Manque d’effectifs, commissariats vétustes : gendarmes et policiers réclament des actes et des moyens
En moyenne, le parc automobile des policiers est vieux de plus de 7 ans. (Photo d’illustration) | ANTOINE SOUBIGOU
Conditions de travail « déplorables », manque d’équipements et d’effectif, explosion des heures supplémentaires. Le manque de moyens au sein des forces de l’ordre a été pointé du doigt mardi 9 juillet dans un rapport parlementaire. Les syndicats, eux, dénoncent l’immobilisme du gouvernement.
Après cinq mois passés parmi la police et la gendarmerie et plus de 250 auditions, les députés de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur « les missions et les moyens des forces de sécurité » dressent un constat inquiétant.
Le système est au bord du gouffre. Ce n’est pas le premier rapport qui fait état d’un tel chantier. Pour Jean-Michel Fauvergue, ex-patron du Raid, l’unité d’élite d’intervention de la police nationale, et président de cette commission, nombreux sont les policiers qui « travaillent dans des conditions déplorables ».
« C’est rapport sur rapport »
Une situation qui agace du côté des policiers. « C’est rapport sur rapport. Il n’y a rien de nouveau sous le soleil ! Cela fait des années que l’on demande un plan Marshall pour les forces de sécurité afin de pouvoir travailler ! » martèle Frédéric Lagache, délégué général du syndicat de police Alliance.
« À chaque rapport on est consulté et on dit la même chose. Puis, les députés votent le budget, reviennent vers nous et voient que ça ne va pas. Ils refont donc un rapport. C’est fort quand même ! »
Un commissariat sur quatre considéré comme vétuste
En premier lieu, la commission préconise la nécessité d’une « réforme profonde » selon son rapporteur, Christophe Naegelen (divers droite). Les problèmes sont nombreux, à commencer par celui des casernes et des commissariats. « L’immobilier des forces de sécurité intérieure est dégradé, au point parfois de nuire à leur capacité opérationnelle et d’offrir des conditions indignes d’accueil » note le rapport.
Aujourd’hui, « près d’un commissariat sur quatre est considéré comme vétuste ». L’exemple du commissariat de Fontainebleau est évocateur. « Il y a quand même une partie du bâtiment qui s’est effondrée sur les voitures de nos collègues s’étonne Frédéric Lagache. Les gens qui viennent à l’accueil voient bien qu’on ne peut pas travailler dans ces conditions-là. » Un sondage réalisé par la commission auprès de 13 700 policiers et gendarmes, stipule que 70 % d’entre eux, ne s’estiment pas satisfaits de leur lieu de travail.
Des agents « insuffisamment protégés »
Au sommet de la hiérarchie, on estime qu’il faudrait un investissement total « d’un milliard d’euros » pour rénover les bâtiments. Or, « on nous propose, aujourd’hui, que 520 millions sur un plan triennal » assure le syndical Alliance, majoritaire chez les gardiens de la paix.
Les parlementaires s’inquiètent du fait que les agents soient « insuffisamment protégés » et ce, dans un « contexte opérationnel intense et évolutif ». Après plusieurs années de hausse, le « ratio des dépenses d’équipement » est à la baisse (-2,6 % en 2018) selon le rapport.
Un manque d’équipements criant
La question des équipements porte aussi sur le parc automobile. Au niveau de la gendarmerie, le rapport affirme que 84 véhicules blindés à roues de la gendarmerie (VBRG), souvent utilisés lors des manifestations, sont vétustes.
Le rapport parlementaire dénonce le manque de moyens des forces de l’ordre. (Photo d’illustration) | VALERY HACHE
« C’est impensable, ces véhicules ont plus de 40 ans (45 ans en moyenne). Leur état est pitoyable » regrette Frédéric Le Louette, président de l’association professionnelle nationale des militaires de la gendarmerie du XXIe siècle (APNM GendXXI). À Alliance, on s’offusque que des véhicules, à plus de 200 000 kilomètres au compteur soient encore en circulation. Alors que pour un civil, ils ne « passeraient même pas au contrôle technique ».
Un champ d’action trop large
Ce que le rapport nomme « les tâches indues » restent un fléau pour les forces de l’ordre. Transferts de détenus vers les hôpitaux ou tribunaux, gestion des procurations électorales, gardes statiques en préfecture, autant de missions qui prennent du temps et des hommes. Le volume de ces « tâches indues », représenterait 8,7 % de l’activité totale des policiers en 2018, et encore 3,2 % pour les gendarmes.
Pour Frédéric Le Louette, « il faut simplifier les procédures pénales, cela fait plusieurs années qu’on nous balade avec ça ». Selon l’association, les gendarmes feraient « le travail du parquet ». « Une perte de temps et d’argent énorme » dénonce-t-il.
Heures supplémentaires et manque d’effectif
Déjà important, le forfait d’heures supplémentaires des forces de l’ordre a explosé avec la menace terroriste et les manifestations hebdomadaires depuis novembre 2018.
Au total, 123 millions d’heures étaient non récupérées au 31 décembre dernier, soit 164 en moyenne par agent. Cela équivaut au travail de « 8 200 policiers » sur « toute l’année 2017 » pour Frédéric Lagache. Cette impasse avait été étudiée par le sénateur François Grosdidier qui estimait, le rachat complet de ces heures, à plus de 270 millions d’euros. Une solution qui « paraît inenvisageable » selon le rapport.
Des décisions rapides demandées
Enfin, le rapport souligne les « baisses d’effectifs au sein des forces de sécurité ces dix dernières années », avec notamment une « diminution de plus de 20 % » du nombre de CRS depuis 2007. Une situation critique jumelée avec un nombre de blessés important depuis la mobilisation des gilets jaunes.
Cela pose des problèmes de « relève » pour les parlementaires. « Les collègues ne peuvent pas avoir un week-end sur six de repos. Ce n’est pas possible » ajoute Frédéric Lagache. Même son de cloche du côté de la gendarmerie qui a perdu « 14 escadrons depuis 2008 ». L’APNM GendXXI réclame d’ailleurs, pour 2020 et 2021, la création de cinq escadrons de gendarmerie mobile supplémentaire.
Les deux organisations militantes se rejoignent sur le fait que l’État, en premier lieu duquel le président de la République doit prendre des décisions rapides et franches. Dans le climat actuel tendu entre les forces de l’ordre et le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, nul doute que la future loi de programmation de sécurité intérieure, prévue dans les « six mois » selon Jean-Michel Fauvergue, sera attendue.
Source : Ouest-France
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