Mort d’Adama Traoré : l’ultime expertise médicale exonère les gendarmes
Plus de deux ans après la mort d’Adama Traoré lors de son interpellation dans le Val-d’Oise, une ultime expertise médicale écarte la responsabilité des gendarmes, sans convaincre la famille du jeune homme qui continue à dénoncer un « déni de justice ».
Selon « l’expertise médicale de synthèse » remise mi-septembre à la juge d’instruction parisienne chargée de l’enquête, « le pronostic vital (était) engagé de façon irréversible » avant l’arrestation de ce jeune homme noir de 24 ans l’après-midi du 19 juillet 2016, dans la petite ville de Beaumont-sur-Oise.
Son décès avait été constaté deux heures après son interpellation par les gendarmes, qui l’avaient maintenu au sol sous le poids de leurs corps, selon la technique du « placage ventral ».
Le jeune homme avait fait un malaise dans leur véhicule, avant de décéder dans la cour de la gendarmerie de la ville voisine de Persan.
La famille Traoré, qui parle de « bavure » depuis le début de cette affaire qui avait entraîné cinq nuits de violences dans plusieurs villes du département, a de nouveau dénoncé mardi un « déni de justice ».
« Il faut que les gendarmes soient entendus et qu’ils soient mis en examen », « cette affaire ne sera pas étouffée », a lancé la mère du jeune homme décédé le jour de son 24e anniversaire.
Le comité de soutien, menée par sa soeur aînée Assa, qui a jugé la conclusion de l’expertise « erronée et mensongère », a annoncé qu’une manifestation aurait lieu samedi.
La famille accuse également les gendarmes de ne pas avoir porté secours au jeune homme, laissé menotté jusqu’à l’arrivée des pompiers.
Les conclusions de ce rapport « confortent les déclarations » des gendarmes, « qui ont toujours indiqué n’avoir jamais commis de violences et n’avoir aucune responsabilité dans le décès d’Adama Traoré », a réagi auprès de l’AFP Rodolphe Bosselut, l’avocat de deux des militaires qui ont interpellé le jeune homme.
Reconstitution
Les quatre médecins, à qui cette expertise a été confiée en janvier, ont confirmé que le jeune homme souffrait d’une « drépanocytose », une maladie génétique héréditaire de l’hémoglobine, et de « sarcoïdose », une maladie rare qui touche principalement les poumons. Or, cette maladie l’a exposé « à un risque d’hypoxémie d’effort », autrement dit à une diminution anormale de la quantité d’oxygène contenue dans le sang, qui, associé au stress et à la chaleur, lui aurait été fatale.
Interpellé une première fois par des gendarmes qui cherchaient son frère Bagui – impliqué dans une affaire d’extorsion avec violences-, le jeune homme avait pris la fuite. Une course poursuite d' »environ 15 minutes » sous une forte chaleur s’en était suivie, avant qu’il ne soit retrouvé dans un appartement où il s’était caché, et plaqué au sol par les gendarmes.
« Une reconstitution doit avoir lieu. Elle permettra de confirmer ou d’infirmer la distance ainsi que le temps durant lequel M. Traoré a couru », a estimé mardi l’avocat de ses proches, Yassine Bouzrou.
Les circonstances de la mort du jeune homme sont marquées depuis le début par une défiance vis-à-vis des autorités, alimentée par l’annonce tardive du décès et la communication très contestée du procureur de Pontoise à l’époque. Cinq mois après les faits, l’enquête avait été dépaysée à Paris à la suite d’une demande de la famille.
Le 26 juillet dernier, 1.500 personnes avaient défilé à Beaumont-sur-Oise pour dénoncer la lenteur de la justice et exiger des « réponses » de l’Etat lors d’une manifestation où toutes les formations de gauche étaient représentées, du NPA au PCF en passant par la France insoumise (LFI), EELV, et le Parti socialiste.
Deux ans plus tôt, la ville avait été le théâtre de violents affrontements au cours desquels treize gendarmes et policiers avaient été blessés par arme à feu. L’un des frères aîné d’Adama, Bagui, a été mis en examen pour « tentatives d’assassinat » sur les forces de l’ordre.
Source : Le Point
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