Nouvelles du front otanien en Roumanie
Par le Général Dominique Delawarde
Bonjour à tous,
Des nouvelles peu réjouissantes pour le camp otanien viennent de nous parvenir de Roumanie sous la forme d’un article de presse daté du 3 novembre 2022 et publié dans Médiapart sous la signature de Justine Brabant:
Son titre : « Les soldats français déployés en Roumanie ont « froid » et « faim ». »
Si l’on en croit l’auteure de l’article et les militaires qui s’y expriment, la drôle de guerre des forces françaises déployées en lisière de l’Ukraine depuis 8 mois, sous la bannière de l’OTAN, a bien mal commencée.
Si l’on veut bien considérer que l’Armée française a la réputation d’être la moins mauvaise de toute la composante UE de l’OTAN, la lecture de ce texte et des propos tenus par les militaires eux mêmes laisse mal augurer d’un éventuel engagement de haute intensité contre une Armée Russe qui vient de parfaire son entraînement pendant 8 mois face à un plastron ukro-atlantiste peu complaisant et surarmé.
Pour ceux, militaires de haut rang et journalistes « experts », qui critiquaient avec vigueur la logistique russe sur les plateaux de télévision lors de tel ou tel engagement de haute intensité, il serait temps de se pencher sur l’efficacité de la logistique otanienne alors même que des forces présentes depuis huit mois à proximité du théâtre d’opération ne sont toujours pas engagées. Inutile de rappeler, j’espère, le dicton de la paille et de la poutre à ces experts autoproclamés..
Bref, on ne tire pas sur une ambulance mais les 5 lignes de conclusions de ce texte de trois pages, lignes attribuées à un militaire sur place, devrait interpeller le Président français, chef des armées. Peut être serait-il temps, pour lui, de prendre conscience des tristes réalités, de baisser d’un ton dans ses envolées russophobes et de faire preuve d’humilité.
La France toute entière ne pourrait que s’en porter mieux, et se chauffer mieux cet hiver.
Quant à l’Union Européenne et à sa Commission, lorsqu’on constate leur bilan désastreux dans la guerre à la Covid, lorsqu’on réalise le niveau de leurs préoccupations actuelles et des études fumeuses qui sont conduites, on ne peut que s’interroger sur leur aptitude à mener avec succès une guerre de haute intensité.
https://www.youtube.com/watch?v=v14Lld7xpz0
Mais à chacun de se forger son opinion, bien sûr.
Les soldats français déployés en Roumanie ont « froid » et « faim ».
Justine Brabant 3 novembre 2022 à 18h02
Le ministre des armées Sébastien Lecornu a rendu visite, jeudi 3 novembre, aux troupes françaises déployées en Roumanie dans le cadre de l’opération Aigle. Derrière les belles images, des soldats déplorent une logistique défaillante et des conditions de vie indignes.
Une visite éclair et millimétrée.
Le ministre français des armées, Sébastien Lecornu, s’est rendu, jeudi 3 novembre au matin, dans le camp militaire de Cincu, en Roumanie, où des soldats français sont déployés depuis février dans le cadre de l’Otan. Arrivée saluée par les honneurs militaires, visite ponctuée par l’inauguration de quelques infrastructures et soldats priés de ne pas se montrer, à l’exception d’une poignée triée sur le volet : rien n’est venu écorner la belle image du ministre au plus près du terrain.
Le quotidien des plus de 700 soldat·es français·es qui vivent dans le camp de Cincu est en réalité bien moins glorieux que les discours officiels – qui répètent à l’envi l’engagement sans faille de la France – ne le laissent penser.
Nourriture insuffisante, locaux en partie insalubres, chauffage aléatoire… Les conditions de vie y sont jugées indignes par nombre de militaires pourtant habitué·es aux opérations extérieures (« opex»). Ils et elles craignent que l’hiver qui vient n’empire encore les choses.
L’état-major français des armées assure de son côté que les conditions de vie de ses militaires sont une « préoccupation permanente » et met en avant les améliorations intervenues depuis le déploiement français. Il renvoie, implicitement, la responsabilité des dysfonctionnements aux militaires roumains qui mettent le camp de Cincu à disposition des Français·es. « La projection inopinée d’une force importante induit le plus souvent des conditions de soutien rustiques dans sa phase initiale de déploiement, a-t-il ainsi répondu à nos questions. Elle nécessite généralement de s’appuyer sur les capacités existantes de la nation-hôte avant de gagner progressivement en autonomie dans l’optique d’un détachement qui s’inscrit dans la durée, assorti d’infrastructures adaptées. »
Omelette et pain de la veille.
La mission Aigle a été lancée le 28 février, quatre jours après l’invasion russe de l’Ukraine, avec pour rôle de « renforcer la posture défensive et dissuasive de l’Otan » et de « consolider la protection du flanc est de l’Europe». L’état-major français assure le commandement de l’opération, qui s’appuie également sur la présence de militaires belges et néerlandais.
Cela fait donc huit mois que la France a investi ce camp d’instruction appartenant à l’armée roumaine. Les conditions de vie y sont pourtant toujours précaires.
Premier sujet de préoccupation : la nourriture. Les repas, fournis par les alliés roumains, sont réduits à la portion congrue : soupe et tomate pour un dîner, omelette et morceau de pain de la veille pour un autre… Ils ne comportent parfois ni entrée ni dessert, alors que les soldats sont affamés par l’exercice physique et le froid. « J’ai faim », se plaignent deux militaires dans des messages échangés avec des proches et des collègues que nous avons pu consulter.
Les familles sont contraintes de compléter avec des colis envoyés à leurs frais. Les soldats et soldates festoient à l’arrivée de quelques saucissons et paquets de chips.
Depuis quelques jours, les repas sont composés de «rations de combat » collectives (repas préparés destinés en principe aux situations d’urgence). « En temps normal, c’est vu comme une sorte de punition, là on est tous heureux », confie un militaire.
Plusieurs auraient tenté de demander à leur hiérarchie d’obtenir des repas plus substantiels, sans succès. Interrogé, l’état-major des armées ne nie pas le problème mais assure que « les repas gagnent en amélioration qualitativement et quantitativement avec notamment l’ajout de compléments alimentaires, davantage de laitages et de fruits ».
La cuisine du réfectoire français est dans un état d’hygiène peu engageant et une partie de l’eau et des vivres est stockée dehors par manque de place – des emballages, cartons et palettes jonchent le sol à côté du réfectoire –, peut-on constater sur d’autres photos. Les coupures d’électricité obligent parfois les militaires à manger à la lumière de leur téléphone portable.
Interrogé, l’état-major français admet « quelques coupures d’eau » mais qui ont « été rapidement prises en compte », et « quelques dysfonctionnements de la fourniture d’électricité mais assure qu’il « est déjà prévu de rénover le système électrique ».
Les conditions de logement ressemblent davantage à un bivouac de quelques jours ou semaines qu’à une mission qui sera sans doute amenée à rester plusieurs années sur place (sans doute « quatre à cinq ans », selon un haut gradé français interrogé en juin par Le Figaro).
Environ 450 militaires français, majoritairement les cadres et les derniers arrivants, sont logés dans des préfabriqués. Ils étaient utilisés jusqu’il y a peu au Sahel par l’opération Barkhane. Des militaires déployés à Cincu assurent qu’ils n’ont pas été lavés ni désinfectés avant d’être envoyés en Roumanie (ce que conteste l’état-major), et qu’ils ne disposent pas du matériel nécessaire pour les récurer convenablement. Des traces de boue, de moisissure et des poils et cheveux restés dans les bacs de douche, visibles sur des photos, semblent le confirmer. Certains ne sont plus complètement étanches et prennent l’eau lors des fortes pluies. Faute de lits de camp (dits « lits picot ») à installer à l’intérieur, il a fallu commander d’urgence plus de 200 lits auprès d’une entreprise civile.
Les autres militaires français·es, soit 250 personnes, sont logés dans des tentes collectives. «Chaque tente est équipée en électricité et en chauffage avec un groupe à air chaud alimenté en fuel», assure l’état-major.
Des témoignages de résidents de Cincu assurent au contraire qu’elles ne sont pas toujours correctement chauffées, en raison d’un ravitaillement en fuel parfois aléatoire. Un problème lorsqu’on sait qu’il fait en moyenne − 2 °C à Cincu au mois de novembre – et les températures peuvent descendre jusqu’à − 19 °C.
Boue, souris et chiens errants
Environ 250 militaires se partagent cinq WC, des toilettes chimiques de location, où il n’est pas rare que le papier toilette manque ; sur les seize douches de campagne destinées aux militaires logeant sous tente, seules six fonctionnent correctement ; et l’ensemble des plus de 700 militaires français doit se partager une machine à laver, assurent encore des militaires logés à Cincu et des proches avec lesquels ils échangent régulièrement. Le tout dans un camp transformé en «bourbier », où l’on croise des souris, des punaises de lit et des chiens errants attirés par les ordures qui débordent.
Interrogé sur ces problèmes d’hygiène, l’état-major estime que le nombre de douches et de lave-linge est suffisant, et assure que le reste sera bientôt réglé : les Français disposeront « prochainement de [leur] propre déchetterie et de sa chaîne d’évacuation des déchets » (les ordures étaient jusqu’à présent gérées par les alliés roumains), et « de nouvelles commandes de toilettes ont été faites, dont une grande partie a été livrée fin octobre».
« J’ai faim, j’ai froid, j’ai sommeil », résumait, le 27 octobre, un militaire de la mission Aigle à l’un de ses proches dans un message WhatsApp que nous avons pu consulter. Beaucoup craignent l’hiver qui arrive. En décembre et janvier, les températures peuvent descendre jusqu’à −30°C à Cincu. Les travaux qui doivent améliorer les conditions de logement sur le camp (qui devrait accueillir mille hommes et femmes d’ici à la fin de l’année) sont d’ores et déjà rendus compliqués par les conditions météorologiques, assure un soldat français.
Par ailleurs, la douzaine de chars Leclerc envoyés par la France en Roumanie afin de renforcer la « posture dissuasive » de l’Otan, dont le départ le 18 octobre a été dûment annoncé, filmé et photographié, n’est toujours pas arrivée – sans que les causes de ce retard ne soient claires pour le moment. Ils pourraient n’arriver à destination que début décembre, selon nos informations.
« Jamais vu un bordel pareil »
Les militaires sont certes habitués – et entraînés – à évoluer dans des environnements rudimentaires. Mais ces conditions sont en principe réservées au champ de bataille et aux situations d’urgence, et non à la vie sur une base arrière dans un pays européen où l’armée française a eu huit mois pour s’installer, rappellent les militaires de Cincu et leurs proches. « Ces questions ne se poseraient évidemment pas sous le feu de l’action sur un terrain de conflit », mais « la Roumanie est une base arrière non belligérante. Comment expliquer l’impréparation et les manquements logistiques dans ce cas ? », s’interrogent un militaire à la retraite et le parent d’un soldat déployé en Roumanie.
Parmi ceux qui ont fait part à leurs proches de leur colère figurent un militaire ayant effectué 15 opérations extérieures qui dit n’avoir « jamais vu un bordel pareil », un sous-officier aux sept opex qui estime avoir été « bien mieux loti au Mali » et un officier « dégoûté au point de ne plus vouloir partir en mission ».
Un Français présent à Cincu résume crûment : « Je ne suis pas dans un pays en guerre, je ne suis même pas en opex, je suis en mission de dissuasion opérationnelle. Notre armée est vulgairement censée faire “peur”. Là, on n’effraie personne, on fait juste pitié. L’armée française n’a rien de glorieux quand on la voit à Cincu, les pieds dans la boue, le ventre vide, des cernes jusqu’au menton, en train d’essayer d’effrayer la Russie avec des moyens défectueux, des camions embourbés dans la merde et des chars qui ont du mal à passer les cols des Carpates. »
Justine Brabant
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