L’État Macron et la Pandémie Covid19 : malfaisants ou malfaiteurs ?
Depuis les aveux accablants d’Agnès Buzyn dans le Monde, et le premier article que nous avions publié sur le sujet, la question du passage des dirigeants publics devant le juge pénal après la crise est devenue un sujet de débat dans la grande presse et les réseaux se sont faits l’écho. Nous avons dit ici le caractère inéluctable de cette reddition judiciaire des comptes, en application des principes et des règles du droit pénal français. On répétera ici qu’il appartiendra aux juridictions régulières de se prononcer pour les culpabilités, mais qu’elles seront inéluctablement saisies par les victimes de la catastrophe. D’ores et déjà apparaissent un certain nombre de manquements gravissimes et établis susceptibles de recevoir des qualifications pénales. Il y en a d’autres et en particulier, toujours sur la question des masques, la nécessaire clarté sur ce qui s’est passé et la responsabilité des uns et des autres devront être établies par le juge pénal. Aujourd’hui, nous poursuivons le travail d’identification des suites pénales.
Nous avons interviewé Philippe Prigent avocat à la cour de Paris à propos de l’infraction de sabotage, particulièrement grave puisqu’elle relève de la catégorie des crimes justiciables de la cour d’assises.
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Vu Du Droit : Nous avions très tôt posé sur ce site, la question des conséquences juridiques et judiciaires de la pandémie Covid19. Depuis les aveux éclatant de Madame Agnès Buzyn dans le Monde, et la multiplication postérieure des informations sur les carences de la direction de l’État, la question de la responsabilité pénale des décideurs publics en charge de cette direction est devenue un sujet de débat. Vous considérez que les qualifications retenues que ce soit dans les plaintes d’ores et déjà déposées ou dans les articles de presse sont insuffisantes. À quoi pensez-vous ?
Philippe Prigent : comme l’ont exposé sur ce site ou ailleurs de nombreux intervenants, les ministres et de nombreux hauts fonctionnaires semblent avoir engagé leur responsabilité pénale pour toute une série d’infractions : homicides et coups et blessures involontaires, mise en danger délibérée de la vie d’autrui, détournement de biens publics, voire prise illégale d’intérêts (Madame Agnès Buzyn ministre de la santé dans ses rapports avec l’Inserm dirigé par son mari). C’est mieux que rien, évidemment, mais est-ce à la hauteur de la responsabilité de ceux qui ont été à ce point défaillant et qui continuent à l’être ?
Des peines de cinq ans d’emprisonnement dont une partie en semi-liberté par aménagement de peine et potentiellement plus faibles en raison de la « bonne conduite » des fautifs paraissent bien maigres par comparaison avec des dizaines de milliers de décès et les souffrances terribles que les cas graves survivants auront subi en réanimation. Même socialement, une condamnation pour « homicide involontaire » ne capture pas la réalité du forfait.
Trois qualifications plus sévères sont envisageables.
La première est le sabotage. L’article 411-9 du Code pénal dispose : « Le fait de détruire, détériorer ou détourner tout document, matériel, construction, équipement, installation, appareil, dispositif technique ou système de traitement automatisé d’informations ou d’y apporter des malfaçons, lorsque ce fait est de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation, est puni de quinze ans de détention criminelle et de 225 000 euros d’amende.
Lorsqu’il est commis dans le but de servir les intérêts d’une puissance étrangère, d’une entreprise ou organisation étrangère ou sous contrôle étranger, le même fait est puni de vingt ans de détention criminelle et de 300 000 euros d’amende ».
Ce texte s’applique même en temps de paix au sens juridique ou lorsque le coupable ne voulait pas porter atteinte à la défense nationale. Contrairement par exemple au crime de trahison au profit d’une puissante étrangère. Comme le montre la différence entre les deux alinéas, il y a sabotage même si l’accusé n’a pas agi dans le but de servir une entité étrangère ; travailler pour l’étranger n’est qu’une circonstance aggravante, prévue par le second alinéa.
Pour condamner un saboteur, il faut mais il suffit qu’il ait détruit ou détourné ou apporté des malfaçons à tout matériel, équipement, appareil ou dispositif technique et que ce fait ait été de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation. Toute destruction ou détournement de tout équipement est punissable dès lors que cette destruction ou ce détournement pourrait porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la France.
Conformément au droit commun, les complices par aide et assistance ou par instigation sont punis comme les saboteurs eux-mêmes.
Face à la pandémie, Emmanuel Macron, ses ministres et ses hauts fonctionnaires ont fait détruire ou détourner de nombreux appareils pourtant indispensables à la sécurité nationale. La destruction du stock de masques est le cas le plus éclatant mais pas le seul car le stock de chloroquine semble avoir aussi disparu dans d’étranges circonstances.
Juridiquement, peu importe que les intéressés aient ignoré que ces stocks seraient indispensables ou que la chloroquine soit utile ou non car le crime est consommé dès lors que la destruction était « de nature » à nuire aux intérêts fondamentaux de la nation. Or comme l’avait exposé Mme Bachelot dès 2010 et c’était une évidence, détruire un stock de masques ou de médicament peut nuire à l’intérêt national fondamental qu’est la lutte contre les épidémies.
La destruction du stock est d’autant plus scandaleuse qu’elle s’est poursuivie tout au long des mois de janvier et de février de cette année au profit notamment d’acteurs privés qui auraient dû être réquisitionnés. Cette destruction se poursuit d’ailleurs encore aujourd’hui car le Gouvernement continue à ordonner la destruction des rares masques FFP2 après usage unique – or ces masques pourraient être réutilisés.
La simple imprudence consistant à détruire du matériel précieux sans savoir s’il est réutilisable est déjà du sabotage, que dire de la destruction quand la réutilisation est certaine !
Le dernier avantage de la qualification criminelle est que tous les hauts fonctionnaires auteurs ou complices à l’exception des ministres relèveraient de la cour d’assises, c’est-à-dire d’un jury de citoyens auxquels ils devront exposer en quoi leur conduite n’était pas un sabotage.
Vu Du Droit : Vous considérez qu’il ne faut pas s’arrêter en si bon chemin mais que le code pénal recèle d’autres incriminations intéressantes.…
Philippe Prigent : Il y a en effet une seconde qualification envisageable qui est la provocation au sabotage, punie de sept ans d’emprisonnement, même quand elle n’a pas été suivie d’effet (article 411-11 du Code pénal). Bien sûr, elle s’ajoute au crime lui-même, mais elle permet de condamner aussi ceux qui prétendraient avoir seulement encouragé à la destruction des stocks sans y participer.
La troisième qualification est l’association de malfaiteurs (article 450-1 du Code pénal), qui réprime la participation à tout groupement même informel en vue de commettre un ou plusieurs délits passibles d’au moins cinq ans d’emprisonnement, dès lors que les fautifs ont accompli ne serait-ce qu’un acte matériel de préparation d’un délit (notion bien plus large que la complicité).
La qualification d’associations de malfaiteurs (malfaisants en la circonstance) semblebien s’appliquer à certaines de ces équipes qui entourent le président Macron depuis son élection et dans le fonctionnement de « bande » saute aux yeux à ce gouvernement et à ses proches serviteurs, cette qualification permet de condamner aussi ceux qui n’ont été complices d’aucun sabotage ou homicide volontaire mais ont participé un tant soit peu au groupement en vue en sachant ce qui se tramait.
Vu Du Droit : Certains lecteurs se demandent peut-être si la peur de la sanction pénale ne risque pas d’effrayer les décideurs politiques. Qu’en pensez-vous ?
Philippe Prigent : Probablement, mais cette peur du gendarme est à la base de tout système répressif.
Les sanctions sévères prévues par le droit pénal ne figurent pas dans le Code par hasard, elles sont des garde-fous destinés à inciter les dirigeants à la prudence en cas de doute, quitte à braver les reproches d’avoir acheté un peu de trop de masques ou de médicaments. Le droit pénal ne juge pas l’action politique en générale ; il punit seulement les fautes gravissimes même d’imprudence au détriment de l’intérêt de la Nation et de ses concitoyens.
C’est bien ce qui semble s’être produit à l’occasion de cette crise.
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