Les gendarmes mobiles sensibles au vote FN

Les gendarmes mobiles à Paris, en février 2013.

Pour la première fois, une étude a décortiqué les résultats des bureaux de vote situés près des casernes. La présence de gendarmes mobiles fait systématiquement monter le score du Front national.

La «grande muette» garde généralement ses opinions pour elle-même. Et en l’absence de syndicats, difficile de sonder le cœur politique des militaires. L’Ifop a trouvé une astuce. Comme les autres citoyens, les militaires expriment leurs opinions politiques en votant. L’institut a donc décortiqué les résultats des bureaux de vote situés près des casernes de gendarmes mobiles, pour la présidentielle de 2012.

Pourquoi les gendarmes mobiles en particulier? Car ils vivent dans des casernes aux côtés de leurs familles, et votent près de ce lieu, où ils peuvent représenter entre 15 et 100% de la population d’un bureau de vote. Une telle proportion influence fortement les résultats. Il est possible de s’en apercevoir en comparant les bureaux où votent ces militaires avec les résultats généraux de la commune.

Les conclusions de l’étude sont sans appel: «Tous les bureaux abritant une caserne de la gendarmerie mobile affichent un vote pour Marine Le Pen à la présidentielle très nettement supérieur à la moyenne de leur ville», affirme l’Ifop. Et ce de manière égale pour les villes ayant une tradition électorale ancrée à droite, voire très à droite, comme pour celles réfractaires au vote frontiste. À Hyères, par exemple, où le vote FN s’est élevé à 21,8%, le bureau où est située la caserne a donné 42,1% au parti d’extrême droite. À Dijon, le Front national a réalisé 13,4% mais le bureau de vote près de la caserne le porte à 30,8%. Idem pour Toulouse (10,3 contre 27,7%), Drancy (18,5 contre 32,9%), Rennes (7,3 contre 19,8%), Amiens (10 contre 23,8%), etc. Dans les 14 villes étudiées, la différence entre le score de la ville et celui du bureau proche de la caserne oscille entre 4,1 et 20,3% de plus pour le Front national. Ces différences sont également visibles avec les bureaux limitrophes de la caserne démontrant que ce n’est pas une simple question géographique et de quartier mais bien la présence des gendarmes qui influence le vote.

«Une ampleur spectaculaire»

L’étude mentionne le cas d’un bureau très particulier: le bureau n°10 de Versailles, situé à proximité du camp de Satory. Les électeurs inscrits à ce bureau sont à 100% des gendarmes et des membres de leurs familles, sans présence du reste de la population de la ville. Il permet donc une photographie exacte du vote des gendarmes mobiles à cet endroit. Il porte Marine Le Pen à 46,1%, Nicolas Sarkozy à 22,9%, François Bayrou à 11,7% et François Hollande à 11%.

Pour expliquer de tels résultats, Jérôme Fourquet, directeur du département Opinion de l’Ifop rappelle qu’il est «communément admis que ces personnes ont une orientation de droite, ont un attachement à des valeurs, au drapeau et un sens du patriotisme». Pourquoi, alors, ce tropisme vers le FN plutôt que la droite traditionnelle? «Il y a peut-être une déception par rapport à la présidence de Nicolas Sarkozy. Si au début ils ont eu l’impression d’être choyés, il y a eu par la suite des baisses de moyens et d’effectifs. Il peut également y avoir un sentiment de frustration par rapport aux CRS. Ces derniers, fortement syndiqués, sont préservés par rapport aux gendarmes mobiles, qui peuvent avoir l’impression d’être considérés comme des tâcherons cantonnés dans de vieilles casernes mal chauffées: sans possibilité de se syndiquer, ils sont dans l’impossibilité de contester et peuvent trouver un exutoire dans le vote d’extrême droite.» Enfin, les gendarmes mobiles se retrouvent souvent en première ligne face aux sujets labourés par le FN depuis des années. «Toutes les enquêtes montrent que les Français souhaitent des peines de prison soient plus sévères, rappelle Jérôme Fourquet. On peut penser que ce sentiment est encore plus présent chez les gendarmes mobiles, en prise directe avec la délinquance ou l’immigration clandestine, et parfois frustrés de voir des personnes arrêtées rapidement relâchées.»

L’étude de l’Ifop a été repérée par Jean-Jacques Urvoas, député socialiste spécialiste des questions sécuritaires, proche de Manuel Valls, qui explique sur son blog que, «si ce penchant extrémiste n’est pas totalement une surprise, son ampleur est en revanche assez spectaculaire». Que les gendarmes mobiles soient amenés à voter très à droite «est une chose que l’on entend régulièrement», détaille-t-il au Figaro. «Le bureau de Versailles et celui de Nanterre, dont les votants sont tous militaires, sont régulièrement scrutés. L’étude de l’Ifop permet d’élargir la vue, d’apporter des éléments objectifs sans tomber dans la généralisation. Il serait malhonnête de projeter ces conclusions sur toutes les forces de structure régalienne.» Le député du Finistère tient à en relativiser résultat: «Cette étude ne m’alarme donc pas plus. Si le pourcentage réalisé par Marine Le Pen chez les gendarmes mobiles atteint le même niveau en France, là je serai inquiet. S’il y a du souci à se faire, c’est plutôt sur la situation globale des forces mobiles en France: avec les baisses d’effectifs de ces forces d’élite, je ne suis pas sûr que la France puisse faire face à des événements tels que ceux de 2005 s’ils se reproduisaient.»

Source : Le Figaro

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