Nouvelles du 26 mars 2025 (Sélection du Général Dominique Delawarde commentée)

Bonjour à tous,

Vous trouverez ci-dessous une sélection de nouvelles commentées du 26 mars 2025 et un texte signé François Régis Legrier et Philippe Kalfayan sous le titre: « La Russie représente-t-elle  une menace ?« 

 François-Régis Legrier est colonel à la retraite et professeur de géopolitique. Philippe Kalfayan est juriste internationaliste, conseil en stratégie et spécialiste de l’espace post-soviétique.

Pour mémoire,  François-Régis Legrier est le colonel courageux, qui avait publié un article en  février  2019 à l’issue d’un séjour opérationnel au levant (Irak, Syrie) où il dirigeait la Task Force Wagram  : La bataille d’Hajin : victoire tactique, défaite stratégique ?

https://reseauinternational.net/la-bataille-dhajin-victoire-tactique-defaite-strategique/

Sa franchise lui avait valu quelques déboires  avec sa hiérarchie qui supportait mal  la critique.

https://www.lemonde.fr/international/article/2019/02/15/un-colonel-francais-risque-des-sanctions-pour-avoir-critique-la-strategie-de-la-coalition-en-syrie_5424183_3210.html?utm_term=Autofeed&utm_medium=Social&utm_source=Facebook#Echobox=1550266148

A chacun son menu et à chacun de se forger une opinion, bien sûr.

Dominique Delawarde

I – Économie.

11 – La vidéo économique hebdomadaire de Marc Touati : «Fonds Défense : Opportunité ou piège ?»

12 – La dernière vidéo économique et géopolitique de Philippe Béchade, rédacteur en chef de «La Chronique Agora» et de «La Lettre des Affranchis » : «Fortes hausses de salaires en Europe ?». (7 mn)

13 – « Effondrement. L’Accélération ». par Charles SANNAT

II – Géopolitique générale.

21 – Union européenne : Le général italien Marco Bertolini (Italie), président de l’Association nationale des parachutistes italiens, ancien chef du commandement interarmées des forces italiennes s’exprime sur l’UE:

https://www.linkedin.com/posts/marie-claire-bero-08069b9a_le-g%C3%A9n%C3%A9ral-de-corps-darm%C3%A9e-marco-bertolini-activity-7308167825934667776-9dza/?originalSubdomain=fr

Il dit entre autres choses :

« L’UE de Ventotene, de Spinelli et de la paix n’existe plus, si elle existait. Elle est morte avec le soutien belliqueux donné à l’Ukraine et avec la guerre contre la Fédération de Russie. Elle est maintenant entre les mains de misérables aventuriers qui, pour leur propre profit et vil argent, se réunissent sous le commandement d’une nation, le Royaume-Uni, qui a renié l’Europe unie en sortant par un référendum et maintenant, se mettant à la tête des pays européens restants, veut nous entraîner tous à la guerre pour réaliser son objectif historique, celui de détruire la Russie afin de la démembrer en tant de petits états vassaux et d’en piller les immenses ressources selon leur esprit colonialiste classique. »
 Le moins qu’on puisse dire est que le projet maléfique soutenu par les dirigeants politiques néocons européens ne fait pas l’unanimité dans le monde militaire de plusieurs grands pays (Etats Unis, Allemagne, Italie, France, Royaume Uni entre autres. Les conditions pour initier une guerre et la gagner ne sont donc pas remplies.

22 « Jeffrey Sachs : Négociations de paix & fin de l’OTAN » (traduction française en simultané)

Très intéressante interview de Jeffrey Sachs, le plus grand géopoliticien US du moment. Il donne son point de vue sur les négociations en cours et va jusqu’à comparer le Président français à un enfant de douze ans.

23 – L’une des personnalités majeures de l’administration Trump est incontestablement Steve Witkoff , l’envoyé spécial en charge de négocier la paix tant en Ukraine qu’à Gaza. Il est important de connaître ce personnage et son action pour savoir ce qui pourrait advenir dans les prochains mois.

Rien de tel qu’un face à face de 90 minutes avec Tucker Carlson pour découvrir Witkoff.

Pour ceux qui ne maîtrisent pas la langue de Shakespeare, la transcription écrite en français de l’interview mérite le détour :

https://legrandcontinent.eu/fr/2025/03/24/lemissaire-de-trump-steve-witkoff-se-confie-a-tucker-carlson-transcription-integrale/

24 – En 30 mn, un excellent éclairage de l’actualité émanant de la Chambre de Commerce et d’Industrie France-Russie.

25 – Troubles en Turquie : L’incarcération du principal opposant au président Erdogan, pour corruption présumée, dimanche 23 mars, entraîne une vague de contestation en Turquie. L’UE et sa meute médiatique qui trouvent normale la mise en examen de Calin Georgescu en Roumanie alors qu’il était grand favori de l’élection présidentielle, et sous deux prétextes bidons d’ingérence russe présumée et de comptes de campagne non déclarés, se mobilisent cette fois en faveur de l’opposant à Erdogan sans même chercher à savoir si l’intéressé est réellement coupable de corruption.

Notons au passage qu’au niveau d’un maire d’Istanbul , il y a de très fortes chances que des faits de corruption puissent être mis au jour au sein d’une équipe municipale …

La question qui se pose est de savoir s’il y a ou non ingérence étrangère dans les manifestations organisées contre Erdogan pour les amplifier. Celles ci ressemblent furieusement aux manifestations organisées et soutenues par l’étranger lors des fameux « changements de régime » dont l’occident anglosaxon ( et sioniste) a le secret : Erdogan ayant pris fait et cause pour la Palestine et étant devenu un acteur majeur en Syrie, aux frontières d’Israël, dérange évidemment l’Occident otanien et les projets israéliens dans la région.

Erdogan n’est certes pas un enfant de chœur, mais il se souvient du putsch manqué du 15 juillet 2016 fomenté par Fethullah Gülen à partir des USA. Aujourd’hui, il n’y va pas par quatre chemins lorsqu’il désigne ceux qui, selon lui, s’activent en coulisse contre lui :

La question qui se pose est de savoir à QUI profiterait un changement de régime en Turquie.

L’unanimité sur cette affaire du chœur médiatique occidental dont on sait qui le contrôle me paraît éminemment suspecte.

III – OTAN-Kiev vs Russie + :

31 – Rapport militaire du 24 mars 2025 soir en français (14 mn): «Offensive ukrainienne dans la région de Belgorod »

32 – Rapport militaire du 24 mars 2025 en français «Les frappes sur l’énergie ne s’arrêtent pas-Crise Dans Direction De Belgorod»

33 – Dernier rapport militaire du 25 mars 2025 10h30 en anglais: «Eroding Trust in Trump – Riyadh Talks Ended – Zero Ceasefire in Sight»:

IV – Proche et Moyen Orient.

40 – Dans un enregistrement filmé en caméra cachée, l’ambassadeur d’Israël en Autriche suggère d’exécuter les enfants de Gaza.

https://substack.com/home/post/p-159683544

Pour l’original de la vidéo en anglais :

https://twitter.com/ronnie_barkan/status/1903358038192333260?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E1903427981478875387%7Ctwgr%5E74a9c9434464bb75321cef4d8b93dd745a333eac%7Ctwcon%5Es2_&ref_url=https%3A%2F%2Fqudsnen.co%2Fisraeli-envoy-to-austria-suggests-executing-gaza-children-in-secret-recording%2F

Un petit commentaire de nos sayanim préférés sur cette suggestion serait grandement apprécié.

41SYRIE 2025 : L’activisme d’Israël en Syrie se poursuit sans faiblir. Voici, en quelques lignes, les commentaires de l’agence chinoise en français « french.xinhuanet.com » sur le dernier bombardement israélien en Syrie.

https://french.xinhuanet.com/20250325/16a34390da694ec1acbdbcd333433a25/c.html

42 – Yémen : Depuis le 15 mars, les forces US frappent quotidiennement le Yémen :

https://tass.com/world/1933319

et le Yémen riposte sur les navires de la flotte US présents en Mer Rouge

https://tass.com/world/1933367

et sur Israël :

https://tass.com/world/1933369

43 – A ceux qui souhaitent en savoir plus sur la Palestine occupée : deux liens utiles.

https://www.france-palestine.org/-En-direct-de-Palestine-

et

https://substack.com/@ssofidelis

44 Palestine occupée.

Bilan des pertes: Depuis le 7 octobre 2023, le bilan des pertes palestiniennes directes, liées aux opérations des forces israéliennes, largement soutenues par l’occident otanien, s’est encore alourdi avec la rupture du cessez le feu, toujours dans l’indifférence passive et coupable des gouvernances occidentales et d’une trop grande partie de l’opinion publique, anesthésiée par les médias grand public US-UE, contrôlés par les lobbies pro-Israël, qui tentent de faire diversion en oubliant de s’étendre sur des réalités criminelles en Palestine et en insistant sur d’autres événements d’actualité que l’on monte en épingle.

Voici le dernier bilan des pertes palestiniennes connues au 25 mars 2025

Pour Gaza : 50 144 tués dont + de 18 000 enfants, + de 113 704 blessés, dont + de 27 000 enfants

plus de 14 222 disparus

Cisjordanie : 1 004 tués dont plus de 200 enfants, plus de 7 600 blessés

Total Palestine: 51 148 tués dont plus de 18 200 enfants, plus de 121 304 blessés

https://tass.com/world/1933657

Si l’on rajoute les pertes indirectes (Famines, épidémies, défauts de soin, en appliquant le facteur 4 du Lancet), le montant total des pertes palestiniennes serait aujourd’hui de 255 750 morts.

Une nouvelle étude publiée dans le Lancet, prestigieuse revue médicale britannique, estimeque le nombre de décès direct publié par le ministère de la santé palestinien au cours des neufs premiers mois de guerre était sous estimé de 41%.

Ce nombre pour la zone de Gaza serait donc aujourd’hui de plus de 64 000 décès direct, et non 50 144 . Il ne compterait ni les disparus encore sous les décombres, ni les pertes indirectes (défaut de soin, malnutrition, épidémies). Ceci veut dire que le chiffre de 255 750 décès incluant les pertes indirectes est probablement lui aussi largement sous estimé.

Lien vers la version originale de l’étude Lancet:

https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(24)02678-3/fulltext

«Les femmes et les enfants représentaient « près de 70% » des morts dans la bande de Gaza sur la période novembre 2023 à avril 2024, affirme l’ONU après une minutieuse vérification d’un décompte partiel des victimes de la guerre menée par Israël contre le Hamas.

https://peacekeeping.un.org/fr/pres-de-70-des-victimes-de-la-guerre-gaza-sont-des-femmes-et-des-enfants-onu

S’agissant de l’extermination des civils: femmes, enfants, vieillards, les forces armées israéliennes se comportent comme une armée de voyous meurtriers de la pire espèce. On est très très loin de la manière de faire la guerre des forces armées russes en Ukraine: beaucoup plus professionnelles, épargnant les populations civiles autant que faire se peut. Le simple examen comparatif des bilans humains des pertes civiles est effarant. Un petit commentaire de nos sayanim favoris serait le bienvenu.

https://www.unicef.fr/article/gaza-au-moins-74-enfants-tues-au-cours-de-la-premiere-semaine-de-2025

Tsahal a toujours été et reste l’armée la plus immorale du monde. (1 057 docteurs et personnels médicaux ont été tués à Gaza depuis le 7 octobre 2023). L’énormité de ce chiffre montre qu’ils étaient volontairement visés pour accroître les pertes indirectes.

https://tass.com/world/1886815

Selon Al Jazeera , 222 journalistes ont été tués en Palestine depuis le 7 Octobre 2023. Cette guerre est, de loin, la plus meurtrière de notre siècle pour les journalistes qui sont abattus délibérément.

V – France : La simple lecture du triste bilan ci après se passe de commentaire :

VI – Humour :

1mn 49’’ pour sourire dans une actualité morose : « Un manuel de survie dans nos boites aux lettres ? 🤦🏻‍♀️😅 Manquait plus que ça !» par Karine Dubernet

Cela étant dit, ne soyons pas trop sévère contre le Président français qui aura réussi l’exploit (chapeau l’artiste!) d’enfumer les français pendant deux mandats présidentiels, avec l’aide inconditionnelle des médias subventionnés et des lobbies influents qui les contrôlent. On en revient toujours à l’éternelle question: mais QUI contrôle aujourd’hui la meute médiatique, et donc le pouvoir politique en France ?

A chacun de répondre à cette question et de se forger son opinion sur tous ces sujets, bien sûr.

Général Dominique Delawarde

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« La Russie représente-t-elle  une menace ?« 

Pendant que les États-Unis, la Russie et l’Ukraine discutent d’une solution de paix qui sera forcément défavorable à Volodymyr Zelensky, les alliés européens de Kiev cherchent à se positionner. Il semble néanmoins que le rapport de force soit du côté de Vladimir Poutine qui s’est toujours inscrit dans une stratégie du temps long. Alors que l’Europe, par la voix d’Emmanuel Macron, se dit prête à endosser un rôle plus offensif dans cette guerre, en a-t-elle seulement les moyens ? Les citoyens des pays concernés en ont-ils la volonté ? En proie à une situation budgétaire plus que préoccupante et à une fracturation de l’opinion publique, l’Europe n’a en réalité qu’une très faible marge de manœuvre.

La Russie représente-t-elle une menace ?

François-Régis Legrier, Philippe Kalfayan 23/03/2025

CONTRIBUTION / ANALYSE. Une « menace existentielle » : c’est en ces termes que dans son allocution du 6 mars 2025, Emmanuel Macron a qualifié la Russie de Vladimir Poutine. Mais la pensée stratégique demande de s’extraire des formules-chocs et de prendre de la hauteur. Alors, la Russie poutinienne constitue-t-elle une menace pour la France ? Analyse et réponses.

François-Régis Legrier est colonel à la retraite et professeur de géopolitique. Philippe Kalfayan est juriste internationaliste, conseil en stratégie et spécialiste de l’espace post-soviétique.

Tel le loup des contines d’antan, la menace russe est brandie de façon quasi quotidienne depuis des mois. Selon certains, elle serait même devenue « existentielle » pour l’Europe. Par-delà les déclamations et les effets de manche des personnalités politiques et des « experts » qui se relaient sur les chaînes d’information en continu, essayons d’y voir clair et d’apprécier à sa juste mesure la réalité de cette menace.

On ne peut pas répondre à cette question sans mettre de côté le narratif occidental qui se résume à : « la Russie est l’agresseur et l’Ukraine le pays agressé » et sans avoir une vision claire des enjeux de ce conflit qui dépasse largement l’Ukraine. L’Occident a la mémoire courte lorsqu’il évoque « l’emploi désinhibé de la force » par la Russie, lui qui n’a cessé de conduire des opérations militaires depuis la fin de la guerre froide. Tellement convaincu de son bon droit et que l’emploi de la force relève de sa seule compétence, il est en quelque sorte désarçonné intellectuellement qu’un pays hors de son contrôle puisse se sentir menacé et utiliser la force sans lui demander son autorisation.

Est-ce que cela signifie accorder un nihil obstat à la Russie et céder à toutes ses exigences ? Certainement pas, mais cela signifie au moins les étudier et les prendre en compte sans les balayer avec mépris. La diplomatie ne se limite pas à discuter avec ses amis mais elle consiste aussi à maintenir le contact avec ses compétiteurs, voire ses adversaires pour faire en sorte que la guerre soit l’ultime recours.

Il est plus que temps de faire notre examen de conscience, de comprendre ce qui se passe dans la tête de l’autre et de bloquer la montée aux extrêmes sous peine de s’acheminer vers une extension généralisée du conflit à moyen terme.

Nous exposons dans une première partie les raisons d’être sceptiques sur la réalité d’une menace russe « existentielle » pour dans un deuxième temps, donner des éléments d’appréciation sur la réalité de cette menace.

Trois éléments de contexte qui autorisent un certain scepticisme sur la réalité d’une menace russe «existentielle». La manipulation des foules n’est pas l’apanage des régimes autoritaires

Nous sommes à l’ère des manipulations à grande échelle des opinions publiques et dans ce domaine, les Américains et les Européens ont acquis une expertise indéniable. On sait depuis Gustave Le Bon que la psychologie des foules repose sur des sentiments primaires tels que la haine et la peur. Un bon meneur de foule est celui qui est capable de générer et d’exciter ces sentiments obtenant ainsi ce qu’il veut de son opinion publique.

Les opérations de désinformation conduites lors des guerres menées par les États-Unis et leurs alliés, que ce soit au Kosovo en 1999, en Irak en 2003 ou encore en Libye en 2011 en sont des exemples éclatants : diabolisation à outrance de l’adversaire ; déformation voire invention de faits comme la soi-disant présence d’armes de destruction massives justifiant le déclenchement de la deuxième guerre du Golfe en 2003. Rien n’a été épargné pour justifier des engagements militaires profondément déstabilisateurs et contrevenant aux règles du droit international. La guerre en Ukraine ne fait pas exception. Poutine était soi-disant malade et le voilà bien vivant; son pouvoir était au bord de l’effondrement et il est toujours là après 25 ans d’exercice ; l’image de l’armée russe a été «vendue» aux opinions occidentales pendant trois ans comme une piètre armée, mal équipée, mal commandée et subissant des pertes effroyables et voilà maintenant qu’elle constitue une menace redoutable et que le « front se rapproche de chez nous ». Par quel tour de magie, une armée considérée comme peu performante peut-elle se transformer en menace existentielle pour l’Europe ?

La bonne conscience de l’Occident et le deux poids deux mesures

Nous vivons, nous Occidentaux, dans un milieu politique et culturel doté d’une bonne conscience inaltérable, convaincus que nous sommes d’être la boussole morale de l’univers. C’est la raison pour laquelle, nous ne craignons pas le deux poids deux mesures. Il est en quelque sorte connaturel à notre façon de penser.

L’intégrité territoriale du Koweït hier et de l’Ukraine aujourd’hui ne se discutent pas mais celles de la Serbie et de l’Arménie ne pèsent pas lourd lorsqu’il s’agit de remodeler le monde ou de ménager les pays fournisseurs d’énergie fossile. On invente des faits invraisemblables comme l’affaire des couveuses au Koweït pour justifier la première guerre du Golfe en 1990 mais on ferme les yeux sur le nettoyage ethnique opéré par l’Azerbaïdjan au Nagorno-Karabakh. On peut assassiner des chefs d’État tels que Saddam Hussein ou Kadhafi sans que cela suscite une émotion particulière. Un changement de régime orchestré par l’Occident, comme le coup d’État de Maïdan en 2014 est légitime ; les tentatives russes – ou présentées comme telles – pour influencer les élections dans les pays de l’Est ou au Caucase sont illégitimes et conduisent à l’annulation des élections et l’interdiction pour certains candidats de se présenter, comme c’est le cas en Roumanie.

Ce deux poids deux mesures et l’utilisation à géométrie variable du droit international qui caractérisent la conduite des pays occidentaux dans les relations internationales sont devenus tout bonnement indéfendables et inacceptables au reste du monde et expliquent en grande partie le profond ressentiment de la majorité des États. Les Assemblées générales des Nations Unies montrent cette fracture ; mais aussi le nombre d’États qui ont rejoint le mouvement des pays non alignés, soit 120 États, l’expansion des BRICS (Brésil-Russie-Inde-Chine-Afrique du Sud-Egypte-Indonésie-Iran-Ethiopie-EAU-Arabie Saoudite et bientôt la Turquie, soit 4 milliards d’habitants), l’Union africaine. La Russie est fortement impliquée au niveau diplomatique dans tous ces forums alors que nous devrions y avoir toute notre place.

Ce deux poids deux mesures accompagné de grandes leçons de morale sur la démocratie et l’État de droit est, en grande partie, à l’origine de la perte de légitimité morale de l’Occident

Vers une Europe fédérale « quoiqu’il en coûte »

Troisième élément. Nous sommes gouvernés en France et au niveau des institutions européennes par des personnalités politiques qui ont un projet politique précis : celui d’une Europe fédérale dans laquelle les États deviendraient des Länder. Au nom de ce projet, les résultats du référendum sur le « Traité établissant une Constitution pour l’Europe » en 2005 ont été superbement ignorés et ont donné lieu au Traité de Lisbonne donnant à l’Union européenne une personnalité juridique. Au nom de ce projet, Madame Ursula Von der Leyen, présidente réélue à la tête de la Commission européenne, se conduit en véritable chef d’État. Au nom de ce projet, le président français, Emmanuel Macron est prêt à mutualiser notre dissuasion nucléaire montrant d’ailleurs sur ce sujet, une véritable constance depuis 2017.

La poursuite de ce projet fédéral semble être l’unique boussole du président français. Ce qui le sert est mis en avant et ce qui peut lui nuire est mis de côté. C’est la raison pour laquelle le chef de l’État peut proclamer que la culture française n’existe pas et le lendemain, faire appel au patriotisme. Ses prises de parole controversées et contestées, y compris par nos partenaires européens, donnent le sentiment qu’il s’inscrit dans un combat personnel contre Poutine tout en cherchant à faire oublier nos échecs diplomatiques au Proche-Orient où la voix de la France ne compte plus comme l’a souligné notre ancien ambassadeur en Israël, Eric Danon, et en Afrique d’où nous avons été évincés sans ménagement au bénéfice d’autres puissances telles que la Russie, la Turquie et la Chine. Lorsque Dominique de Villepin évoque « l’excitation stratégique » du président français, il n’a sans doute pas tort.

Pourquoi être sceptique ?

Lorsqu’une bonne partie de la classe politique et médiatique brandit la menace russe, nous avons donc de bonnes raisons d’être sceptiques car nous sommes avertis des vraies-fausses menaces et de leur capacité à manipuler l’opinion publique ; nous sommes avertis aussi de leur incapacité à juguler les vraies menaces : celles qui tuent en France (islam radical, crime organisé) et celles qui détruisent notre tissu social et notre économie (combien d’entreprises travaillant pour la défense sont passées sous contrôle américain depuis trente ans ?). Nous avons de bonnes raisons d’être sceptiques car, à peine masquée, se profile à chaque fois une nouvelle étape vers plus de fédéralisme comme si la France, pays de plus de 60 millions d’habitants, n’était plus capable de se gouverner par elle-même.

Ces éléments de contexte, s’ils permettent d’émettre un doute sérieux sur la réalité d’une menace russe « existentielle » doivent être néanmoins complétés par une étude la plus objective possible de la réalité de cette menace.

La menace russe : entre mythes et réalités

Un bloc sino-russe constituerait une menace forte pour l’Europe et les grands équilibres mondiaux

De par sa taille, ses ressources, ses armements, notamment son arsenal nucléaire, et son positionnement eurasiatique, la Russie joue naturellement un rôle géopolitique majeur sans pour autant constituer par elle-même une grande puissance capable de rivaliser avec les États-Unis ou la Chine. En effet, la Russie souffre de deux handicaps majeurs :

  • sa grande faiblesse démographique (150 millions d’habitants ; un taux de fécondité de 1,4 enfant par femme qui ne remonte pas en dépit de la promotion des valeurs conservatrices et une pyramide des âges comparable à celle des pays de l’Union européenne pris dans leur ensemble) ;
  • sa relative faiblesse économique en raison de sa dépendance aux hydrocarbures (1) et son PIB équivalent à celui de l’Espagne. Néanmoins, soulignons qu’en dépit de sa faiblesse, l’économie russe a déjoué les pronostics et ne s’est pas effondrée avec les sanctions.

Tout réside donc dans le jeu des alliances. Si la Russie s’allie avec les pays d’Europe, en particulier la France et l’Allemagne, elle constitue alors une menace pour les puissances maritimes que sont les États-Unis et le Royaume-Uni ; c’est la raison pour laquelle les Anglo-saxons ont tout fait pour couper les liens entre la France et la Russie d’une part (annulation de la vente d’un bâtiment de projection et de commandement Mistral en 2014 suite à l’annexion de la Crimée) et l’Allemagne et la Russie d’autre part (sabotage du gazoduc Nord Stream en 2022).

Si la Russie se retourne vers l’Asie et la Chine, c’est alors l’Europe continentale qui peut se retrouver menacée. Dans une vision à courte vue, l’administration Biden a cherché à couper les liens économiques entre les pays d’Europe et la Russie obligeant celle-ci à se jeter dans les bras de la Chine et à chercher des alliances avec d’autres pays également en froid avec l’Occident. C’est une grave faute géopolitique car, si la Russie prise isolément ne constitue pas une menace redoutable, en revanche, un bloc sino-russe constitue une menace sérieuse pour l’Europe et les grands équilibres mondiaux.

Si la géopolitique a une raison d’être, c’est bien de montrer que par-delà les événements et l’actualité, la tendance de fond qui se dessine constitue, à moyen terme, une menace sérieuse pour les pays d’Europe. C’est la raison pour laquelle, en dépit de sa brutalité et son arrogance, la politique étrangère de Trump, à 180 degrés de ses prédécesseurs, est sage dans son principe, tout du moins en ce qui concerne l’Europe. La Russie, même si elle est un voisin peu commode, doit rester arrimée à l’Europe et ne pas se constituer en bloc avec la Chine.

L’équilibre des forces est une donnée essentielle des relations internationales et il convient de rappeler que si la France vaincue de Napoléon est revenue dans le Concert européen lors du Congrès de Vienne, elle le doit à la grande habileté de son ministre des relations extérieures Talleyrand et à la Russie. Ce qui était vrai pour l’Europe au XIXe siècle l’est pour le monde à notre époque.

Conflit en Ukraine : expansion territoriale ou coup d’arrêt à l’influence occidentale ?

Rappelons les lignes rouges de la politique étrangère russe pour bien comprendre le cadre général : (a) La Russie refuse que l’Ukraine adhère à l’OTAN ; (b) Elle refuse aussi la présence de troupes étrangères en Ukraine ; (3) Elle refuse tout accès de l’Ukraine au nucléaire militaire ; (4) Elle exige la protection de la langue russe dans les régions russophones de l’Ukraine.

La Russie est-elle dans une logique d’expansion territoriale ?

Oui, en première approche si l’on considère la reprise de la Crimée en 2014 par un coup de force mais sans violence, l’appui aux séparatistes du Donbass de 2014 à 2022 et au final l’occupation d’environ 20% du territoire ukrainien en 2025.

Non en deuxième lecture, car ce conflit dépasse de loin le cadre ukrainien et s’inscrit dans un Niet catégorique face à la volonté occidentale de ramener, par tous les moyens, dans sa zone d’influence les anciens pays du bloc soviétique.

En effet, de 1999 à 2004, on assiste à une progression constante de l’influence occidentale sans réaction du côté russe : en 1999, le GUAM réunissant la Géorgie, l’Ukraine, l’Azerbaïdjan et la Moldavie est créé pour tenter d’échapper à l’influence russe ; en 2003, la « révolution des roses » en Géorgie, après les élections législatives, voit l’arrivée au pouvoir de Mikhaïl Saakashvili, candidat pro-occidental ; cette « révolution des roses » est suivie de près en 2004 par la « révolution orange » en Ukraine qui voit l’annulation des élections et l’arrivée au pouvoir du candidat pro occidental Viktor Iouchtchenko. Ces deux « révolutions » bénéficient de l’appui inconditionnel des anglo-saxons pour qui l’ingérence dans les affaires intérieures d’un pays est une chose normale et qu’ils considèrent comme un droit exclusif.

A partir de cette date, la Russie, qui jusqu’à alors présent avait laissé faire, réagit pour tenter de reprendre le contrôle de ses marches. En 2008, elle lance une opération militaire en Géorgie qui aboutit à la sécession de l’Ossétie du Sud. Mais cela ne freine pas les velléités du camp occidental car en 2009, l’Union européenne (UE) lance le Partenariat oriental avec les six pays de l’espace ex-soviétique – Belarus, Ukraine, Moldavie, Géorgie, Arménie, Azerbaïdjan – suivi en 2013 d’un accord d’association entre l’UE et la Moldavie d’une part et l’UE et la Géorgie d’autre part.

En 2014, la « révolution de Maïdan », orchestrée par la CIA et financée par l’USAID, aboutit au départ de Ianoukovitch. C’est la révolution de trop, le « 11 septembre 2001 » de la Russie selon l’expression de Pierre Verluise car l’Ukraine est considérée comme le berceau de la Russie. La réaction russe, manifestement bien anticipée, est immédiate avec la prise de contrôle de la République autonome de Crimée.

A partir de cette date, l’Ukraine cristallise l’affrontement entre la Russie et l’Occident. Le conflit se déplace à bas bruit médiatique dans le Donbass où pendant 8 ans, l’armée ukrainienne affronte les séparatistes soutenus par l’armée russe. Au niveau politique, les accords de Minsk censés trouver une solution diplomatique s’avèrent être « un moyen de gagner du temps » comme le reconnaitra, avec cynisme ou candeur, Angela Merkel, chancelier allemand de 2005 à 2021. Persuadé à tort qu’il peut répéter à grande échelle le coup de la Crimée, Poutine tente une opération militaire qui vise à renverser le régime de Kiev, desserrer l’étau ukrainien autour du Donbass et ramener l’Ukraine dans sa zone d’influence. S’ensuit alors une guerre de haute intensité entre la Russie soutenue par la Chine, l’Iran et la Corée du Nord, et l’Ukraine soutenue par les Occidentaux.

En résumé, les opérations militaires de la Russie ont pour objectif moins une expansion territoriale que  (i) la volonté de conserver des leviers de puissance (la Crimée et le port de Sébastopol 2014) et (ii) mettre un coup d’arrêt aux ingérences et aux opérations de déstabilisation de l’Occident (Caucase 2008, Syrie 2015) ainsi qu’à l’élargissement de l’OTAN (Ukraine 2022).

Ce point est essentiel et a été souligné à maintes reprises. La Russie ne veut pas d’une extension indéfinie de l’OTAN vers l’Est avec l’installation de systèmes d’armes capables de faire peser une menace sur son territoire et particulièrement Moscou. C’est un argument qui mérite d’être entendu. Est-ce que les États-Unis accepteraient le déploiement d’une base militaire russe au Mexique ou à Cuba ? C’est très peu probable. L’armée russe a-t-elle les moyens d’envahir l’Europe?

La réponse doit être nuancée. A première vue, l’armée russe n’a guère brillé pendant cette campagne. Même si elle a repris l’initiative depuis décembre 2023, les gains territoriaux sont réels mais limités. A ce rythme, il faudrait plusieurs dizaines d’années avant d’arriver au bord du Rhin. Ensuite, en admettant que les pertes « colossales » de l’armée russe soient vérifiées, il faudrait à la Russie un réservoir humain autrement plus conséquent s’il lui prenait l’envie d’envahir l’Europe.

Cette perspective, soutenue par certains cénacles de l’OTAN ou proches de l’OTAN, ayant conservé le logiciel de la guerre froide, est donc à court-moyen terme totalement irréaliste.

Posons donc la question autrement : qu’a cherché à faire l’armée russe en Ukraine ? Elle a d’abord cherché l’anéantissement de l’armée ukrainienne et de l’appareil de défense ukrainien en lui infligeant des pertes massives sur le front et en détruisant dans la profondeur les infrastructures indispensables à l’effort de guerre. C’est d’abord une guerre par épuisement avant d’être une guerre de conquête territoriale. Ce faisant, la Russie a aussi provoqué l’assèchement de nos stocks et donc un affaiblissement militaire ponctuel de l’Occident. Il faudra autre chose que des forums à Londres ou à Paris pour pallier cet affaiblissement, reconstituer des stocks et permettre à l’industrie de défense de se réorganiser.

Est-ce que l’armée russe sort renforcée de cette guerre ? En dépit des pertes importantes, il est permis de le penser car elle a su tirer rapidement les leçons de ses échecs initiaux et reconfigurer son économie et son industrie pour soutenir son effort de guerre. On peut donc raisonnablement estimer que la Russie dispose maintenant d’une armée aguerrie et d’un solide complexe militaro-industriel capable de faire peser une menace sur des petits pays tels que les pays baltes ou la Moldavie si les relations venaient à se détériorer.

Précisons cependant que la menace n’est pas que militaire. La Russie a fait de la désinformation et de la guerre hybride un art à part entière. La France en sait quelque chose dans certains de ses territoires d’outre-mer, où la Russie (et la Turquie pour un objectif différent) a utilisé l’Azerbaïdjan comme proxy chargé d’appuyer et soutenir les revendications violentes des partisans de l’indépendance mais aussi en Afrique d’où  nous avons été chassés, en partie à cause de l’arrogance du comportement des plus hautes autorités françaises, et en partie en raison de notre incapacité à contrer efficacement la propagande russe antifrançaise en Afrique.

Si les relations entre la France et la Russie venaient à se détériorer encore plus, nous pourrions effectivement avoir à faire face à des opérations de déstabilisation à grande échelle comme des troubles intérieurs sur le territoire national par le biais de certaines communautés soutenues et instrumentalisées par la Russie, des cyberattaques d’ampleur ou des attaques dans le domaine spatial (destruction de nos satellites et donc d’une partie de nos capacités garantissant notre autonomie d’appréciation stratégique). Ce type de menace est donc à prendre avec le plus grand sérieux.

Que doivent faire la France et l’Europe ?

A l’évidence, la Russie, à l’instar de la Chine, est dans une quête de puissance qui puise sa force dans un ressentiment profond et durable à l’encontre de l’Occident en raison des promesses faites lors de l’effondrement de l’Union soviétique et non tenues depuis. Faut-il continuer à attiser ce ressentiment et continuer à exciter nos opinions publiques ou au contraire faut-il chercher les voies de l’apaisement ?

La deuxième solution est la seule raisonnable. La France qui se targue d’être une puissance d’équilibre avait un rôle historique à jouer dans ce conflit, au lieu de quoi, elle s’est alignée sur la politique anglosaxonne de soutien inconditionnel à l’Ukraine pour in fine, se trouver en porte-à-faux après l’élection de Donald Trump, écartée du processus de paix et obligée de poursuivre une ligne intransigeante totalement décalée par rapport à la réalité du terrain et de ses propres moyens militaires.

Est-ce que chercher l’apaisement signifie abdiquer et donc ouvrir la voie à d’autres conflits ? Nous ne le pensons pas mais reconnaissons que le risque existe. Les pays européens, doivent effectivement se doter d’une puissance militaire correspondant à leur rang et à leurs prétentions à peser sur les affaires du monde.

Non seulement pour être respecté de la Russie et lui tenir tête lorsque c’est nécessaire, mais aussi parce que d’autres puissances, animées d’ambitions territoriales adossées à des idéologies, manifestent des appétits de puissance de plus en plus insatiables.

Notes

1) Ce qui fait dire dans les milieux néoconservateurs que la Russie n’est qu’une station-service dotée de missiles nucléaires

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