Police et gendarmerie : l’union fait la force
Par David Le Bars, Membre du Syndicat des commissaires de la police nationale (SCPN) —
A Paris, le 8 décembre 2018. Photo Yann Castanier. Hans Lucas
Le Syndicat des commissaires de la police nationale répond à une tribune publiée par «Libération» le 25 février sur les relations entre gendarmerie et police nationale.
Tribune. Pourquoi s’opposer quand tant de choses nous rapprochent ? Le 25 février, un général de gendarmerie à la retraite, Bertrand Cavallier, signait une tribune en désignant notamment le Syndicat des commissaires de la police nationale (SCPN) comme l’auteur d’un appel au démantèlement de la gendarmerie. Des travaux dans le cadre du livre blanc de la sécurité intérieure sont en cours, auxquels nous participons à la demande du ministre. La priorité du SCPN est de réfléchir à l’avenir de la police nationale, pour la rendre plus efficace et la moderniser. Pour rappel, elle traite à elle seule (chiffres officiels du ministère de l’Intérieur) 70% de la délinquance générale, 83% de la grande criminalité, et 87% des trafics de stupéfiants. Avec 149 000 personnels de tous corps et grades, elle est présente dans toutes les agglomérations et villes. Ce sont ainsi 10 millions d’appels 17 par an, soit 22 000 appels jours, 8 500 interventions jours et 2 800 toutes les nuits avec 470 points d’accueil ouverts 24 heures sur 24.
De ces statistiques, M. Cavallier tire un constat surprenant : la police étant présente sur un territoire moindre que la gendarmerie, mais ayant à traiter les trois-quarts de la délinquance, elle maîtriserait moins son environnement et se trouverait en «situation d’échec». Sauf à comparer des territoires majoritairement ruraux et des zones urbaines denses (Paris, Marseille, Lyon, Seine-Saint-Denis…) aux caractéristiques diamétralement opposées, cet argument est non avenu. Le reste de la tribune de M. Cavallier s’inscrit dans la même veine, et culmine lorsqu’il essaie de faire croire que les citoyens «payent deux fois» l’offre de sécurité en payant aussi une police municipale. Une police municipale est une administration dépendant du maire, et chargée d‘appliquer le bon ordre et la tranquillité. Chaque mairie est libre d’en créer une et son rôle est cadré par des conventions avec la police, ou la gendarmerie. Dès lors, il s’agit d’un partenaire, et non d’un doublon.
Pour autant, le SCPN n’a pas la prétention d’affirmer que la police nationale est un modèle parfait. Nous pensons, au contraire, qu’elle a besoin de se repenser, d’améliorer son efficience, avec une idée directrice : qu’est ce qui est bon pour le citoyen ? Dans ce même esprit, la gendarmerie ne peut s’exonérer de ce questionnement. La France compte deux forces de sécurité intérieure, dans un pays qui a profondément changé : une densification de population dans les villes et désertification dans les campagnes, une évolution croissante des phénomènes de délinquance et des menaces, une forte pression migratoire sur nos frontières, une augmentation conséquente des manifestations violentes en zones urbaines. Et les policiers et gendarmes ont des aspirations communes : l’accès à des filières spécialisées, à une diversité de territoires, la préoccupation du bien-être des conjoints et enfants, le logement et le transport, une meilleure gestion RH de leurs carrières.
Ce constat implique de cesser les raisonnements à court terme et la stratégie des petits pas dont la seule finalité n’est pas l’amélioration du service public mais la récupération d’une partie des prérogatives de la maison d’en face. C’est ainsi que la gendarmerie «revendique» depuis plusieurs années des villes, des départements, des missions spécialisées, alors que même la loi du 3 août 2009 est claire quant aux missions de chacun : «La gendarmerie nationale est destinée à assurer la sécurité publique et l’ordre public, particulièrement dans les zones rurales et périurbaines, ainsi que sur les voies de communication.»
Notre réflexion s’inscrit dans une volonté de répondre aux enjeux et nouveaux défis du XXIe siècle. Faire état des disparités, ce n’est pas nier les identités. Nous ne pensons pas qu’en 2020 les distinctions entre des hommes et des femmes servant la même mission soient légitimées par l’histoire et la tradition. S’inspirer et prendre ce qu’il y a de meilleur chez l’autre, voilà l’ambition ! Tous les sujets méritent d’être abordés : la formation des cadres, la discipline, la déontologie, la spécialisation en filière métier, les doublons organisationnels, les zones de compétences territoriales, la relation force de sécurité intérieure/population, la promotion sociale. Ce n’est pas un excès de jacobinisme qui nous guide mais la conviction forte que l’union fait la force.
Ainsi, nous n’opposons pas tradition et modernité, villes et campagnes, militaires et policiers. Nous souhaitons simplement une réflexion sur l’union des forces en tant que policiers et citoyens.
Source : Libération
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