Manipulation des masses : cet avion sans pilote que nous laissons voler
Auteur(s)
Xavier Azalbert, France-Soir
« Plus on cherche à tromper le spectateur, plus on adopte un ton infantilisant. »
Photo de Davide Ragusa sur unsplash.com
ÉDITO – Il y a une dizaine d’années, une liste des « Dix Stratégies de Manipulation des masses » a été diffusée, dont la paternité a été attribuée de manière erronée à Noam Chomsky (1), l’éminent linguiste américain.
S’il est assez marrant de considérer que cette « manipulation » a fonctionné (le texte sur internet est à l’heure actuelle toujours associé à Chomsky), on ne peut vraiment faire de lien entre ce texte et celui qui fut aussi professeur de sciences politiques au Massachusetts Institute of Technology (MIT). Pourquoi ?
Parce que l’auteur (véritable) de l’essai « la Fabrication du consentement : De la propagande médiatique en démocratie », co-écrit avec l’économiste Edward Erman, aborde la question de l’industrie médiatique aux États-Unis non pas en essayant de savoir « qui » la dirige, mais « comment », notamment avec « quel modèle de propagande ».
La question est donc de savoir de quelle façon des messages et des symboles sont transmis à la population dans le cadre d’une communication qui s’attache à soutenir, notamment et selon Chomsky, le libéralisme économique tout en soutenant la politique étrangère américaine.
Le linguiste montre avec brio que les médias de masse ont disposé cinq « filtres » pour « fabriquer le consentement » de la population. Ces biais, les voici, en un exposé succinct :
1) la concentration des médias aux mains de propriétaires milliardaires, qui servent leurs intérêts et donc doivent harmoniser ces derniers avec leurs lignes éditoriales;
2) la publicité, qui finance les titres – à l’audience élevée, délaissant les autres – et qui possèdent donc en retour un droit de regard sur les contenus;
3) la production de l’information menée par des grandes entreprises et des agences gouvernementales par le truchement de subventions, mais aussi de communiqués et de conférences de presse, avec une certaine « éditorialisation » à la clef et la création d’un « entre-soi » de la pensée;
4) le recours à des moyens de pression pour faire taire un média dissident ou un contradicteur, comme les poursuites judiciaires dont la menace seule est capable de créer un « phénomène d’auto-censure »;
5) un rejet mécanique des idéologies rivales, dont en premier lieu le communisme, afin de permettre un contrôle social des esprits dans son ensemble.
Avec tout cela, le réel n’est plus le réel… Et la politique n’est évidemment plus la politique non plus, elle devient un perpétuel story-telling aux desseins obscurs et à une vile finalité.
L’usage de la peur, soit le recours à l’émotion, est l’un des éléments qu’entraînent ces biais, une forme d’intimidation constante. Machiavel, le célèbre auteur du Prince, résumait bien l’affaire au temps de la Renaissance italienne :
« Celui qui contrôle la peur des gens devient le maître de leurs âmes. »
L’usage de la peur panique (par exemple générée par les attentats terroristes, les catastrophes naturelles, les épidémies, le dérèglement climatique, etc…) permet d’accentuer la mainmise des institutions et gouvernements sur leur population. À la différence que le Florentin voulait avant tout que la sphère politique devienne autonome de la sphère religieuse, au service d’un peuple à unifier, les Italiens.
Une différence de taille, à l’instar de cette « liste de dix stratégies de manipulation des messages » et la pensée de Chomsky.
La première indique que, quelque part, dans l’ombre, quelques-uns sont plus malins que d’autres, connaissent leur affaire sur le bout des doigts (et des neurones) et manipulent aisément avec des techniques clefs en main.
La deuxième invite à comprendre des biais, des luttes de pouvoir, des mensonges, bref les nuances d’un processus complexe qui entraîne tous les abus. En quelque sorte, il ne faut pas ici se « tromper d’ennemi » au sens « se tromper de méthode » pour comprendre le monde dans lequel nous vivons.
Une erreur qui peut être liée à une certaine peur, aussi : celle de considérer ce monde comme un canard sans tête, qui court à sa perte… Et pourtant. De la démonstration de Chomsky ne peut – avec cette grille de compréhension des choses – n’indiquer que des luttes d’élites hétéroclites, de pouvoirs multiples et de décideurs aux intentions et buts parfois opposés. Bref un « avion sans pilote » qui fait peur et que ces citations de deux illustres Indiens pourraient alors nous aider à mieux saisir :
« L’ennemi, c’est la peur. Nous pensons que c’est la haine, mais c’est la peur », Gandhi
« La peur bloque la compréhension intelligente de la vie », Jiddu Krishnamurti (2)
Chers lecteurs, vous connaissez mon goût pour l’art du contre-pied, jouons donc à nous faire peur et à pratiquer quelques liens avec l’actualité : listons et commentons ces « Dix stratégies… » comme si l’homme connaît la fin de l’histoire et qu’il n’y a aucune chance d’y échapper.
Car il y a peut-être certaines évolutions qui font encore plus peur dans un monde qui compte désormais l’Intelligence Artificielle et… des drôles d’oiseaux comme M. Klaus Schwab.
Amusons-nous à nous poser la question, dans ce vertigo donné par cette hypothétique facilité à diriger les humains, que craignez-vous le plus ? L’IA ou le fondateur du World Economic Forum ? Alors, comme véritable et unique pilote de l’avion… Skynet ou un vieux monsieur de 85 ans qui assure que nous serons heureux une fois dépouillés de nos biens, comme l’auraient dit les Inconnus dans le sketch « Skippy » ?
Notons enfin que parmi cette liste de stratégie, des interprétations proches de la pensée de Chomsky apparaissent.
Au moins, elles permettent de se souvenir de la pertinence de la pensée et des analyses complètes du linguiste qui, hélas, a lui aussi cru à un moment de sa vie qu’un « pilote était dans l’avion », au moment de la crise sanitaire et à propos de la vaccination.
Non pas parce qu’il aurait indiqué qu’il fallait « priver de nourriture les non-vaccinés », ce qui est faux (3). Mais parce qu’il a pensé qu’il fallait croire que, quelque part, des scientifiques avisés savaient exactement quoi faire devant un virus et détenait la solution, en oubliant ce qui comptait vraiment : relever l’ensemble des biais qui apparaissent en coulisses dans ces temps de pandémie déclarés par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), dont l’un d’entre eux est la course à la mise au point de produits brevetés, capables d’assurer de juteux bénéfices à leurs promoteurs, ou encore l’opportunité de rendre docile une population aux idées adverses en variant la perception d’un danger réel, en l’occurrence celui d’une maladie généralement bénigne pour les moins de 59 ans.
Voyons maintenant ces dix stratégies :
Stratégie 1 : la diversion
Élément primordial du contrôle social, la stratégie de la diversion consiste à détourner l’attention du public des problèmes importants et des mutations décidées par les dirigeants politiques et économiques, grâce à un déluge continuel de distractions et d’informations insignifiantes. La stratégie de la diversion est également indispensable pour empêcher le public de s’intéresser aux connaissances essentielles, dans les domaines de la science, de l’économie, de la psychologie, de la neurobiologie, et de la cybernétique. La forme a pris le pas sur le fond.
Guy Lux en a posé les bases à la télévision à la fin des années 60 avec « Intervilles » et « Jeux sans frontières ». Puis Mitterrand à la radio avec une libération de la bande FM qui a permis au rap d’opérer une forme d’abrutissement des masses, que depuis les années 2000 la téléréalité a porté au plus haut.
Stratégie 2 : créer des problèmes, puis offrir des solutions (cette méthode est également appelée « problème-réaction-solution »)
D’abord on crée un problème, une « situation » prévue pour susciter une certaine réaction du public, afin que celui-ci soit lui-même demandeur des mesures qu’on souhaite lui faire accepter. Par exemple, laisser se développer la violence urbaine, afin que le public soit demandeur de lois sécuritaires au détriment de la liberté. Ou encore créer une crise économique pour faire accepter comme un mal absolument nécessaire, le recul des droits sociaux et le démantèlement des services publics.
Ça ne vous rappelle pas quelques épisodes récents de la stratégie macronienne ? Que ce soit de la polémique autour du décès du jeune Nahel ou de l’attentat d’Annecy dont nous n’avons aucune nouvelle des enfants attaqués. Cela semble le cas pour bien des attentats meurtriers qui ont horrifié les Français. Ou un exemple concret avec l’augmentation galopante du prix de l’électricité que l’on vient mitiger au travers d’un chèque du gouvernement.
Stratégie 3 : la dégradation
Pour faire accepter une mesure inacceptable, il suffit de l’appliquer progressivement, c’est-à-dire « en dégradé », sur une durée de 10 ans. C’est de cette façon que des conditions socio-économiques radicalement nouvelles (néolibéralisme) ont été imposées durant les années 1980 à 1990. Chômage massif, précarité, flexibilité, délocalisations, salaires n’assurant plus un revenu décent, autant de changements qui auraient provoqué une révolution s’ils avaient été appliqués brutalement.
Toutefois, grâce au culot sans limite, d’abord de Nicolas Sarkozy et ensuite d’Emmanuel Macron, cette stratégie est désormais obsolète. Oui, dorénavant l’Élysée y va franchement. Grâce au 49.3. L’Assemblée nationale fait le reste. L’Assemblée nationale et les CRS. La matraque, les tirs de LBD et les bombes lacrymogènes ayant l’avantage de réduire rapidement à néant la contestation, au besoin en utilisant ceux des forces de l’ordre déguisés en émeutiers dont la mission est de casser le mobilier urbain (et plus si affinités), afin que leurs collègues en uniformes puissent eux casser du manifestant sans choquer le bourgeois ou, que, pleinement rassuré par cela, le bourgeois les applaudisse.
Stratégie 4 : le différé
Une autre façon de faire accepter une décision impopulaire est de la présenter comme « douloureuse mais nécessaire », en obtenant l’accord du public dans le présent pour une application dans le futur. Il est toujours plus facile d’accepter un sacrifice futur qu’un sacrifice immédiat. D’abord parce que l’effort n’est pas à fournir tout de suite. Ensuite parce que le public a toujours tendance à espérer naïvement que « tout ira mieux demain » et que le sacrifice demandé pourra être évité. Enfin, cela laisse du temps au public pour s’habituer à l’idée du changement et l’accepter avec résignation lorsque le moment sera venu.
Emmanuel Macron a bien annoncé début août qu’il procéderait début septembre à une « initiative politique d’ampleur. »
Stratégie 5 : s’adresser au public comme à des enfants en bas âge
La plupart des publicités destinées au grand public utilisent un discours, des arguments, des personnages, et un ton particulièrement infantilisants, souvent proche du débilitant, comme si le spectateur était un enfant en bas âge ou un handicapé mental. Plus on cherchera à tromper le spectateur, plus on adoptera un ton infantilisant.
Stratégie 6 : faire appel à l’émotionnel plutôt qu’à la réflexion
Faire appel à l’émotionnel est une technique classique pour court-circuiter l’analyse rationnelle, et donc le sens critique des individus. De plus, l’utilisation du registre émotionnel permet aussi d’ouvrir la porte d’accès à l’inconscient pour y implanter des idées, des désirs, des peurs, des pulsions, ou des comportements.
Je me permets, à ce propos, de vous renvoyer à l’un de mes anciens éditos.
Stratégie 7 : maintenir le public dans l’ignorance et la bêtise
Faire en sorte que le public soit incapable de comprendre les technologies et les méthodes utilisées pour son contrôle et son esclavage.
Sur ce point, je me permets à nouveau de vous renvoyer à cet édito.
Stratégie 8 : encourager le public à se complaire dans la médiocrité
Encourager le public à trouver « cool » le fait d’être bête, vulgaire, et inculte.
Cyril Hanouna et Cie confirment ! Mais ceci se traduit aussi par la baisse substantielle du niveau d’éducation en France et du quotient intellectuel. Sans aucun doute. Rappelons aussi le nombre croissant d’heures passées devant un écran ou une tablette dans une réalité virtuelle plutôt qu’à converser, qui n’arrange rien. Et puis l’usage du procès en complotisme pour encourager le public à ne pas évoquer certains sujets faisant ainsi fi de l’esprit critique. Et l’usage attendu de l’IA (intelligence artificielle) pour faire croire que la machine sera supérieure à l’humain est un autre exemple.
Stratégie 9 : remplacer la révolte par la culpabilité
Faire croire à l’individu, composant unitaire des masses, qu’il est seul responsable de son malheur, à cause de l’insuffisance de son intelligence, de ses capacités et/ou de ses efforts. Ainsi, au lieu de se révolter contre le système économique, l’individu s’auto-dévalue et culpabilise, ce qui engendre un état dépressif, état dépressif dont l’un des effets est l’inhibition de l’action. Et sans action, point de révolution.
On a vu cela récemment au sein de l’Éducation nationale. À peine parti Pap Ndiaye qui révoltait les professeurs que ces derniers culpabilisaient fort : « Mais qu’avons-nous fait de mal pour mériter Gabriel Attal !? »
Stratégie 10 : connaître les individus mieux qu’ils ne se connaissent eux-mêmes
Au cours des 50 dernières années, les progrès fulgurants de la science ont creusé un fossé croissant entre les connaissances du public et celles détenues et utilisées par les élites dirigeantes. Grâce à la biologie, la neurobiologie, et la psychologie appliquée, le « système » est parvenu à une connaissance avancée de l’être humain, à la fois physiquement et psychologiquement. Le système en est arrivé à mieux connaître l’individu moyen que celui-ci ne se connaît lui-même. Cela signifie que dans la majorité des cas, le système détient un plus grand contrôle et un plus grand pouvoir sur les individus que les individus eux-mêmes.
Merci Google ! Merci Facebook ! Merci YouTube, Whatsapp, Telegram et Cie ! Car pour ce qui est de fournir à ceux qui nous dirigent des informations relatives à ce que pensent, aiment, veulent ou ne veulent pas les gens, Internet c’est vraiment le top du top. Regardez, qui aurait eu l’idée qu’un médicament bien connu depuis 60 ans et dont des études et observations scientifiques montraient qu’il était efficace contre la Covid puisse en fait être un danger de santé publique ? Merci les Big Techs ! (Et merci Ariane Anderson pour le LancetGate).
Voilà. On a joué. Mais malheureusement pour la France (sa culture, son influence, son prestige et son économie), le peuple français a peur, voit son attention absorbée dans une sorte d’attente stérile, à ne pas saisir les rouages d’un système tout en se laissant vampiriser ses forces et son audace. Et en matière de détournement d’énergie vitale, il faut reconnaître qu’Emmanuel Macron s’est montré encore plus efficace que Nicolas Sarkozy et que François Hollande. Faut le faire !
Et savez-vous ce qui est anormal en telle situation ? Qu’il s’agisse de présidents de la République qui se comportent ainsi. En voilà, de drôles de pilotes de l’avion France. Qui les laisse voler, déjà ?
Notes :
(1) L’auteur serait Sylvain Timsit, qui se présente comme « citoyen de la planète Terre » et web designer.
(2) Écrivain et penseur.
(3) Les propos de Chomsky avaient été tronqués. Ce dernier a bien précisé qu’il fallait venir en aide aux non-vaccinés qui s’isolaient et se retrouvaient en situation de détresse suite à leur refus de la vaccination.
Source : France Soir
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