L’inacceptable statut privilégié de l’islam radical en France

Eric-DENECE

Éditorial d’Éric Denécé

Docteur en Science Politique, Habilité à diriger des recherches, est directeur du Centre Français de Recherche sur le Renseignement (CF2R)

Nul ne peut nier que l’Histoire de France est une histoire chrétienne jusqu’à la Révolution française, soit pendant 18 siècles. Elle l’est encore après cette date, même si l’influence de la religion sur la société n’a cessé de diminuer.

Depuis la Révolution, notre histoire est également devenue une histoire laïque, voire anticléricale et anticatholique. En effet, aucun pays au monde, pas même l’URSS, n’a autant lutté contre sa religion ancestrale. Aucun Etat n’a été plus dur avec ses représentants.

Les mesures radicales qu’ont prises les autorités républicaines de la fin du XVIIIe au début du XXe siècle pour réduire l’influence du catholicisme sur la société civile semblent ignorées de nos contemporains et surtout de nos dirigeants qui se révèlent incapables d’en faire autant contre l’islam radical qui menace aujourd’hui nos valeurs et notre cohésion nationale. C’est pourquoi un rappel historique s’impose.

 

Les mesures anti-religieuses de la Révolution

 

Le 10 octobre 1789, à Versailles, sur proposition de Talleyrand, l’Assemblée constituante décida de nationaliser les biens du clergé. Le décret d’application en sera pris le 3 novembre suivant.

Puis, par le décret du 16 février 1790, la Constituante interdit les vœux monastiques et supprima les ordres religieux réguliers. En juillet suivant, elle promulgua une Constitution civile du clergé, qui soumit l’Église catholique au pouvoir civil et instaura le Serment à la Constitution civile que prêtres et religieuses durent prêter sous huitaine. S’ensuivit rapidement une répression contre les réfractaires.

Par le décret du 18 août 1792, la Convention supprima ensuite les congrégations séculières, principalement enseignantes et hospitalières. Elle obligea les membres du clergé à prêter serment ou bien à cesser leurs activés et à s’exiler. 75 000 prêtres réfractaires durent alors quitter la France dans un délai de quinze jours. Beaucoup entrèrent en clandestinité et un grand nombre fut passé par les armes.

Cet épisode révolutionnaire reste encore présent à l’esprit de ceux qui connaissent ne serait-ce que superficiellement notre histoire, car il fut notamment à l’origine des guerres de Vendée.

Les décrets anticatholiques de la Troisième République

 

Il est en revanche un autre épisode plus méconnu, voire ignoré : celui des mesures anticatholiques de la Troisième République[1]. Celle-ci s’est caractérisée par un très virulent mouvement anticlérical, lequel, s’il se montra relativement tolérant envers le clergé séculier, s’acharna à éliminer les congrégations.

Le 29 mars 1880, Jules Ferry, ministre de l’Instruction publique, et Charles de Freycinet, président du Conseil,prirent deux décrets par lesquels ils ordonnaient aux Jésuites de quitter la France dans les trois mois. Les autres congrégations catholiques durent demander une « autorisation d’enseignement » sous peine de dissolution et de dispersion. La plupart d’entre elles, ayant décidé de ne pas demander l’autorisation par solidarité avec les jésuites, furent expulsées à l’issue de ce même délai. Certaines municipalités anticléricales expulsèrent même les religieuses, infirmières dans les hôpitaux.

Ces mesures furent prises en réaction aux excès de la loi Falloux (1850) qui avait accordé aux congrégations religieuses une liberté totale d’enseignement. La République voulut alors briser leur influence politique et sociale, les considérant comme des « agents de l’étranger ». Ces décisions provoquèrent de nombreux cas de conscience, notamment parmi le personnel administratif : démissions de membres des parquets, de policiers, d’officiers, etc.

20 ans plus tard, la loi de 1901 sur les associations soumit l’existence des congrégations à une demande d’autorisation suite à la reconstitution partielle de nombreuses d’entre elles après leur expulsion en 1880. Son titre III stipulait :

« Aucune congrégation religieuse ne peut se former sans une autorisation donnée par une loi qui déterminera les conditions de son fonctionnement. Elle ne pourra fonder aucun nouvel établissement qu’en vertu d’un décret rendu en conseil d’État. La dissolution de la congrégation ou la fermeture de tout établissement pourront être prononcées par décret rendu en conseil des ministres » (art. 13).

– « Les membres d’une congrégation non autorisée sont interdits d’enseigner ou de diriger un établissement d’enseignement » (art. 14).

« La liste des membres et les comptes et l’inventaire de la congrégation sont à la disposition du préfet » (art. 15).

– « Toute congrégation formée sans autorisation sera déclarée illicite » (art. 16).

« Les congrégations existantes (…) qui n’auraient pas été antérieurement autorisées ou reconnues, devront dans un délai de trois mois, justifier qu’elles ont fait les diligences nécessaires pour se conformer à ces prescriptions. À défaut de cette justification, elles seront réputées dissoutes de plein droit ; il en sera de même des congrégations auxquelles l’autorisation aura été refusée » (art. 18).

Le Vatican condamna cette loi mais laissa aux congrégations la liberté de demander leur autorisation, ce que firent la plupart d’entre elles. Cependant, la victoire du Bloc des gauches aux élections législatives de mai 1902 porta Émile Combes au pouvoir. Allié aux socialistes de Jean Jaurès, il conduisit, avec le soutien des deux Chambres, un farouche combat anticlérical et procèda à une interprétation restrictive de la loi de 1901. Durant l’été 1902, 3 000 écoles de congrégations non autorisées furent ainsi fermées.

Le mouvement s’accélèra l’année suivante suite à la promulgation de la loi du 4 décembre 1902 qui disposait que serait frappé d’amende ou de prison :

« quiconque ouvrirait sans autorisation un établissement scolaire congréganiste ;

– toute personne qui après ordonnance de fermeture continuerait les activités de l’établissement ou en favoriserait l’organisation ou le fonctionnement ».

A partir d’avril 1903, les congrégations non autorisées furent expulsées, ce qui provoqua des oppositions nombreuses et violentes de la part de la population, notamment en Bretagne.

Puis, le 7 juillet 1904, le gouvernement d’Émile Combes fit voter une loi interdisant tout enseignement aux congrégations. Son article 1er prévoyait que :

« L’enseignement de tout ordre et de toute nature est interdit en France aux congrégations.

– Les congrégations autorisées à titre de congrégations exclusivement enseignantes seront supprimées dans un délai maximum de dix ans.

– Il en sera de même des congrégations et des établissements qui, bien qu’autorisés en vue de plusieurs objets, étaient, en fait, exclusivement voués à l’enseignement à la date du 1er janvier 1903.

– Les congrégations qui ont été autorisées et celles qui demandent à l’être, à la fois pour l’enseignement et pour d’autres objets, ne conservent le bénéfice de cette autorisation ou de cette instance d’autorisation que pour les services étrangers à l’enseignement prévus par leurs statuts ».

Des centaines de couvents et près de 2 000 écoles furent fermées. Des dizaines de milliers de religieux se consacrant à l’instruction choisirent l’exil par fidélité à leur vocation et partirent fonder des établissements d’enseignement en Belgique, en Espagne, en Suisse, au Canada, aux États-Unis, en Amérique latine et jusqu’au Japon ou en Australie. Ainsi, de 1901 à 1904, entre 30 000 et 60 000 moines et religieuses furent contraints à l’exil, 14 000 écoles catholiques durent fermer et les officiers pratiquants se virent privés d’avancement dans les armées. Fier de son action, Émile Combes déclara alors : « L’anticléricalisme est l’œuvre la plus considérable et la plus importante pour l’émancipation de l’esprit humain » [2].

Ces épisodes d’une rare violence à l’égard du catholicisme montrent que lorsque la République laïque eut à lutter contre des valeurs qui lui paraissaient nocives, contre des idées dont elle considérait qu’elles influençaient négativement la population française et la divisaient, elle sut prendre des mesures radicales, quitte à s’aliéner une partie importante de l’opinion. Une leçon à méditer.

 

Le développement de l’islam radical en France

 

Notre pays est aujourd’hui confronté à la menace d’une nouvelle idéologie religieuse, issue de l’islam, qui cherche à imposer ses valeurs à nos compatriotes musulmans – et à terme à la majorité des français – et à faire prévaloir ses règles sur celles de la république : l’islamisme.

Ses représentants relèvent principalement de quatre mouvements : le Tabligh, le salafisme, le wahhabisme et les Frères musulmans. Tous prônent une idéologie régressive et misogyne, sectaire et haineuse, qui fait souvent le lit du terrorisme.

– Le Tabligh est un organisation islamiste prosélyte d’origine indo-pakistanaise qui pousse les musulmans à revenir à une pratique rigoriste et intégriste de la religion et qui cherche activement à convertir les autres.

– Le salafisme est une doctrine religieuse prônant le retour à l’islam des origines (VIIe siècle) et une lecture littérale et archaïque des textes. C’est une des expressions les plus rigoristes et obscurantistes de l’islam sunnite qui exclut toute adaptation à la modernité.

– Le wahhabisme est une pratique fondamentaliste, puritaine et rigoriste de l’islam instaurée par Mohamed Abdel Wahhab (1703-1787) qui fut le mentor et l’allié d’Ibn Séoud, fondateur de la dynastie saoudienne.

– La confrérie des Frères musulmans (Ikhwan), qui s’acharne à se faire passer pour un courant réformiste et modéré de l’islam, est une organisation extrémiste cachant ses véritables desseins qui se revendique également du salafisme originel. Elle prône dans ses textes fondateurs le retour au Califat, le culte du jihad et se caractérise par son antisémitisme virulent et son anti-occidentalisme viscéral. Au cours des années 1940, elle n’a cessé de faire l’apologie d’Hitler et du nazisme, dont elle fut l’alliée au Proche-Orient[3]. Il convient également de rappeler que les Frères musulmans sont à l’origine de la majorité des mouvements terroristes de l’islam sunnite : G’amaa islamiya, Djihad islamique, Al-Qaeda, Daesh, etc[4].

Or, en France, ces quatre mouvements islamistes peuvent librement diffuser leur propagande, notamment les Frères musulmans qui ont « pignon sur rue via de nombreuses structures qui regroupent des associations à objets culturels et des centres de formation. (…) C’est d’ailleurs en s’inspirant des Ikhwan égyptiens que l’ex-Union des Organisations islamiques de France (UOIF) s’est imposée dans le paysage social, politique et médiatique. En France, il n’existe ainsi pas une seule grande ville où le pôle frériste ne dispose pas d’un centre culturel, d’une mosquée, d’une salle de prière ou d’une librairie. Dans presque chacune d’entre elles, ses responsables régionaux sont souvent devenus les interlocuteurs des élus locaux et des pouvoirs publics[5] ». Il est pourtant clair que Frères musulmans poursuivent, sur notre sol, des objectifs foncièrement hostiles à la démocratie et aux valeurs républicaines, sous couvert d’un discours officiel prônant la non-violence.

A titre d’exemple, dans son ouvrage à l’usage des musulmans d’Europe, Le Licite et l’Illicite en Islam – disponible dans les librairies islamiques, les FNAC ou sur Amazon -, Youssef Al-Qardaoui, l’un des prédicateurs-vedettes des Frères musulmans, explique que « la charia est la loi à laquelle doivent obéir les musulmans où qu’ils se trouvent et que la femme ne doit pas désobéir à son mari, ni se rebeller contre son autorité ». En dépit de ces préceptes qui contreviennent explicitement à nos lois, cet ouvrage n’a jamais été interdit en France par nos ministres de l’Intérieur successifs, pas davantage que les établissements d’enseignement créés par cette confrérie. Au début des années 2000,
on ne comptait qu’une école privée musulmane en France. En 2015, il y en avait 40 sous contrôle des Frères et l’on en prévoit plusieurs dizaines de plus d’ici quelques années[6].

Ainsi, avec la complicité naïve, voire coupable, de nos autorités, l’islamisme radical croît et prospère en France sans rencontrer la moindre résistance.

 

En revenir à l’histoire pour éliminer l’islam extrémiste

 

Depuis trois décennies, face à la très visible et préoccupante progression de ce phénomène, nos dirigeants politiques semblent tétanisés. Par ignorance de notre histoire, mollesse, lâcheté, inconscience ou intérêt électoral, ils sont d’une passivité totale l’égard de l’islam radical.

En conséquence, notre pays accepte aujourd’hui sans réagir que des individus, souvent étrangers ou français de fraiche date, viennent sur notre sol prêcher des idées contraires à nos valeurs de laïcité, de liberté et d’égalité, imposer leurs vues à une partie de nos concitoyens et leur conseiller de ne pas adhérer à nos valeurs et de ne pas respecter nos lois. Rien n’est fait pour dénoncer leurs discours. Rien n’est fait pour interdire leurs publications, leur accès aux médias, leurs mosquées, réunions ou manifestations.

La méconnaissance de notre histoire par nos gouvernants et le règne du « politiquement correct » ne nous permettent pas d’adopter les mesures qui s’imposent. Pourtant, notre passé et nos lois nous offrent la justification morale et les moyens d’action nécessaires pour contrer cette idéologie antifrançaise.

S’il ne serait être question de sombrer dans les mêmes excès antireligieux que par le passé – ni de stigmatiser une religion dans son intégralité –, rien ne nous interdit de prendre de mesures similaires à celles de la Troisième République à l’encontre de l’islam radical.

Afin de mettre un terme à l’influence des mouvements islamistes, de les empêcher de propager leurs idées néfastes pour notre cohésion nationale et notre sécurité, et surtout pour les Français musulmans, nous devrions interdire de la manière la plus stricte :

– leurs associations, partis politiques communautaristes ou représentations en France ;

– les publications et les librairies diffusant leurs écrits ;

– leurs lieux de cultes (mosquées) et de réunion ;

– leurs réunions et manifestations ;

– leur accès aux médias ;

– la venue et les prêches d’imams extrémistes étrangers en France.

Il conviendrait également :

– d’expulser systématiquement les promoteurs de cette idéologie sectaire et haineuse ou les poursuivre en justice ;

– d’interdire le financement de l’islam de France par des Etats étrangers.

Appliquons à l’égard des sectes islamistes des mesures similaires à celles que la République a jadis employées contre le clergé et les congrégations catholiques – dont les représentants ne se sont toutefois jamais livrés au terrorisme ni n’en ont fait l’apologie. Expulser des catholiques a été une “spécialité” républicaine. Alors, pourquoi expulser des islamistes devrait aujourd’hui poser problème ?  Ce ne sera nullement discriminatoire à l’encontre de l’islam, qui se verra alors appliquer les mêmes règles que le christianisme – ce que nombre de ses croyants réclament.

Ces décisions devront nécessairement s’accompagner d’une révision de notre politique étrangère à l’égard de certains pays arabes finançant l’islam radical sur notre sol, au premier rang desquels, l’Arabie saoudite et le Qatar, mais aussi la Turquie. Ces Etats non démocratiques prônent eux-mêmes, sur le plan intérieur comme international, la ségrégation, l’intolérance et l’extrémisme, et soutiennent, directement ou indirectement le terrorisme djihadiste. Au contraire, il nous faut cesser de stigmatiser, au nom d’un « droit-de-l’hommisme » à courte vue, les Etats arabes ou musulmans qui combattent ce fléau.

 

*

 

Relisons notre histoire. Appliquons nos lois. Les solutions sont là pour mettre un terme à cette entreprise de sape des fondements de notre édifice national. Grâce à la mise hors la loi des mouvements islamistes, nos compatriotes musulmans vivront dans un climat apaisé, enfin débarrassés de la pression constante des représentants des sectes extrémistes. Nous pourrons alors assister à l’émergence d’un islam de France, exégétique, prenant ses distances avec celui du Golfe dont nous mesurons les effets pervers partout dans le monde depuis l’apparition du courant wahhabite (1740), la naissance des Frères musulmans (1928) et la création Royaume saoudien (1932).

Il est temps qu’Emmanuel Macron évoque le séparatisme islamique pour des raisons autres qu’électorales et prenne les mesures qui s’imposent.

 

[1] Pour plus de détails voir : Jean Sevillia, Quand le christianisme était hors la loi, Perrin, Paris, 2005.

[2] Les lois du 3 septembre 1940 et du 8 avril 1942, confirmées à la Libération, sont venues abroger la loi du 7 juillet 1904.

[3] Cf. Alexandre Delvalle et Emmanuel Razavi, Le Projet, La stratégie de conquête et d’infiltration des Frères musulmans en France et dans le monde, L’Artilleur, Paris, 2019.

[4] Cf. Chérif Amir, Histoire secrète des Frères musulmans, Ellipses, Paris, 2015.

[5] A. Delvalle et E. Razavi, op.cit.

[6] Ibid.

Source : Volontaires Pour la France

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