Les filières des rats : exfiltration des nazis en Argentine

Le président argentin Javier Milei a récemment annoncé vouloir rendre publics des documents sur l’installation en Argentine, après 1945, de centaines d’officiers allemands nazis ayant profité de filières d’exfiltration organisées par la CIA, le Vatican ou le Comité international de la Croix-Rouge (CICR).
« Il y a encore des documents qui n’ont pas été rendus publics sur l’époque où des Allemands nazis se sont réfugiés en Argentine, des documents sur des opérations bancaires, financières, des banques suisses, etc. […] Je crois que la plus grande partie des documents est au ministère de la Défense. Il n’y a a aucune raison pour cacher ces documents. » C’est par ces mots que Guillermo Francos, chef de cabinet du président argentin Javier Milei, a annoncé, lundi 24 mars 2025
, la déclassification des archives gouvernementales liées à l’installation de criminels de guerre nazis en Argentine après la Seconde Guerre mondiale.
Javier Milei aurait pris cette décision après avoir reçu, par l’intermédiaire de représentants du Centre Simon Wiesenthal, une lettre du sénateur étatsunien Chuck Grassley (cf. PJ), membre du Comité judiciaire du Sénat : celui-ci exhortait l’Argentine à coopérer dans une enquête sur des actifs bancaires détenus par des nazis et notamment sur une centaine de comptes du Crédit Suisse (aujourd’hui membre du Groupe UBS) liés à des nazis établis en Argentine après 1945.
L’Argentine pourrait avoir hébergé environ 5000 criminels de guerre nazis : l’un des plus connus est Adolf Eichmann qui, grâce à l’aide d’un évêque autrichien basé à Rome, Alois Hudal, a pu débarquer en 1950 à Buenos Aires sous le nom d’emprunt de Ricardo Klement. En 1960, Eichmann a été enlevé par un commando du Mossad et ramené en Israël pour y être jugé : il a été condamné à mort puis pendu en 1962.

Un autre tortionnaire nazi,, Josef Mengele, le médecin SS du camp d’extermination d’Auschwitz-Birkenau, a aussi pu se réfugier en juillet 1949 en Argentine et il s’y est inventé une nouvelle vie pendant dix ans ; il est finalement décédé au Brésil en 1979, lors d’une noyade accidentelle, sans jamais avoir été appréhendé.
Les filières des rats
La déclassification de ces archives pourrait permettre d’en savoir plus sur les »filières des rats », ces réseaux d’exfiltration nazis organisés par le Comité international de la Croix-Rouge, la CIA ou le Vatican. Ces filières conduisaient principalement vers des abris sûrs en Amérique latine, notamment en Argentine, au Brésil, au Paraguay et au Chili, mais aussi au Proche-Orient, principalement en Égypte et en Syrie.
Dans le livre paru en 2015 de l’universitaire Gerald Steinacher, Les Nazis en fuite, on voit bien le soutien apporté par les États-Unis, la Suisse et le Vatican à des dizaines de milliers de bourreaux européens, Allemands et Croates en tête, appelés « réfugiés ». Selon Steinacher, ce soutien était motivé par la « guerre froide » et le « cauchemar du communisme » d’après 1947. Mais l’auteur reste quasi muet sur un sujet polémique : le rôle de chef d’orchestre souvent attribué au pape Pie XII (1939-1958). Selon de nombreuses sources et l’historienne Annie Lacroix-Riz, Pie XII prépara dès 1942, avec la filière argentine, le sauvetage-recyclage des criminels de guerre ; et il était sûr dès 1943 du soutien des USA et de celui du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), étroitement lié aux États-Unis et à l’Allemagne.

Un effet d’annonce
Cependant, un article du Buenos Aires Herald
rappelle qu’en 1992, le président argentin de l’époque, Carlos Menem, avait déjà publié un décret déclassifiant les informations sur les activités des nazis allemands en Argentine. Au final, cette mesure s’était révélée très décevante, ne concernant que 7 dossiers. En 1999, une commission gouvernementale avait établi que 180 criminels de guerre nazis au moins (recherchés pour des accusations individuelles) s’étaient réfugiés en Argentine. Il n’est pas certain que la décision du président Milei permettra de rendre publics de nouveaux documents, surtout que aucun calendrier n’a été communiqué…
De plus, des voix de l’opposition ont déclaré que cette déclassification était démagogique car, Milei ayant coupé à la tronçonneuse dans les dépenses publics et ayant licencié tout le personnel spécialisé dans les Archives (il a même donné la direction des Archives nationales de la Mémoire à une experte en crypto-monnaies…), on se demande qui va faire ces déclassifications et transferts de documents.
Plaire à Israël
Cette décision de Javier Milei s’explique aussi par la position ultra-sioniste du président libertarien réactionnaire élu le 19 novembre 2023 : globalement proche de toutes les extrêmes-droites du monde occidental, Milei soutient la colonisation et le projet de nettoyage ethnique de Netanyahou en Palestine et il a annoncé le déplacement de l’ambassade d’Argentine à Jérusalem. En février 2024, lors de son son premier voyage officiel comme président, il s’est rendu en Israël et s’est longuement fait photographier et filmer, le visage inondé de larmes, devant le mur des Lamentations.
Puisque la lettre du sénateur Chuck Grassley lui a été remise par des représentants du Centre Simon Wiesenthal – qui depuis des décennies enquête sur les »filières des rats » qui ont permis à presque 10.000 Nazis de fuir l’Europe et la Justice – , Milei cherche sûrement à se faire bien voir du génocidaire Netanyahou…

Conséquence inattendue de l’annonce du chef de cabinet de Milei : certains ignorants ont relancé la sotte rumeur de la fausse mort de Hitler en 1945… Mise au point sur la mort certaine de Hitler le 30 avril 1945 dans Profession Gendarme demain !
Jocelyne Chassard
Sources principales :
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