Mon patron est un fonds de pension
Après 35 ans de bons et loyaux services, Marie-Thérèse finit sa carrière avec cent euros au-dessus du SMIC dans une entreprise détenue par un fonds de pension.
Le directeur de cette boîte, simple salarié et pion de celle-ci, a organisé un pot de départ avec « amuses gueules » en sachet, des sodas, et la bouteille de cidre sans alcool habituelle dont l’origine ne paraît pas très catholique; l’alcool est interdit dans la « charte » de cette entreprise ISO machin et écolo pipotable, question de sécurité, de « bienveillance » et de « responsabilité » (sic), il est paradoxal d’interdire tout en faisant appel à la responsabilité des concernés !
Finalement le pot a été annulé le matin du dernier jour d’embauche de Marie-Thérèse car les cadres avaient une réunion vachement importante. Pendant la réunion café, thé, etc…
Et après apéro sympa avec rosé et pastaga, puis dîner cohésion (entre cadres bien sûr); c’est une « tradition » tous les derniers vendredis de chaque mois pour faire un point sur les chiffres ; parfois ils font du karting, du char à voile ou du trampoline, pour les frissons. Les plus malins laissent gagner le directeur, et ne sautent jamais plus haut que leur chef.
Le chef est un type moyen de partout, le genre que tu oublies après avoir passé une journée super chiante avec, le genre d’accord avec toi si t’es au-dessus et donneur de leçon de bienveillance, et de tolérance (la dictature des temps présents dont tous les perroquets nous abreuvent des mantras partout tout le temps) pour les subalternes. Quinquagénaire déjà en fin de carrière le directeur a déjà dépassé son plafond de compétences, il doit tout à la boîte et il le sait, il n’aurait jamais pu espérer mieux et il attend déjà la retraite, il a pensé à tout, même à la retraite par capitalisation dans un fonds de pension. Il fait tout ce qu’on lui dit de faire, où on lui dit de faire…Un peu comme un clébard ou un journaleux subventionné que personne ne lie sinon un autre baveux, sous la surveillance sévère de leurs maîtres, et bien sûr « le peuple de gooche » en fait des p’tits bourges bobos qui aiment bien les pétards et la sodomie. bref le camp républicain !…Et peut être aussi nos députés qui ne servent qu’à amuser une galerie désabusée et finalement désertée hormis par les journaleux.
Bref ! Marie-Thérèse a reçu des mains du chef la fameuse bouteille de cidre à son poste, une heure avant la fin de journée. Et rien d’autre, ni cadeau, ni trampoline, ni même un produit de l’entreprise, ni non plus une heure de rabais. Elle est partie exactement à l’heure avec ses mêmes collègues pour se retrouver avec eux au bistrot d’un peu plus loin, là où il existe encore des menus ouvriers tous assis à la même tablé. C’est un monde qui disparaît pour laisser la place aux trous du culs de tous acabits.
C’était pourtant autrefois une entreprise familiale créée et ténue par un autodidacte dont les enfants ont fait des études vachement sérieuses et que ce vulgaire business n’intéresse pas ; ils sont cadres sup dans une multinationale. L’entreprise a tronqué le nom du créateur pour un acronyme anonyme, rachetée par un fonds de pension américain, détenu lui-même par un tas d’autres fonds de fonds dont les principaux actionnaires sont sans doute les mêmes et les autres « les autres », c’est à dire le petit bourgeois qui veut du rendement et de la sécurité sans prendre de risque.
Donc d’accord pour exploiter son prochain tant qu’il parvient à faire mine de l’ignorer, même si le prochain c’est lui-même !
Nicolas ZAHAR
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