Lettre ouverte du syndicat France Police – Policiers en colère – Touche pas à mon flic au président Macron relativement au démantèlement programmé de la police judiciaire en 2023
Monsieur Le Président de la République,
Au terme de l’article 64 de la Constitution du 4 octobre 1958, vous êtes le garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire.
La réforme prévue courant 2023 au sein du ministère de l’Intérieur, visant à placer tous les services de la police nationale sous l’autorité d’un unique responsable à l’échelle du département soulève plusieurs points d’achoppement.
En effet, cet unique responsable départemental dénommé directeur départemental de la police nationale (DDPN) sera lui-même placé sous l’autorité directe du préfet.
Une telle réorganisation ou plutôt une telle désorganisation des services, s’oppose à l’esprit actuel de la police judiciaire (PJ) basé sur une forte indépendance vis-à-vis du pouvoir exécutif (directeurs départementaux de la sécurité publique, préfets) au profit d’une subordination plus marquée au pouvoir judiciaire (procureurs, juges d’instruction). C’est là une garantie démocratique que toute personne ayant commis un crime ou un délit soit l’objet d’une enquête judiciaire indépendante instruite à charges et à décharges en limitant les risques d’ingérences et les fuites.
L’infiltration de puissants groupes criminels et des « grands-frères » dans le tissu politique et associatif local n’est plus à démontrer. L’infiltration des marchés publics par ces réseaux criminels constitue l’une des pires menaces sécuritaires pour la nation.
Par sa proximité géographique avec les élus locaux, le DDPN subira toutes sortes de pressions politiques pour faire enterrer telle ou telle affaire gênante. C’est une évidence. Aux grandes heures de la police de proximité, il n’était pas rare de voir des élus débarquer au commissariat de police pour exiger la libération d’un « grand frère » interpellé par nos services.
Cette réforme ne résiste pas à l’examen. Les enquêteurs de la police judiciaire vont perdre leur relative indépendance vis-à-vis du pouvoir exécutif pour se retrouver au centre d’un affrontement permanent entre d’un côté, les DDPN et les préfets et de l’autre, les magistrats. La séparation entre le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire est gravement menacée par cette réforme.
La dernière réforme d’envergure menée à cette échelle a été celle du renseignement avec le résultat que l’on connait. Le grand Federal Bureau of Investigation (FBI) à la française n’a jamais vu le jour et nos services secrets ont été profondément et durablement déstabilisés.
L’attentat terroriste commis au coeur de la préfecture de police de Paris par Mickaël Harpon, habilité secret-défense, a mis en lumière les failles créées par la réforme bâclée et inachevée du renseignement.
Il est capital de ne pas commettre aujourd’hui les erreurs du passé. La destruction de la police judiciaire, l’un des rares services de la police nationale qui fonctionne à peu prêt convenablement en termes de moyens et d’effectifs, serait une faute morale, politique et stratégique.
La police judiciaire est un modèle vers lequel il faut faire évoluer les services d’investigation de la sécurité publique comme la sûreté départementale (SD) ou encore les brigades de sûreté urbaine (BSU). La réforme prévue en 2023 vise à faire exactement l’inverse.
Les OPJ exerçant en sécurité publique ont parfois plus de 400 dossiers en portefeuille en attente de traitement. Les moyens alloués à ces enquêteurs de proximité sont dérisoires.
Ne nous y trompons pas. La réforme ne va pas créer une super PJ mais va bel et bien dissoudre la police judiciaire dans la sécurité publique. Au lieu de tirer vers le haut le judiciaire, la réforme nivellera par le bas.
Monsieur Le Chef de l’Etat, plutôt que de réformer ce qui fonctionne au sein de la police nationale, notre syndicat vous demande d’intervenir pour mener à bien un chantier essentiel et prioritaire, celui de la réforme de la légitime défense pour les forces de l’ordre.
Notre syndicat ne revendique pas une nébuleuse et obscure présomption de légitime défense mais milite pour un retrait pur et simple des notions de proportionnalité et d’absolue nécessité de l’article L 435-1 du code de la sécurité intérieure.
Les policiers, les gendarmes, les douaniers et les surveillants pénitentiaires ont besoin d’une sécurité juridique réelle lorsqu’ils doivent faire usage de leurs armes dans le cadre de leurs missions, ce qui n’est pas le cas avec le texte actuel, ouvert à toutes les interprétations jurisprudentielles possibles.
Vous remerciant de l’attention que vous porterez à cette correspondance, recevez, Monsieur Le Président Macron, l’expression de mon plus profond respect républicain.
Michel Thooris, secrétaire général du syndicat France Police – Policiers en colère – Touche pas à mon flic.
Source : France Police
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