Non, le père de Patrick Balkany n’a pas pu libérer Simone Veil à Auschwitz
Simone Veil, avec Jacques Chirac, le 27 janvier 2005 à Auschwitz. Photo Patrick Kovarik. AFP
Dans un message publié sur Facebook lundi, Isabelle Balkany assure que le père de Patrick Balkany a «libéré» Simone Veil du camp d’Auschwitz en janvier 1945. C’est impossible.
Question posée par Laurent le 28/01/2020
Bonjour,
Vous faites référence à un post Facebook publié lundi par Isabelle Balkany, à l’occasion de la commémoration des 75 ans de la libération d’Auschwitz.
Dans ce post, elle relate un appel téléphonique qu’elle a eu dans la journée avec son mari Patrick Balkany, toujours détenu à la prison de la Santé, suite à sa condamnation pour fraude fiscale et blanchiment de fraude fiscale. «Appel téléphonique de Patrick, ce matin, littéralement épuisé par l’anémie et la douleur… « Isabelle, nous sommes la dernière génération qui peut encore transmettre ce que nos parents ont vécu… Je veux que tu rapportes aux Levalloisiens ce que je ne leur ai jamais raconté… »», écrit-elle au début de ce post.
L’histoire en question : le 27 janvier 1945, avant la libération du camp d’Auschwitz, le père de Patrick Balkany, Gyula Balkany, se serait enterré vivant avec dix de ses compagnons pour échapper aux nazis. «Après deux jours « enterrés », le camp vidé, ces hommes, sous la direction de Gyula, partent vers le camp des femmes et libèrent celles qui, comme eux, se sont cachées… Parmi elles, une certaine Simone Veil, sa sœur de cœur pour la vie !» écrit aujourd’hui Isabelle Balkany pour conclure son post Facebook.
Isabelle Balkany, en 2017, avait déjà publié un tweet racontant que son beau-père avait vécu l’horreur d’Auschwitz avec Simone Veil. Mais n’avait pas évoqué l’histoire de la libération. Parce qu’elle est impossible ?
Simone Veil a été libérée à Bergen-Belsen
Sur les réseaux sociaux, plusieurs internautes ont mis en doute ces déclarations, relevant, comme cela a déjà été écrit à de nombreuses reprises, que Simone Veil a été libérée à Bergen-Belsen, et non à Auschwitz.
Comme l’a elle-même raconté l’ancienne ministre de la Santé, elle et une des ses deux soeurs, Madeleine, ont été libérées par les troupes britanniques le 15 avril 1945. Elles étaient alors au camp de Bergen-Belsen, où elles étaient arrivées le 30 janvier de la même année.
Simone Veil en fait le récit dans son autobiographie, Une vie, publiée en 2007. Elle le raconte également en vidéo, dans une archive télé visible sur le site de l’INA : «Pour nous, la période qui a été la plus épouvantable, surtout pour Milou [surnom de sa sœur Madeleine, ndlr], c’est à partir du mois de mars 1945, à Bergen-Belsen. Nous avons eu toutes les trois le typhus. Maman n’a pas survécu. Milou était si malade, et surtout si désespérée, que sans doute, au moment même où les Anglais nous ont libérées au mois d’avril, s’il n’y avait pas quelqu’un pour prendre soin d’elle, qu’elle soit rapatriée, pour qu’elle mange, peut-être c’est à ce moment-là qu’elle n’aurait pas pu survivre.»
Comme l’a confirmé à CheckNews la famille de Simone Veil, celle-ci a quitté le camp d’Auschwitz – où elle était arrivée en train au printemps 1944 – le 18 janvier 1945. Elle a ensuite été conduite dans le camp de Dora, puis celui de Bergen-Belsen. Gyula Balkany et Simone Veil ont peut-être été détenus en même temps à Auschwitz mais il est donc impossible que le père de Patrick Balkany ait pu la libérer, le 27 janvier 1945 à Auschwitz.
A noter que, contrairement à ce que suggère la conversation rapportée par Isabelle Balkany, évoquant une histoire «jamais racontée aux Levalloisiens», Patrick Balkany avait déjà raconté comment son père avait survécu dans les camps. C’était en avril 2015, lors du 70e anniversaire de la Journée du souvenir de la déportation. Dans le bulletin municipal Info Levallois, Patrick Balkany rapportait exactement le même épisode de son père s’enterrant à Auschwitz pour échapper aux nazis. Avant d’aller libérer les femmes restées dans le camp. En revanche, dans ce récit fait il y a cinq ans, le nom de Simone Veil n’apparaissait pas.
Cordialement
Mise à jour du 28 janvier 2020 à 15h40 : après publication de notre papier, Isabelle Balkany a reconnu son erreur sur Facebook.
Source : Libération
Laisser un commentaire