Mme FRAMMERY est (presque) IN-DÉ-FEN-DABLE : partie 1


J’ai été intéressée par l’article de Profession Gendarme du 5 octobre 2024 concernant la fonctionnaire enseignante suisse Chloé Frammery : je pensais trouver des points communs avec mon propre combat de fonctionnaire enseignante française contre le harcèlement moral.

Après avoir attentivement lu les 47 pages du Rapport de l’enquête administrative en date du 13 avril 2020 – rapport à mes yeux exemplaire d’impartialité, de rigueur et d’honnêteté – sur des agissements de la fonctionnaire enseignante Chloé Frammery, dans le cadre scolaire et hors cadre scolaire, entre 2018 et 2022, j’en suis venue à la conclusion que Mme Frammery, soit ne sait pas lire le français, soit est de mauvaise foi en prétendant ne pas savoir pourquoi elle a été d’abord blâmée par son employeur le 6 juillet 2020 et ensuite licenciée le 22 juin 2022.

I. Éléments du contexte suisse.

La Suisse est une confédération de 26 états fédérés : l’un de ces 26 états est la République et canton de Genève, nom officiel de « l’état » de Genève.

L’état de Genève est gouverné par le Conseil d’État : ce n’est pas du tout comme en France une juridiction, mais c’est un organe de gouvernement composé de 7 membres qui sont élu.es par les citoyen.nes de la République de Genève tous les 5 ans. Ce conseil a notamment pour missions de mettre en œuvre les lois votées par le parlement de la République de Genève et d’assurer l’ordre et la sécurité publics.

Chacun.e des membres du Conseil d’État est à la tête d’un département. Actuellement, la conseillère d’état qui est en charge du Département de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse (DIP) est Anne Hiboldt : c’est l’équivalent du ministère de l’Éducation nationale (MEN) en France.

C’est ce département qui était l’employeur de la fonctionnaire enseignante Chloé Frammery depuis le 1er septembre 2011.

Dans le système éducatif de la République et canton de Genève, l’enseignement est obligatoire de 4 à 15 ans. Il y a 8 niveaux dans l’école primaire puis 3 niveaux dans le cycle d’orientation, qui correspond aux 4 niveaux du collège en France. Le CO (cycle d’orientation) regroupe donc les trois dernières années de l’enseignement obligatoire (9e, 10e et 11e) et concerne les élèves âgé.es de 12 à 15 ans.

Mme Frammery a commencé sa carrière d’enseignante en faisant des remplacements ponctuels ; puis elle a été affectée comme professeure de Mathématiques au CO des Voirets le 1er septembre 2008 ; le 28 mars 2011, alors qu’elle enseigne au CO de Drize, elle a un entretien d’évaluation en vue de nomination ; la conclusion de cette évaluation étant favorable, Mme Frammery devient une fonctionnaire enseignante titulaire à compter du 1er septembre 2011.

Il est important de noter que, dans le contentieux entre Mme Frammery et son employeur le DIP (département de l’instruction publique) depuis mai 2019, jamais ses compétences professionnelles et la qualité de son enseignement n’ont été remis en cause : le problème était ailleurs mais Mme Frammery ne l’a pas vraiment exposé dans son article du 4 octobre 2024…

Voici encore deux données pour comprendre l’origine et la nature du contentieux entre Mme Frammery et le DIP : l’association CICAD et la directive D.RH.00.25 du Département d’instruction publique.

La directive D.RH.00.25 du DIP du 26 août 2019 rappelait les devoirs généraux des fonctionnaires qui participent à l’exercice du pouvoir public et les devoirs spécifiques des membres du corps enseignant, comme le devoir d’exemplarité, y compris en-dehors de l’activité professionnelle. La directive citait des décisions de jurisprudence et donnait des exemples de « tout propos ou comportement dévalorisant, humiliant, dégradant, xénophobe, harcelant, sexiste ou violent » ; elle indiquait que de tels propos ou comportements étaient susceptibles de conduire à un avertissement, une sanction disciplinaire ou au licenciement.

La CICAD est une association à but non lucratif créée en 1991 avec comme but et mission :

  • lutter contre toutes les formes d’antisémitisme y compris l’antisionisme comme forme d’expression contemporaine d’antisémitisme;
  • veiller à l’application de la législation suisse contre le racisme (art. 261bis du code pénal) ;
  • préserver la Mémoire de la Shoah.

Le sigle CICAD signifie : Coordination intercommunautaire contre l’antisémitisme et la diffamation. La CICAD représente les communautés et organisations juives membres ainsi que leurs adhérent.es en Suisse romande, notamment vis-à-vis des médias, autorités, organisations et/ou instances. Elle se concerte avec la CIG (Communauté Israélite de Genève), la CJLG-GIL (Communauté Juive Libérale de Genève), la CILV (Communauté Israélite de Lausanne et du canton de Vaud), la CIN (Communauté Israélite du canton de Neuchâtel), et la CIF (Communauté Israélite de Fribourg).

II. Contexte et motifs du blâme du 6 juillet 2020.

Le 17 mai 2019, Mme Frammery publie sur son compte Facebook une vidéo sur la création monétaire : elle est aux côtés de Dieudonné M’Bala M’Bala, dit Dieudonné, elle porte un gilet jaune avec le dessin bien visible d’un ananas ; sur le bureau il y a un drapeau suisse et une statuette de  »Quenelle d’Or », bien visible.

Dieudonné mentionne dans l’introduction que Mme Frammery a été nominée pour l’événement qu’il organise depuis 2012, le  »Bal des Quenelles » : celui de 2019 aura lieu le 22 juin 2019.

https://www.francetvinfo.fr/france/qu-est-ce-que-la-quenelle-le-geste-controverse-lance-par-dieudonne_463316.html

Le 24 mai 2019, Dieudonné publie cette vidéo sur sa chaîne Youtube.

Le 3 juin 2019, la CICAD envoie à la la Conseillère d’État en charge du DIP un courrier pour lui signaler que Mme Frammery « soutient publiquement Dieudonné ».

Dans son courrier, la CICAD expose que :

  • Chloé Frammery a fait en mai 2019 une vidéo avec Dieudonné que celui-ci a publiée sur sa chaîne youtube le 24 mai 2019 ;
  • Chloé Frammery a déclaré dans une autre vidéo de Alimudin Usmani un militant genevois de la que il faudrait « arrêter cet acharnement contre cet homme de bonté et de gentillesse » ;
  • Dieudonné a fait l’objet « de multiples condamnations pour discrimination raciale » ;
  • « il est perturbant qu’une fonctionnaire d’État s’affiche de la sorte avec un tel personnage, même si Mme Frammery ne prononce pas de paroles antisémites dans cette vidéo ».

Le 22 juin 2019, Mme Frammery participe au Bal des Quenelles 2019 de Dieudonné : elle reçoit une Quenelle d’or parce qu’elle « a fait bouger des choses pendant les Gilets jaunes. »

Le 17 novembre 2019, le père d’un élève du CO (cycle d’orientation) de Sécheron (où enseigne Mme Frammery) adresse un courrier à la direction du DIP pour signaler le contenu du profil Facebook de Mme Frammery : ce profil était ouvert à tout le monde et mentionnait sa profession d’enseignante.

Le 2 décembre 2019, après avoir vérifié les allégations du parent d’élève, le directeur du CO de Séchron, Gilbert Patrucco, convoque Mme Frammery à un entretien de service : l’entretien devait permettre à Mme Frammery d’éclairer le directeur sur le contexte et la teneur de ses publications. Cette convocation a été remise à l’enseignante en main propre et en présence de l’administratrice du CO.

La convocation du 2 décembre 2019 demandait à Mme Frammery de s’expliquer sur les points suivants :

  • la publication sur son profil Facebook d’une vidéo sur la création monétaire avec Dieudonné ;
  • la publication sur son compte Facebook d’une vidéo où Mme Frammery évoque son amitié avec Dieudonné, où elle mentionne son employeur ainsi que les  »risques » encourus par celui-ci en cas d’interpellation ;
  • les photos publiées sur son profil Facebook où elle apparaît vêtue d’un gilet jaune muni d’un ananas ;
  • la mention, sur son profil FB, de sa nomination et de sa participation au  »bal des Quenelles 2019 » organisé par Dieudonné et survenu le 22 juin 2019 ;
  • la publication sur son profil Facebook de ses interpellations, sur un ton familier, de Antonio Hodgers, conseiller d’état de Genève, et de Anne Emery-Torracinta, conseillère d’état de Genève ;
  • la publication, sur son profil FB, de son commentaire sur la directive D.RH.00.25 dans sa version au 29 août 2019 ;
  • la publication sur son profil Facebook du lien vers une vidéo de Patrick d’Hondt (connu sous le nom de TEPA, animateur de ses propres émissions sur Internet, condamné en France en 2018 pour des infractions liées au négationnisme, décédé depuis lors) qui s’entretenait avec Christian, dit Stan, Maillaud, alors recherché par les autorités françaises pour la préparation d’un enlèvement d’enfants.

À cette convocation étaient jointes des annexes, à savoir :

  • le courrier de la CICAD du 3 juin 2019,
  • le courriel du 17 novembre 2019 du parent d’élève à la direction du DIP,
  • des documents relatifs à différentes publications concernant Mme Frammery sur les réseaux sociaux.

À la date du 2 décembre 2019, Mme Frammery savait donc exactement ce que son employeur pouvait lui reprocher et elle savait que son employeur lui demandait seulement, à cette date, de donner des explications sur ses propos publics et ses publications. Elle connaissait les allégations de la CICAD et du parent d’élève : le principe du contradictoire et des droits de la défense étaient respectés.

En janvier 2020, Mme Frammery demande la récusation du directeur M. Patrucco pour conduire l’entretien de service, au motif que la formulation de la convocation pouvait laisser entendre un manque d’impartialité de la part du directeur, le supérieur direct de Mme Frammery. Cette demande de récusation sera par la suite acceptée par le directeur général du DIP.

Le 26 janvier 2020, Mme Frammery demande à être placée en disponibilité sans rémunération du 1er septembre 2020 au 31 août 2021.

Le 4 février 2020, Mme Frammery reçoit une seconde convocation à un entretien de service mais cette fois elle pourra s’expliquer par voie écrite : la teneur et les annexes de cette convocation du directeur général du DIP sont les mêmes que celle du 2 décembre 2019.

Le 19 février 2020, Mme Frammery redemande une disponibilité sans rémunération du 1er septembre 2020 au 31 août 2021 : sa demande sera acceptée le 13 mars 2020 par la conseillère d’état en charge du DIP.

Le 11 mai 2020, Mme Frammery répond par écrit aux demandes d’explication des convocations du 2 décembre 2019 et du 4 février 2020 : je trouve remarquable que le rapport d’enquête résume scrupuleusement les explications de l’enseignante. Voici ces explications :

  • son amitié avec Dieudonné est fondée sur des intérêts communs et elle ne cautionne en aucun cas quelque forme d’extrémisme que ce soit.
  • Elle n’a jamais diffusé de message à contenu raciste ou antisémite.
  • La vidéo avec Dieudonné portait uniquement sur la création de la monnaie.
  • La vidéo où elle mentionnait son employeur et les  »risques » qu’il encourrait s’il voulait entraver la liberté d’expression de Mme Frammery n’était plus accessible sur Internet de sorte que le grief n’avait plus d’objet.
  • Le « Bal des Quenelles » était un spectacle humoristique et son amitié avec Dieudonné n’équivalait pas à la promotion par Mme Frammery des éventuelles idées politiques ou antisémites de Dieudonné.
  • La familiarité du ton employé avec le conseiller d’état Hodgers et la conseillère d’état Anne Emery-Torracinta s’expliquait par une amitié de longue date avec le premier et par des discussions informelles antérieures avec la seconde.
  • Les documents à usage professionnels mentionnés dans la vidéo où elle interpellait ces deux personnes n’étaient pas confidentiels et étaient accessibles via Internet.
  • Elle ne connaissait pas la condamnation de Patrick D’Hondt (TEPA) lorsqu’elle avait publié sur son compte Facebook le lien de vidéos le concernant et aucun message à caractère négationniste n’apparaissait dans ces liens.
  • Son profil Facebook ne mentionnait pas si elle enseignait dans le public ou le privé.
  • Elle avait fermé son profil Facebook le 4 décembre 2019, soit 2 jours après avoir reçu la 1ère convocation du 2 décembre 2019.
  • Elle n’avait pas violé ses devoirs de fonction et elle ne tolérait aucune restriction à sa liberté d’expression.

Le 27 juin 2020, Frammery participe au « Bal des Quenelles 2020 » de Dieudonné : elle reçoit une  »Quenelle d’Or » pour la seconde fois et la dédie à la CICAD. Elle indique que la vidéo qu’elle avait faite avec Dieudonné le 17 mai 2019 n’avait pas plu à la CICAD, laquelle avait écrit peu après à son employeur le DIP et c’est pourquoi Mme Frammery avait été convoquée en décembre 2019 par son directeur qui l’avait menacée de licenciement. Mme Frammery déclare qu’elle est très fière de sa deuxième Quenelle, qu’elle a encore plus de force même si on a voulu lui couper les ailes, qu’elle n’a plus rien à perdre, qu’on n’a rien à lui reprocher à part dire du bien de Dieudonné et que la procédure contre elle va peut-être retomber comme un soufflé.

Le 6 juillet 2020, après la fin des cours de l’année scolaire 2019-2020, le directeur général du DIP prend contre Mme Frammery une sanction de blâme pour les 4 éléments suivants :

  1. les menaces qu’elle avait formulées contre son employeur, dans une vidéo, s’il venait à remettre en question sa liberté d’expression, même si Frammery avait supprimé cette vidéo ;
  2. la publicité relative au « Bal des quenelles » en 2019 et 2020, eu égard à la connotation contextuelle antisémite attachée au geste de la quenelle par la jurisprudence (ATF 143 IV 308 consid. 4.3. du Tribunal fédéral) ;
  3. sa participation au « Bal des quenelles » en 2019 et 202, même si aucune image dudit geste n’apparaissait sur son profil Facebook, comme contrevenant au devoir d’exemplarité inhérent à sa fonction d’enseignante ;
  4. la publication d’images sur lesquelles elle s’affichait avec un gilet jaune muni d’un ananas, ce symbole étant une référence claire et non équivoque à la chanson de Dieudonné « Shoananas », pour laquelle il avait été condamné en France, en appel le 28 novembre 2013, à 8000 euros d’amende pour « diffamation, injure et provocation à la haine et à la discrimination raciale. »

Le directeur général du DIP donnait aussi à Mme Frammery quatre conseils :

  1. veiller à s’adresser avec courtoisie aux membres du Conseil d’État,
  2. se renseigner sur l’éventuel passé délictuel des personnes dont elle souhaitait diffuser des vidéos ou d’autres liens,
  3. respecter son cahier des charges et ses devoirs de service,
  4. ne pas mentionner publiquement, pendant son année sabbatique, son litige avec son employeur.

La décision du blâme mentionnait plusieurs références de jurisprudence (des décisions de justice) ainsi que des références de doctrine juridique afin que Mme Frammery pût vérifier que les reproches qu’on avait gardés contre elle étaient fondés.

En tant qu’enseignante et fonctionnaire d’État depuis 33 ans et lanceuse d’alerte depuis 8 ans contre le harcèlement moral dans l’Éducation nationale française, je peux dire que la procédure et le  »verdict » contre Mme Frammery me paraissent avoir été réalisés, dans la République et canton de Genève, dans le respect du contradictoire et des droits de la défense, avec le souci d’examiner tous les griefs et surtout de les expliciter clairement pour que l’intéressée les comprenne. J’ajoute que le blâme est en France la plus basse des 15 sanctions disciplinaires et qu’il disparaît du dossier administratif des fonctionnaires au bout de 3 ans : j’ignore si c’est pareil à Genève.

III. Contestation de son blâme par Mme Frammery.

Mme Frammery a pris connaissance de la sanction le 7 juillet 2020 : j’aurais cru qu’elle l’aurait immédiatement contestée par la voie du recours administratif, puisque c’est ce que j’ai moi-même été contrainte de faire à 15 reprises, entre 2016 et 2021, contre des décisions du rectorat de l’académie de Reims qui m’étaient défavorables et que je jugeais iniques !!!

CHLOÉ FRAMMERY N’A PAS FAIT DE RECOURS CONTRE CETTE SANCTION : cela équivaut à une acceptation des motifs de la sanction ! Comment cette  »résistante » pourra-t-elle nous expliquer son refus d’utiliser la voie régulière pour contester une sanction disciplinaire ?

Par contre, pendant les mois qui vont suivre, Mme Frammery ne va pas cesser de  »publiciser » son statut de victime d’une administration qui s’acharne sur elle pour l’empêcher d’exprimer des opinions dérangeantes, sans jamais revenir sur les 4 motifs précis de son blâme du 6 juillet 2020…

Le 4 août 2020, elle adresse au directeur général du DIP un courrier dans lequel elle conteste une partie des arguments justifiant le blâme : ce courrier est-il un recours hiérarchique, si cette voie existe à Genève ? Et Mme Frammery annonce-t-elle dans ce courrier que, si la décision n’est pas modifiée, elle la contestera devant un tribunal ???

Le 5 août 2020, le DIP de Genève découvre sur Youtube la vidéo du  »Bal des Quenelles » auquel a participé Mme Frammery le 27 juin 2020, lors duquel elle s’est dit très fière de sa seconde quenelle, remise par Dieudonné et qu’elle a dédiée à la CICAD. On se souvient qu’elle avait aussi dit que la procédure contre elle retomberait peut-être comme un soufflé…

Le 25 août 2020, Mme Frammery publie sur Youtube une vidéo intitulée « C’est la rentrée » : elle mentionne des manifestations contre les mesures covidistes en Suisse, France, Italie et Allemagne, ainsi que la collecte de signatures pour le référendum en Suisse contre la loi sur l’application de traçage Swiss-Covid.

Elle mentionne aussi la pression que le DIP mettrait sur elle avec le blâme du 6 juillet 2020 : « Aujourd’hui ce n’est pas la rentrée des classes pour moi, puisque je commence mon année sabbatique sans salaire, loin de la pression qui est mise par le DIP sur les enseignants et sur moi en particulier, puisque je suis toujours menacée de licenciement après avoir reçu un blâme pour avoir fait cette fameuse vidéo avec Dieudonné et avoir publié des choses sur Facebook concernant la 5G qui ne plaisaient pas au gouvernement. »

Je suis bien obligée de constater, comme je l’ai dit dans mon introduction, que :

  • soit Mme Frammery ne sait pas lire le français, c’est-à-dire qu’elle n’a pas compris les 4 motifs de son blâme du 6 juillet 2020 : les menaces qu’elle avait formulées contre son employeur dans une vidéo, la publicité qu’elle avait faite du  »Bal des Quenelles » de Dieudonné, sa participation au  »Bal des Quenelles » en juin 2019 et en juin 2020, le fait d’arborer sur son gilet un dessin d’ananas connotant la chanson pour laquelle Dieudonné avait été condamné en France en 2013 ;
  • soit elle est d’une totale mauvaise foi en occultant les vraies raisons de son blâme et en les remplaçant par une vague et floue menace de son administration sur sa liberté d’expression.

Le 3 septembre 2020, Mme Frammery continue de présenter faussement les raisons de son blâme, en republiant sur son compte Facebook la vidéo qu’elle avait faite l’année précédente avec Dieudonné, le 17 mai 2019, sur la création monétaire et voici comment elle présente cette republication :

« La voilà ! Voici la fameuse vidéo de l’année dernière qui m’a valu un blâme de la part du DIP – État de Genève (grâce à la CICAD qui lui a « gentiment » signalé ladite vidéo). Vous me direz si ce que je dis dans cette vidéo justifie une telle sanction, d’accord ? « Tout nouveau manquement appellera à la constatation d’une insuffisance de prestation pouvant mener à une résiliation des rapports de service » m’a-t-on gentiment écrit en me signifiant ce blâme. Cette vidéo est pour l’instant la seule version rescapée après la censure des chaînes de Dieudo tout azimut par Google-Instagram-Facebook-Twitter-Tiktok. Bon visionnage ! »

Je considère que, par ce commentaire, Mme Frammery refuse d’expliquer honnêtement à son public pourquoi elle a reçu un blâme et donc elle tente de présenter la sanction comme due seulement à son  »statut » de dissidente bravant une Doxa presque toute-puissante. Ce qui bien sûr rend plus crédible la « menace de licenciement » dont elle ferait l’objet.

Sauf que cette menace n’est rien d’autre qu’un avertissement logique de la part d’un employeur public qui constate qu’une fonctionnaire s’affiche sans gêne et sans recul critique avec un individu condamné pénalement et qu’elle ne voit pas le problème d’afficher ou de cautionner 2 symboles au minimum controversés des idées de cet individu.

Je peux faire la différence entre un avertissement justifié et une menace injustifiée : en décembre 2013, j’ai reçu de ma hiérarchie une  »mise en garde » (qui n’a rien de disciplinaire) parce que quelques mois plus tôt j’avais tout à fait régulièrement dénoncé une manipulation des notes dans une épreuve du Brevet des Collèges : cette mise en garde n’était qu’un courrier d’intimidation et elle n’aurait jamais dû être versée à mon dossier administratif ; quand je l’ai découvert en 2016, j’ai déposé un recours contentieux pour la faire disparaître.

Le 3 septembre 2020 se produit le premier événement qui va en fait mener à la procédure de suspension de Mme Frammery en 2021 et à l’enquête administrative correspondante. Une ancienne élève de Mme Frammery est entendue par un service du DIP sur des faits qui se seraient produits durant l’année scolaire 2018-2019 pendant des cours de Mme Frammery : cette audition avait été demandée en juillet 2020 par le père de l’élève ; lorsque l’élève fait ses déclarations le 3 septembre 2020, elle a 14 ans ½. Voici ce qu’elle déclare, et bien sûr ce ne sont que des allégations à ce moment-là :

  • Mme Frammery aurait, en classe, exposé des positions climaosceptiques et anti-vaccins, incitant les élèves à refus le vaccin contre le papillomavirus ;
  • elle aurait empêché un élève de prendre des pastilles contre le mal de gorge en lui disant qu’il risquait d’en mourir ;
  • elle aurait diffusé une vidéo sur les usines Haribo durant les heures de cours ;
  • elle aurait accepté que les enfants mangent en classe mais seulement de la nourriture végane ;
  • elle aurait suggéré aux élèves d’aller voir le site Internet de Dieudonné.

Il me paraît évident que le père de l’élève ne portait pas Mme Frammery dans son cœur et que c’était peut-être pour lui un moyen de lui nuire que de demander à la conseillère d’état en charge du DIP de Genève d’entendre sa fille sur des faits remontant à deux ans en arrière.

Mais il est tout aussi évident que le DIP de Genève n’allait pas se gêner pour enquêter sur Mme Frammery, voyant comment elle avait réagi publiquement à son blâme et comment elle essayait de se faire passer pour une victime alors qu’elle avait, selon moi, fait preuve au minimum de légèreté et de désinvolture en s’affichant avec Dieudonné en 2019 et en 2020.

Le 11 septembre 2020, se produit le second événement qui va mener à l’enquête administrative en 2021 contre Mme Frammery. Ce jour-là, la conseillère d’état de Genève en charge du DIP (département de l’instruction publique), reçoit un nouveau courrier de l’association suisse CICAD (Coordination intercommunautaire contre l’antisémitisme et la diffamation). Ce courrier est daté du 8 septembre 2020 et il n’était donc pas connu du DIP lorsque celui-ci a décidé le blâme de Mme Frammery le 6 juillet 2020.

Dans ce courrier, la CICAD rappelle que, le 3 juin 2019 déjà, elle avait signalé les « activités complotistes publiques » de Mme Frammery ; elle ajoute que l’enseignante a depuis lors multiplié « les contenus complotistes en tous genres » et qu’elle est dans ses vidéos « accompagnée d’un panel tout-à-fait représentatif de tout ce que la francophonie compte de théoriciens du complot ».

La CICAD affirme aussi que Mme Frammery tentait d’organiser des manifestations de Gilets jaunes ou anti-masques Covid à Genève. Et elle rapporte que, sur son compte Facebook, Mme Frammery a mis une mention : « Ma page est privée et les trolls à la solde de la CICAD ou de l’État à ses ordres sont invités à s’en tenir éloignés. »

Là encore, il est évident que Mme Frammery était tombée dans le collimateur de cette association et que la CICAD devait suivre attentivement toutes les publications de Mme Frammery pour essayer de la prendre en défaut. Mais qui s’en étonnerait ? C’est de bonne guerre, puisque Mme Frammery, alors même qu’elle ne savait pas si elle recevrait ou non une sanction, avait choisi (acte de bravache à mes yeux et non de bravoure…) de déclarer la guerre à la CICAD le 27 juin 2020 en lui dédiant sa Quenelle d’Or… Je n’ose penser que Mme Frammery s’était persuadée que son année sabbatique sans rémunération suspendait son statut de fonctionnaire avec les devoirs correspondants et qu’elle pourrait passer sous le radar de sa hiérarchie tout en continuant de l’asticoter publiquement…

Ce courrier de la CICAD en date du 8 septembre 2020 a reçu une réponse de la conseillère d’état en charge du DIP le 30 septembre 2020 : la réponse était que le DIP prenait toute la mesure de cette situation et que celle-ci était suivie de près par les services concernés…

Le 12 septembre 2020, Mme Frammery (qui bien sûr ne connaît pas encore le courrier de la CICAD du 8 septembre…), publie sur Youtube une vidéo enregistrée lors de la manifestation « Genève pour nos libertés » le même jour. Naturellement (et à juste titre !), elle critique l’OMS, Bill Gates, l’alliance GAVI pour les vaccins, ainsi que l’accord entre GAVI et le conseil fédéral suisse pour déterminer le statut juridique de GAVI en Suisse. Mais elle reparle de nouveau de son blâme du 6 juillet 2020, toujours en occultant les vrais motifs de ce blâme et en affirmant qu’il lui a été infligé parce que ce qu’elle disait sur Facebook sur les vaccins ou la 5G dérangeait, parce que la CICAD n’avait pas aimé sa vidéo avec Dieudonné sur la création monétaire..

Le 18 septembre 2020, Mme Frammery envoie au directeur général du DIP un second courrier, après celui qu’elle avait envoyé le 4 août 2020 : elle lui demande de lui indiquer précisément les actes qui pourraient être considérés comme des manquements susceptibles d’aboutir à constater son insuffisance de prestation. Elle déclare avoir conscience d’être une personne très originale et très active dans des domaines divers. Elle ajoute qu’elle conteste toujours les reproches qui lui ont été faits et qu’elle est prête à rencontrer le directeur général du DIP pour les clarifier : elle est opposée à l’antisémitisme et au négationnisme.

Le 16 octobre 2020, le directeur général du DIP répond à Mme Frammery que le blâme du 6 juillet 2020 ne sera pas modifié. Il lui rappelle que, aussi bien dans le texte de la sanction que dans la directive D.RH.00.25 sur les devoirs des fonctionnaires et des enseignant.es, elle pourra trouver toutes les dispositions légales et la jurisprudence et elle pourra comprendre les manquements qu’elle ne devrait pas commettre. Il lui rappelle enfin que, à cause du devoir de réserve, elle devrait cesser d’évoquer la procédure dont elle a été l’objet.

Encore une fois, et au risque de décevoir ou choquer les fans de Mme Frammery, je considère que ce courrier de la hiérarchie du DIP – et Dieu sait combien je critique les hiérarques du rectorat de Reims et du MEN depuis 2016, lorsque ces hiérarques violent la loi, bafouent mes droits et se moquent de la juridiction administrative!!! – la remet à sa place et qu’elle l’avait bien cherché.

Si Mme Frammery était persuadée de son bon droit à participer au  »Bal des Quenelles » de Dieudonné, à porter un gilet jaune avec un dessin d’ananas, à recevoir deux Quenelles d’Or, à en dédier une à la CICAD, à accuser son employeur d’entraver sa liberté d’expression et à lui dire ce qu’il « risquait » en l’interpellant, ALORS POURQUOI N’A-T-ELLE PAS FAIT DE RECOURS CONTENTIEUX CONTRE SON BLÂME DU 6 JUILLET !!!

Je considère, de par mon expérience depuis plus de 8 ans, que lorsqu’on mène une guerre juste contre des hiérarques délinquant.es d’une administration publique (ou les cadres et dirigeants d’entreprises privées), il est nécessaire d’utiliser les armes du Droit. Mais bien sûr, ce n’est pas suffisant, et tous les outils de médiatisation sont les bienvenus pour justement sortir de l’ombre le combat de  »simples » fonctionnaires ou de  »simples » salarié.es.

Sauf que, lorsque Mme Frammery omet de faire le minimum pour défendre ses droits ou sa liberté d’expression, à savoir une contestation officielle et régulière de la sanction qu’elle estime injuste, et quand elle choisit plutôt de parader en public et de lancer des piques dans tous les azimuts en n’ayant même pas évalué les risques qu’elle prenait, elle ne doit pas s’étonner ensuite que ses adversaires cherchent à la sortir du ring…

Le 16 novembre 2020, le DIP de la République et canton de Genève rédige donc une convocation de Mme Frammery à un entretien de service dont la date est fixée au 11 décembre 2020. L’enseignante est informée de ce qu’on lui reproche (les publications et manifestations ayant eu lieu depuis juin 2020 et présentées plus haut) et qu’elle peut consulter son dossier. Elle sait que ses propos et son comportement peuvent constituer une violation des textes réglementaires sur les fonctionnaires, notamment de la directive D.RH.00.25 du 26 août 2019. Elle est aussi prévenue que son employeur, le Département de l’Instruction publique, peut envisager une suspension provisoire et l’ouverture d’une enquête administrative.

Comment Mme Frammery va-t-elle réagir ? Les lectrices et lecteurs de profession Gendarme le sauront demain.

Jocelyne Chassard,

Citoyenne de la République française, Enseignante depuis 33 ans, Lanceuse d’alerte depuis plus de 8 ans contre le harcèlement moral dans l’Éducation nationale.

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