Perquisition à Mediapart: Matignon était à l’origine de l’enquête du parquet
Les services du premier ministre Edouard Philippe assurent avoir fourni des éléments à la justice au nom d’un principe de « transparence ».
Perquisition à Mediapart: des informations transmises par Matignon à la justice ont déclenché l’enquête du parquet.
POLITIQUE – Quand l’affaire Benalla se déplace de l’Elysée à Matignon. L’enquête sur les conditions de l’enregistrement, diffusé par Médiapart, d’une conversation controversée entre Alexandre Benalla et Vincent Crase a été déclenchée après des informations transmises par Matignon au parquet de Paris, a appris l’AFP ce mercredi 6 février de sources concordantes, confirmant des informations du site d’investigation visé par une perquisition lundi.
Après la diffusion de ces enregistrements le 31 janvier, les services du premier ministre Edouard Philippe avaient été interrogés par des journalistes qui tentaient d' »établir un lien entre la cheffe du GSPM (Groupe de sécurité du premier ministre), son conjoint, et la rupture du contrôle judiciaire de MM. Benalla et Crase », ont expliqué les services d’Edouard Philippe.
L’ancien chargé de mission à l’Élysée et l’ex-employé de La République En Marche n’avaient en effet plus le droit de se rencontrer après leur mise en examen le 22 juillet pour les violences du 1er mai. Des questions posées par un journaliste de Valeurs actuelles laissaient penser que cette conversation du 26 juillet aurait pu être captée au domicile de la cheffe du GSPM, un service sensible.
Des « vérifications » transmises à la justice hors de toute enquête
Matignon affirme avoir alors « procédé à de premières vérifications », qui ne semblaient pas confirmer cette hypothèse, mais avoir « bien évidemment transmis l’ensemble de ces informations au Procureur de Paris ».
« Qui comprendrait que Matignon réserve à la presse des informations que la Justice pourrait estimer utiles? », s’est ainsi justifié le cabinet d’Edouard Philippe, invoquant un impératif de « transparence » alors même que la justice n’avait encore ouvert aucune enquête sur ce volet de l’affaire.
Selon une source proche du dossier, c’est même sur cette base que le parquet a ouvert ce week-end une enquête pour « détention illicite d’appareils ou de dispositifs techniques de nature à permettre la réalisation d’interception de télécommunications ou de conversations » et « atteinte à l’intimité de la vie privée ».
Dans ce cadre, deux magistrats du parquet et trois policiers ont tenté lundi de perquisitionner les locaux de Mediapart, pour se faire remettre les enregistrements, une initiative vivement dénoncée par les médias et l’opposition comme une atteinte au secret des sources des journalistes.
Selon les vérifications de Matignon, « la chef du GSPM dément être impliquée d’une quelconque façon dans la rupture du contrôle judiciaire de MM. Benalla et Crase ». « Elle affirme connaître M. Benalla, mais ne jamais avoir rencontré M. Crase et qu’à sa connaissance celui-ci n’est jamais venu à son domicile », a rapporté Matignon. « Elle dément également que son compagnon ait pu organiser cette rencontre chez elle en son absence », ont ajouté les services du Premier ministre.
La responsable du groupe de sécurité du Premier Ministre a été entendue mardi dans le cadre de l’enquête sur les conditions d’enregistrement d’une conversation entre Alexandre Benalla et Vincent Crase, diffusée par Médiapart, a appris l’AFP mercredi d’une source proche du dossier.
Matignon éclaboussé à son tour
Le lieu et les conditions de la rencontre clandestine entre M. Benalla et M. Crase restent donc à déterminer. Par ailleurs, « Matignon a vérifié qu’aucune écoute administrative (par des services de renseignement, ndlr) n’avait été autorisée » concernant les protagonistes de cet épisode. Mais le rôle joué par le pouvoir exécutif dans ce volet de l’affaire Benalla ne s’éclaircit pas d’avantage.
Dès lundi, Mediapart accusait avec des mots à peine couverts le procureur de Paris, nommé par Emmanuel Macron à son poste, d’avoir tenté d’intimider ses journalistes et ses sources en ordonnant une perquisition.
Jusqu’ici épargnée par les remous provoqués par l’affaire Benalla à l’Elysée, l’équipe du premier ministre se retrouve désormais éclaboussée par le scandale. Car techniquement, rien n’obligeait Matignon à transmettre des informations à la justice en l’absence d’une enquête ouverte. Comme le relève un poids lourd de la majorité cité par Le Monde: « A quel titre ces informations ont été transmises ? La logique ça serait l’article 40, car Matignon n’a pas à communiquer avec les procureurs normalement. Cela me paraît étrange. »
L’entourage du premier ministre se défend néanmoins de toute ingérence. « Il ne s’agit en aucun cas d’un signalement ou d’un article 40 [du code pénal, qui impose aux agents publics le signalement des crimes ou délits dont ils ont connaissance]. Il s’agit simplement de partager en toute transparence avec la justice des éléments de réponse transmis à la presse et qui sont susceptibles de concerner une affaire judiciaire en cours », jurent les services du premier ministre.
Source : huffingtonpost.fr
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