LIBRE OPINION du général (2s) ROBINET : Adieu Jean, adieu Jean-Philippe.

LIBRE OPINION  du général (2s) ROBINET : Adieu Jean, adieu Jean-Philippe.

A 24 heures d’intervalle, les 5 et 6 décembre 2017, la France a perdu deux de ses grandes figures. L’une était issue d’une lignée prestigieuse de l’aristocratie française, avait surtout exercé le métier d’écrivain et se nommait Jean d’Ormesson. L’autre, Jean-Philippe Smet, enfant de la balle, né belge, avait choisi un nom de scène à consonance anglo-saxonne, Johnny Hallyday, pour pratiquer avec excellence et dans un respect religieux de son public, pendant près de 60 ans, le métier de chanteur.

Tous deux ont, à leur façon et dans leur domaine, porté haut les couleurs de la France pour laquelle ils ont toujours exprimé un amour sans faille. Mais plus encore, le normalien, agrégé de philosophie, directeur de journal et  académicien et le saltimbanque, pratiquement né sur les planches et n’ayant guère fréquenté l’école, s’étaient fixé un objectif commun, l’un à travers ses livres et l’autre à travers ses chansons : apporter un peu de bonheur à leurs concitoyens. Ils définissaient tous deux leur art respectif de cette façon : Si j’ai réussi à apporter un peu de joie et de bonheur à mon public, alors ma vie n’aura pas été tout à fait vaine.

Jean d’Ormesson était un écrivain, mais aussi un éditorialiste volontiers polémiste dont l’œil pétillant d’intelligence et de curiosité ne cessait d’observer le monde d’un air mi-amusé, mi-interrogatif. Le milieu dont il était issu, son éducation lui avaient donné deux qualités rares : le panache et l’élégance. Dans ses engagements politiques, cet homme de droite ne mâchait pas toujours ses mots, mais respectait ses adversaires et réussissait même à les aimer provoquant la réciprocité car, disait-il : Haïr est mauvais pour la santé.

Johnny, qui avait rendu inutile son patronyme d’emprunt, avait été élevé, lui, dans une famille d’artistes après avoir été, très jeune, abandonné par ses parents. A 17 ans, sous ses airs sages, il avait révolutionné ce qui ne s’appelait pas encore le show-business en sommant André Claveau de laisser la place à Elvis Presley au prix de quelques fauteuils cassés dans les music-halls. Dès les années 1960, il devint le symbole et l’étendard de toute une génération et s’installa dans la posture du rebelle sans pour autant prôner la révolution ailleurs que dans la chanson. Il effectua son service militaire au 43e Régiment blindé d’infanterie de Marine à Offenburg en Allemagne. Le sergent Smet fut un soldat modèle, apprécié de ses chefs et de ses camarades. Il bénéficia de quelques permissions supplémentaires pour enregistrer des « clips » où il se produisait en uniforme à côté de sa fiancée Sylvie Vartan ce qui constituait un message d’apaisement (vous voyez, tout le monde est égal dans la société française) en direction d’une jeunesse qui devenait un peu turbulente. Mai 68 n’était pas loin.

Jean d’Ormesson, pour sa part, avait demandé, après son agrégation de philosophie, à effectuer son service militaire à la 1ère demi-brigade de commandos parachutistes basée alors à Vannes-Meucon.

Les deux hommes avaient en commun l’amour de la « belle ouvrage » et quiconque se consacre avec passion à son métier où il donne le meilleur de lui-même, le vrai « pro » comme on dit aujourd’hui, est digne de respect. Respect, voilà encore un mot qui les réunit. Jean écrivait un livre par an et Johnny a interprété plus de 1 000 chansons. Le premier était présent au dernier Salon du livre ayant précédé sa mort, le second a effectué au cours de son dernier été une nouvelle tournée. Ils étaient devenus l’un et l’autre, dans la durée, des passions françaises parce que l’exemple qu’ils donnaient, où toute tricherie était proscrite,  passionnait et parce qu’ils étaient eux-mêmes passionnés par l’histoire qu’ils vivaient.

Johnny fut la bande son de notre propre vie. Il a servi de caisse de résonance à toutes les évolutions de notre société pendant 50 ans jusqu’à se retrouver, un jour de janvier 2016, seul place de la République, à Paris, sous un ciel gris et bas, à chanter a capella une chanson dédiée au peuple de France qui avait défilé le 10 janvier 2015 pour rendre hommage aux victimes des attentats qui venaient de se dérouler.

Jean estimait, lui, avoir toujours eu de la chance, ne se plaignait jamais du présent considérant qu’il était aussi louable et intéressant que le passé et remerciait  la vie qui avait été la sienne en essayant de diffuser autour de lui l’idée du bonheur.

Ah, j’oubliais ! Ils avaient tous les deux un moteur que l’on croyait inusable et qui fonctionnait avec le même carburant : l’amour !

Gilbert ROBINET

Source : ASAF

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