqués pour parvenir à ses fins, en faisant créer par des gestionnaires suisses expérimentés diverses structures off-shore qui étaient autant d’écrans pour ne pas apparaître aux yeux de l’administration fiscale et masquer l’origine – prétendument successorale – des fonds« , tranche la Cour. De sorte que l’un et l’autre, désormais inéligibles pour dix ans, écopent chacun de 3 ans de prison ferme (sans mandat de dépôt), plus un avec sursis pour le maire de Levallois-Perret.
Alors que le montant dissimulé au fisc entre 2009 et 2014 au titre de l’impôt sur le revenu frise les trois millions d’euros, la lecture des 55 pages de la décision accablante rendue par la présidente Sophie Clément, que Marianne a pu consulter, prête presque à sourire tant les justifications avancées par le duo Balkany s’éloignent des faits – parfois cocasses – établis par la justice. En voici donc un florilège.
Sur la « location » du Riad Dar Guycy au Maroc
La Cour d’appel ne cache pas son agacement quant à l’attitude de Patrick Balkany sur ce volet de l’affaire : « Malgré le nombre et le caractère probant des éléments réunis lors de l’enquête, il a persisté dans ses dénégations, notamment s’agissant de la propriété de la Villa Dar Guycy« , écrit la juge.
Les époux Balkany se sont toujours prétendus simples locataires de ce somptueux Riad de Marrakech, allant jusqu’à nier l’évidence. « Le gérant de la société Compagnie Perso a relaté avoir réalisé, à la demande de madame Boudre agissant pour le compte de Patrick Balkany, des serviettes en papier supportant l’inscription ‘Dar Guycy’« , rappelle ainsi la décision du tribunal. Par ailleurs, « de nombreuses dépenses à Marrakech sont apparues sur les relevés bancaires des époux Balkany dans des supermarchés, des restaurants, des commerces notamment pour l’ameublement et la décoration (…) » entre 2010 et 2012, alors qu' »aucune dépense d’hébergement ne figurait sur les comptes à la même période« .
Lors des perquisitions dans les propriétés françaises des Balkany, « quatre bons de commande concernant l’achat de linge de maison, libellés en dirhams et adressés à madame Balkany » ont été retrouvés, ainsi qu’une facture adressée à Patrick Balkany à l’adresse du Riad et des documents publicitaires vantant les mérites de sociétés marocaines, « spécialisées notamment dans la régulation thermique, l’électroménager et l’ameublement« . Des « investissements sans commune mesure avec celui d’un simple locataire« , martèle la Cour d’appel.
Sur les millions ayant permis l’achat de la Villa Pamplemousse
Selon la version d’Isabelle Balkany, c’est grâce à une réparation financière de dix millions de francs, versée par sa fratrie en compensation d’un héritage déséquilibré, que la Villa Pamplemousse a été acquise à Saint-Martin en 1997, via une société basée au Liechtenstein. L’adjointe au maire de Levallois a assuré à la justice que son frère et sa sœur avaient assorti ce don de dix millions d’une condition : “Ils ont expressément demandé qu’il n’y ait aucun lien fiscal avec la France, qu’ils avaient quittée depuis plus de vingt ans. » Pratique. « La dissimulation de son achat aux autorités françaises n’est, selon elle, que le fruit de la fidélité à la parole donnée à ses frère et sœur« , résume l’arrêt.
Mais les magistrats prennent Isabelle Balkany à son propre jeu, écrivant : « La cour ne peut retenir cette justification, la prévenue n’expliquant pas pourquoi sa fratrie, qui vit en Suisse et n’a plus d’avoirs en France depuis 20 ans, et n’a par conséquent rien à craindre de l’administration fiscale française, aurait exigé que la somme donnée soit cachée à celle-ci. »
Sur la sous-évaluation du le moulin de Cossy, la résidence des Balkany à Giverny
« Force est de constater que la valeur déclarée par les prévenus en 2014 et 2015 est très inférieure à celle retenue par l’administration fiscale et la commission de conciliation, qu’ils ont saisie deux fois« , écrivent les juges à propos de cette modeste propriété de 980 m² habitables construite au XIXème siècle dans le village de Claude Monet, agrémentés d’un parc de 5,5 hectares.
La valeur du moulin « est également inférieure à celle établie par les experts dont [les Balkany] ont produit les travaux devant la cour« , assure la justice. Cerise sur le gâteau, « les enquêteurs ont établi un état descriptif des meubles et bijoux découverts au Moulin de Cossy dont la valeur globale, est estimée par des commissaires-priseurs à 542.880 euros. » Conclusion du tribunal : « Cette seule propriété et les biens mobiliers qu’elle contenait rendaient nécessaire une déclaration au titre de l’ISF pendant la période de prévention. »
Sur l’absence de déclaration d’impôt commune
Pourquoi les Balkany ne remplissaient pas de déclaration d’impôt commune ? Mais parce qu’ils vivaient séparément, pardi ! C’est du moins ce qu’ont d’abord tenté de faire avaler à la cour les époux. Les enquêteurs n’ont eu aucun mal à contredire les élus des Hauts-de-Seine : les relevés de l’abonnement d’autoroute souscrit par Patrick Balkany en 2000 montrent « des trajets des trajets aller-retour quasi-quotidiens » entre Levallois et Giverny. Autre élément : les factures adressées à Patrick Balkany à partir de 2009 par l’entreprise qui nettoyait… les carreaux du pool house de la propriété de Giverny. Et ce pour plus de 40.000 euros. Pas mal, pour un contribuable qui à l’époque n’acquittait en moyenne que 2.000 euros par an d’impôt sur le revenu.
Les Balkany ont finalement changé de version au cours de l’enquête, affirmant avoir fait remplir et envoyer par une ancienne adjointe au maire et un avocat fiscaliste des « déclarations séparées par erreur, ne connaissant pas la loi, de bonne foi« . « Il n’est pas crédible que l’adjointe de mairie – ancienne receveuse des impôts – chargée de remplir les déclarations de revenus et l’avocat fiscaliste, qui aurait eu pour tâche d’adresser à l’administration les déclarations, aient été dans l’ignorance de la nécessité d’établir une déclaration commune pour les couples mariés résidant ensemble« , analyse sobrement le tribunal. Et de conclure, cinglant : « Les époux Balkany ont par conséquent sciemment adressé des déclarations de revenus séparées afin d’échapper à la progressivité de la pression fiscale. »
Sur l’argent liquide des Balkany
Devant la Cour, Patrick et Isabelle Balkany ont invoqué de vieux réflexes d’opprimés pour expliquer leur détention de fortes sommes d’argent liquide pendant leurs années fastueuses. « Isabelle Balkany a reconnu disposer d’espèces, d’abord données par son père qui estimait qu’il fallait en avoir ‘parce que nous pouvions être obligés de quitter le pays où nous étions’« , relatent les juges, dubitatifs. Décidément malchanceuse en matière d’héritage, Isabelle Balkany détenait également des « espèces depuis le décès de son père car sa mère avait pris l’habitude de lui en remettre régulièrement, pour compenser l’injustice résultant d’une répartition inégalitaire des biens compris dans la succession« . A cette générosité maternelle s’ajoutaient celle « d’amis qu’elle ne voulait pas nommer« , qui « lui avaient remis des billets de 500 euros »
Même chanson pour Patrick Balkany : ce dernier, rappelle l’arrêt, « a évoqué, s’agissant de son large usage de la monnaie fiduciaire, une habitude familiale héritée de l’après-guerre, comportement caractéristique des personnes ayant fait l’objet de spoliation durant la Seconde guerre mondiale« . Le maire de Levallois « a en outre déclaré avoir trouvé de nombreux lingots d’or achetés par son père, décédé en 1995, et placés dans un coffre-fort« , sans les déclarer. Patrick Balkany avait alors invoqué un comportement commun, consistant à cacher au fisc “ce qu’il y avait sous le matelas”.
De magot caché sous le matelas, il n’était pourtant pas question, puisque ces sommes d’argent liquide ont par exemple servies à régler des voyages. L’ancienne secrétaire particulière de Patrick Balkany à la Mairie de Levallois-Perret a en effet témoigné de la manière dont ce dernier préparait « une enveloppe contenant le montant de la facture en espèces« , tandis qu’elle contactait le responsable de l’agence de voyage Cook, qui venait remettre les billets d’avion.
Manipuler ces flots de cash n’allaient pas sans quelques inconvénients pratiques, comme en attestent des éléments de l’enquête retenus à charge contre les Balkany. « La responsable de caisse adjointe de la caisse centrale de l’Intermarché Saint Marcel a déclaré que madame Balkany venait régulièrement le vendredi après-midi pour y changer des billets de 500 euros« , rappelle la présidente Sophie Clément. Cette dernière enfonce le clou : « Les enquêteurs ont constaté que les distributeurs ne fournissaient pas de billets de 500 euros. Il fallait nécessairement se les faire remettre au guichet d’une banque. Or aucune remise de ce type n’apparaît sur les comptes des époux Balkany. »
Source : Marianne
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