Les pièges du plan Vigipirate pour les militaires

Devant le musée du Louvre, à Paris, le 17 janvier.

Devant le musée du Louvre, à Paris, le 17 janvier. | Jacques Brinon / AP

Pour les armées, le plan « Vigipirate alerte attentat » représente, depuis le 7 janvier, un effort significatif, comme l’a rappelé le ministre de la défense, Jean-Yves Le Drian. Pour le budget de la défense, le coût supplémentaire de cette mobilisation, 10 500 hommes aujourd’hui, n’est pas neutre : il s’établit à un million d’euros par jour, selon les informations du Monde. Ce surcoût comprend l’indemnité de service accordée aux soldats dans cette opération intérieure et les frais de fonctionnement liés à leur déploiement.

Mais c’est dans la durée que l’effort se mesure, et qu’il va peser. Cet effectif exceptionnel d’urgence, qui s’ajoute à celui de la « posture permanente de sûreté » (la dissuasion, la police du ciel, la sécurité des approches maritimes de la France) est le plafond prévu par le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013. Pour tenir, l’armée de terre devra procéder à des arbitrages, différer des entraînements, des formations, voire prélever des hommes sur d’autres missions.

Dans la durée, en outre, la validité du plan se pose aussi. Au ministère de la défense, les gardes statiques devant les lieux sensibles sont en discussion. D’un côté, l’armée, visible, rassure. En amont, le commandement a été attentif aux consignes passées, ainsi qu’à la sélection des militaires envoyés. Ces jours-ci, les réseaux sociaux ont rapporté le chaleureux accueil réservé à certains dans les écoles juives, où des parents leur ont offert des pâtisseries.

« Une cible devant une cible »

Mais, « si le dispositif est appelé à durer, il pourrait aussi devenir un fixateur de tension », rapporte une source à l’issue d’une des réunions des derniers jours. Quelques unités ont subi des provocations bénignes, des insultes, des menaces jetées en passant. Plus grave, certains militaires ont été ostensiblement pris en photo avec des intentions peu claires. Les incidents relevés sont en proportion infimes. Ils concerneraient « au plus 0,1 % des effectifs sur le terrain » selon l’armée de terre, qui ne les juge pas significatifs en volume. Aucune procédure pénale n’a été ouverte. Mais depuis les assassinats commis par Mohamed Merah, en 2012, le sujet est ultrasensible.

« Les militaires sont des cibles, et un soldat devant un site sensible, c’est une cible devant une cible », résume un officier. Parmi ces incidents, l’un a retenu l’attention, au Raincy (Seine-Saint-Denis), en banlieue parisienne. En pleine nuit, lundi 19 janvier, deux soldats en faction devant le collège Merkaz Hatorah ont vu un automobiliste s’arrêter, et sembler manipuler une arme à l’approche des militaires. Faudra-t-il, dans les semaines qui viennent, privilégier des rondes ou des patrouilles véhiculées ? Les gardes statiques ne sont pas un mode d’action militaire, juge-t-on du côté de la défense, et les maintenir serait prendre un risque.

Une autre question délicate est soulevée : poster des soldats devant de nombreux lieux jusque-là très discrets les « révèle » en quelque sorte. Des centres culturels, des lieux de prière sont repérés, auxquels le voisinage pouvait ne pas prêter attention. Passé le déploiement en urgence, il ne fait pas de doute du point de vue des armées que Vigipirate doive être réaménagé.

Source : Le Monde

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