Place Vendôme, les policiers vent debout « contre des décisions de justice incompréhensibles »

« Rien. » La réponse est définitive, accompagnée d’un sourire ironique. « Je n’attends rien de ce rassemblement, comme d’habitude », assure le fonctionnaire présent place Vendôme, devant le ministère de la justice, mercredi 14 octobre, pour protester contre la « rupture police justice ». « On est quand même là pour être solidaires, et parce qu’il y a une intersyndicale, tout le monde va dans le même sens », ajoute-t-il.

Une chose est sûre, l’objectif fixé par l’intersyndicale, qui rassemble tous les personnels, des agents administratifs aux commissaires, est atteint. La préfecture de police est probablement un peu généreuse en annonçant 7 500 personnes. La place Vendôme, dont la moitié est en travaux, n’a pas fait le plein, même s’il y avait certainement plusieurs milliers de participants. En 2001, lors du dernier mouvement d’une telle ampleur, les manifestations avaient rassemblé jusqu’à 15 000 personnes. Un maximum, sachant que les policiers ne peuvent pas faire grève et qu’ils protestent donc sur leur temps de repos ou de congé — en passant donc sous les fourches caudines de la hiérarchie.

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L’élément déclencheur de cette mobilisation a été la fusillade lors de laquelle un policier de la brigade anticriminalité (BAC) de 36 ans a été grièvement blessé, le 5 octobre, à l’Ile-Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). L’auteur des coups de feu, Wilston B., 24 ans, était un détenu en fuite qui n’avait pas réintégré la prison de Réau (Seine-et-Marne) après une permission de sortie, le 27 mai.

« Décisions incompréhensibles »

Les autorités s’inquiétaient de dérapages contre la garde des sceaux, Christiane Taubira, et avaient contesté le choix du lieu, qui pouvait laisser présager des slogans ciblant la ministre. Mardi, encore, après le discours de Bernard Cazeneuve aux grands patrons de la police et de la gendarmerie, les conseillers du premier ministre présents avaient fait le tour des responsables syndicaux pour demander de la modération. Ils ont été — presque — entendus.

De manière étonnante — après tout, les syndicats avaient quand même, effectivement, choisi la place Vendôme —, les discours ont esquivé les critiques ciblées. Seul Philippe Capon, secrétaire général de l’UNSA-Police (troisième syndicat chez les gardiens de la paix), a directement critiqué la garde des sceaux, provoquant une vague de « Taubira, démission », qui s’est vite éteinte. Même Alliance-Police nationale (premier syndicat de gardiens de la paix) ou Synergie-Officiers, classés à droite et régulièrement critiques envers Mme Taubira, ont retenu leurs coups.

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« On n’est pas là pour cibler tel ou tel politique, mais le manque de cohésion entre les ministères », explique un policier d’Ile-de-France. Les slogans sont donc restés traditionnels : « Policiers asphyxiés, société en danger », ou « Sans protection, pas d’interpellations ». De quoi refléter les revendications, protéiformes : le manque de moyens, l’abondance de missions, la procédure pénale trop complexe, etc. « Les policiers en ont marre de voir leur travail anéanti par des décisions de justice incompréhensibles », s’est indigné Yves Lefebvre, patron d’Unité-SGP-Police (deuxième syndicat de gardiens de la paix), à l’origine de la manifestation.

Face à la colère des policiers, le premier ministre, Manuel Valls, a annoncé mercredi une série de mesures censées « corriger » des « dysfonctionnements ». François Hollande a, par ailleurs, annoncé mercredi en conseil des ministres qu’il recevrait « la semaine prochaine » les syndicats de la police et de la justice. Le chef de l’Etat a souligné « le travail difficile, courageux et efficace des policiers et des gendarmes, de l’ensemble des forces de l’ordre », a également transmis le porte-parole du gouvernement, Stéphane Le Foll.

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Source : Le Monde

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