Policiers. Les raisons de leur colère
Les policiers vont manifester, ce mercredi, à Paris. Dans un contexte pesant (suicides, retraites), les syndicats attendent une mobilisation exceptionnelle.
La police est dans la rue : à l’appel d’une intersyndicale inédite depuis près de 20 ans, les policiers défileront à Paris ce mercredi pour une « marche de la colère » sur fond de malaise de l’institution, de hausse des suicides et de réforme des retraites. Le cortège partira vers 12 h 30, de la place de la Bastille, pour rejoindre celle de la République. Les organisations syndicales, qui ont réussi l’union sacrée tous corps et tous grades confondus, espèrent une mobilisation exceptionnelle de 15 000 à 20 000 manifestants.
De mémoire de syndicalistes policiers, on n’avait pas vu un tel appel unitaire depuis 2001. À l’époque, la mobilisation avait été provoquée par le meurtre de deux policiers au Plessis-Trévise (Val-de-Marne) par un braqueur récidiviste. Cette fois, pas de fait divers sanglant agissant comme élément déclencheur, mais une usure opérationnelle liée au mouvement social des gilets jaunes, où la police a été accusée de violences, et un bond des suicides au sein de la police nationale. Un mal endémique dans l’institution.
Quelles sont leurs revendications ?
Cinq points sont au cœur des revendications des policiers : « l’amélioration de la qualité de vie au travail », « une véritable politique sociale pour les agents du ministère de l’Intérieur », « une réponse pénale réelle, efficace et dissuasive », « la défense des retraites » et une future loi d’orientation et de programmation « ambitieuse ».
Tous les syndicats ont conscience que la police est malade
« Il y a un ras-le-bol profond », fait valoir David Le Bars, secrétaire général du syndicat des commissaires de la police nationale (SCPN-Unsa). « Tous les syndicats ont conscience que la police est malade ». « L’administration a parfois du mal à se remettre en question. Notre initiative se veut aussi une aide aux décideurs politiques pour engager une profonde réflexion sur la police », ajoute-t-il. « On est au-delà des moyens. Une enveloppe budgétaire ou la future Loppsi (Loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, NDLR) ne régleront pas tout », complète le syndicaliste, qui met également en avant le « contexte de craintes » relatif aux réformes des retraites et de la fonction publique.
Le futur « big bang » des régimes de retraite est, en effet, l’un des principaux points de tension entre l’Exécutif et les syndicats policiers, qui craignent une remise en cause de leur avantageux système de bonifications.
Les policiers bénéficient ainsi d’une bonification spéciale dite « du cinquième » ou « quinquennale », qui leur offre une annuité (quatre trimestres) de cotisation tous les cinq ans. Elle est plafonnée à cinq annuités. Pour être éligible à cette bonification, le fonctionnaire doit avoir exercé 27 années de service.
Castaner sous pression
Les propos de Christophe Castaner, ministre de l’Intérieur, assurant, le 17 septembre, qu’il défendrait « jusqu’au bout la spécificité du statut » des forces de l’ordre, sont loin d’avoir dissipé les inquiétudes des organisations syndicales. « Nous voulons une position ferme et définitive du gouvernement », résume Yves Lefebvre, secrétaire général d’Unité-SG-FO, réélu la semaine dernière à la tête du syndicat de gardiens et de gradés. « Le métier de policier n’est pas un métier comme les autres, car son exercice est dangereux », souligne David Le Bars. « On prend le risque d’une fuite des personnels et de carrières à deux vitesses. On va s’effondrer sur nous-mêmes », s’alarme le patron du SCPN.
« Castaner n’a pas toutes les cartes en main. Il joue une partie de poker avec Matignon qui détient les cordons de la bourse et l’Élysée », observe Yves Lefebvre. « Mais tout le monde doit comprendre qu’il y aura le feu dans la maison police » si le gouvernement devait suivre les préconisations du rapport du Haut-commissaire à la Réforme des retraites, Jean-Paul Delevoye, publié en juillet. Le secrétaire général d’Unité-SGP a eu l’occasion de le rappeler au ministre lorsque celui-ci s’est déplacé jeudi au congrès du syndicat : « Si vous nous enlevez le régime spécifique, rendez-nous le droit de grève ». « Il faut que le gouvernement nous réponde vite, car nous sommes déjà dans l’après-2 octobre », avertit Yves Lefebvre.
Source : Le Télégramme
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