Pandémie et justice administrative : la base se rebiffe
Nous avons vu que jusqu’à présent le Conseil d’État avait rejeté les différentes requêtes en référé libertés qui lui ont été soumises. Chacune d’entre elles sollicitait que la haute juridiction enjoigne au gouvernement de prendre un certain nombre de mesures destinées à combattre l’épidémie de Covid19.
Nous avons publié dans ces colonnes l’une d’entre elle en invitant les citoyens intéressés à la reproduire et à en saisir le Conseil d’État. Elles devraient être examinées dans les prochains jours. Chose inhabituelle, le Conseil a désigné un « rapporteur » probablement dans le but de s’informer auprès du gouvernement de l’exactitude et de la réalité des décisions prises par celui-ci.
Le tribunal administratif de Guadeloupe vient de rendre une ordonnance en matière de référé liberté, où il a pris la position inverse de celle adoptée jusqu’à présent par le Conseil d’État. En effet le tribunal a donné injonctions au CHU et à l’ARS de la Guadeloupe : « de passer commande des doses nécessaires au traitement de l’épidémie de Covid19 par l’hydroxychloroquine et l’Azithromicine comme défini par l’IHU Méditerranée infection et de tests de dépistage du Covid19, le tout en nombre suffisant pour couvrir les besoins présents et à venir de la population de l’archipel guadeloupéen et dans le cadre défini par le décret n°2020-314 du 25 mars 2020. »
La procédure a été intentée par le syndicat Union Général des Travailleurs de Guadeloupe (UGTG) compte tenu des conditions particulièrement dramatiques que connaît ce département d’outre-mer.
Nous publierons demain un commentaire complet de cette décision jurisprudentielle mais on peut faire d’ores et déjà deux observations :
• le tribunal administratif se place dans le contexte juridique instauré par le gouvernement (dont l’appréciation relève du conseil d’État) mais en utilisant la notion de « principe de précaution » il enjoint les autorités locales de santé de prendre les mesures afin de préserver autant que faire se peut la santé des habitants du département. C’est-à-dire que constatant l’abstention de ces autorités sanitaires à prendre des mesures nécessitées par la situation, il leur a ordonné de le faire. La décision étant immédiatement exécutoire.
• Quant à l’application du « principe de précaution » à l’espèce, le tribunal a procédé à une utilisation « positive » de celui-ci. De façon très schématique, principe de précaution s’applique plutôt à des situations où il convient de s’abstenir de prendre des mesures qui seraient de nature à présenter des risques par la suite. Concernant en particulier le traitement préconisé par le professeur Raoult, la juridiction a procédé à une évaluation des risques. En effet concernant les effets de ce médicament, trois conséquences sont possibles. Tout d’abord soit le médicament est efficace et auquel cas le bénéfice est évident. Soit il n’est pas efficace et auquel cas vu son très faible coût cela n’aurait pas d’importance. Soit il peut mettre en danger les patients, auquel cas il appartient au corps médical qui connaît parfaitement et depuis longtemps les contre-indications de ces médicaments de ne pas l’utiliser. Puisqu’il paraît que nous sommes « en guerre » on se permettra une comparaison militaire rapide. Les légions romaines en campagne construisaient tous les soirs un fort chargé de protéger leur bivouac contre les attaques nocturnes.
Ces enceintes fortifiées n’ont servi qu’une fois sur mille…Mais la sécurité était à ce prix.
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