Philippe de Villiers au JDD : « La cérémonie d’ouverture des J.O. ? Tout était laid, tout était woke »

La cérémonie se voulait inclusive. Elle a seulement exclu les derniers Mohicans français qui restent attachés à une histoire de France visitée, revisitée depuis les origines par le charisme de chrétienté. Avec mon expérience du spectacle vivant, j’ai évidemment guetté le subliminal derrière les plumes roses, les jets de feu et les filets lumineux des skytracers. Par-delà les quelques passages des premières et dernières minutes entre Nadal et Céline Dion, entre valeurs de l’olympisme et évocation de la Piaf éternelle, tout était laid, tout était woke.

C’était décoiffant, déjanté, difforme, disgracieux. Nous avons acté devant le monde entier le suicide de la France, ainsi violentée, blessée, déshonorée. Le filigrane qui courait dans la trame de la pauvre Seine offensée, qui, finalement, fut seule à tirer son épingle du jeu, c’était la déconstruction : prendre le passé et le tourner en parodie pour faire ricaner les quais du Boboland. Tout l’appareillage de la dérision des symboles était là : le Veau d’or devant les deux Macron, le pastiche de la Cène avec les drag-queens qui festoient autour d’une eucharistie christique – un Jésus woke – qui profane le célèbre tableau du Dernier Repas, fondateur d’une civilisation.

À vrai dire, dès la première scène dans le Stade de France, tout est déjà dit par Jamel Debbouze, qui, avec une pointe d’ironie désinvolte, appelle
Zidane « Jésus-Christ » ! La moquerie est à l’ordre du jour. Dès cette apostrophe, on comprend que le christianisme va prendre cher. Mahomet, lui, est tranquille pour la soirée. Pas d’offense, pas d’allusion. « Respect », comme disent les jeunes. Il n’y a de blasphème et de sacrilège que sous la forme christianophobe. Et puis, il y eut cette évocation sanglante de la Terreur, quand une diva a entamé le célèbre chant des sans-culottes qui a envoyé à la guillotine les dissidents de l’époque. Devant une Conciergerie embrasée par un retour de flamme vengeur, on nous montre Marie-Antoinette qui porte sa tête décapitée, dégoulinante dans ses mains. Cette vision mélenchoniste fait partager au monde entier qu’en France, aujourd’hui, « l’Arc républicain » légitime la peine de mort quand il s’agit de « faire une Samuel Paty » à quiconque s’oppose à la marche de l’histoire. Il ne manquait que le sous-titre de Carrier : « Par principe d’humanité, j’ai voulu purger la terre de la liberté de ces monstres. »
Où était l’âme de la grandeur de la France ?

C’était une soirée où le sang coulait dans la Seine, où le vindicatif se mêlait au festif. Ahhh, le festif ! C’était l’Amour et même la promotion du Polyamour – l’amour à trois –, avec un sommet de l’esthétique supérieur au Discobole : Philippe Katerine, en tenue d’Adam, avec la peau bleue, campé en bouffon décadent, avachi sous un pont, dans une atmosphère de bacchanale.
Il y avait de la terreur jubilatoire, mais aussi de l’orgie généreuse : l’équivoque du plan à trois, des hommes en robe et talons hauts. Des fois que les enfants regardent…

Où était l’âme de la grandeur de la France ? On a vu dix statues de femmes surgir. Il ne manquait que la patronne de Paris, sainte Geneviève. Attila s’y est opposé au Conseil de Paris. Victoire posthume. Jeanne d’Arc non plus n’était pas là, retenue à Rouen par le nouvel évêque Cauchon, le professeur Patrick Boucheron, qui préfère les voix de Lady Gaga.

En revanche, il y avait bien Aya Nakamura, qui a fait chanter Djadja à cette pauvre Garde républicaine qui se contorsionnait dans une danse grotesque pour célébrer la pluie qui tombait à grosses gouttes. À la fin de toute cette scénographie sans autre relief que la provocation, on a vu comment des esprits approximatifs peuvent sacrifier au primat de la technique, avec cet automate équinoïde en acier plastique qui avançait sur deux flotteurs trop visibles : sans doute le produit scénique d’un bureau d’études à qui on a passé une commande trop rapide. Dans tout cela, l’émotion, la vraie, était absente. L’esthétique manquait. La Seine brassait les mascarets de la hideur et de l’inélégance, entre les vedettes sans décoration. On s’ennuyait. On n’était pas pris par le spectacle.

Pour ma part, je n’ai pas été surpris. Car l’équipe artistique avait annoncé la couleur dans le journal Le Monde : « Nous ne voulons surtout pas d’une reconstitution à la manière du Puy du Fou. Nous voulons faire l’inverse. Surtout pas une histoire virile, héroïsée, providentielle. On veut le désordre et que tout s’entremêle. »

Que grâce leur soit rendue, ils ont tenu leur promesse. J’avais les yeux humides. Ce n’était pas la chair de poule, mais la rage. Je regardais les trombes d’eau. Le ciel de Paris déversait des larmes de tristesse sur cette pantomime. Il pleuvait dans mon cœur comme il pleuvait sur la ville : Paris humilié, Paris maculé, Paris martyrisé, mais bientôt, on l’espère secrètement, Paris libéré.

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